MONTRÉAL - Ça y est: c'est la journée de la saison où tous les partisans du Baseball majeur voient leur club avoir des chances égales de participer aux séries éliminatoires, l'automne prochain. Certains déchanteront bien rapidement, mais est-ce que les nouvelles règles qui sont entrées en vigueur ce jeudi auront l'effet escompté par la MLB sur le niveau de compétitivité? Ça reste à voir, estiment deux experts consultés par La Presse Canadienne.

Un bref rappel: les 30 clubs pourront compter 28 joueurs au lieu de 26; six équipes par ligue participeront aux séries éliminatoires; le frappeur désigné sera dorénavant utilisé dans la Ligue nationale; les équipes ne pourront plus jouer constamment au yo-yo avec leurs joueurs, qui ne pourront être cédés ou rappelés qu'un maximum de cinq fois par saison; les équipes auront d'importants incitatifs à faire jouer leurs meilleurs joueurs dans les Majeures au lieu de contrôler leur ancienneté, et une loterie a été instaurée pour les six premiers choix au repêchage à compter de 2023.*

« C'est certain que le frappeur désigné va changer de quoi, avance Marc Griffin, analyste des matchs de la MLB sur les ondes de RDS. Dans le baseball d'aujourd'hui, ce sont environ deux présences `gratuites' par rencontre qui seront évitées. Sur 35 départs, ce sont peut-être 50 retraits `automatiques' de moins: ça va avoir une incidence sur les moyennes de points mérités.

« Par contre, ce n'est peut-être pas le règlement qui va avoir le plus d'influence sur la saison. J'aurais aimé qu'il y ait 14 équipes en séries, mais avec 12, ce sont quand même quatre équipes qui se disputeront un '2 de 3' pour passer aux séries de section. Si tu joues pour ,500 à mi-chemin de la saison, tu seras dans le coup. J'ai hâte de voir ce que ça va créer après la pause du match des étoiles. Ça pourrait être bien 'l'fun'. »

André Lachance, qui agit maintenant comme directeur au service des performances humaines du Cirque du Soleil après avoir occupé le poste de gérant de l'équipe nationale du Canada et directeur technique de Baseball Canada pendant près de 20 ans, croit que ce nouveau format éliminatoire va changer la donne.

« Le fait d'avoir plus d'équipes en séries va changer la dynamique au niveau de la périodisation de la saison. [...] Quand tu ajoutes des équipes, tu peux te permettre comme organisation de rythmer ta saison différemment. Certains vont tenter d'entrer en séries avec plus d'énergie. Une saison de 162 matchs, c'est hyper long et hyper difficile, ce qui fait que la gestion de la récupération, c'est très important. On a ce phénomène ici au Cirque, où certains athlètes donnent 450 représentations par an. »

Selon Lachance, ce format éliminatoire et la formation étendue à 28 joueurs contribueront à modifier le développement athlètes à tous les niveaux.

« On va voir davantage de joueurs multi-positions, comme chez les Yankees l'an dernier. Ce qui fait qu'à tous les deux ou trois jours, on peut donner une journée de congé supplémentaire à ses piliers, ce qui permet une meilleure récupération.

« Si on extrapole, dans 5-10 ans, ce genre de joueurs multi-positions risque d'être très important. Ça pourrait changer la dynamique du développement des joueurs, autant dans le baseball mineur, dans les universités, que dans les ligues mineures. Ces joueurs, qui n'avaient pas vraiment de position et donc pas vraiment de place dans les Majeures, tu vas maintenant pouvoir les garder avec une formation à 28 joueurs pour donner une pause à tes vedettes.

« Les gens me demandent souvent comment nous avons pu réussir à être les deuxièmes au monde avec mon équipe féminine. Je reviens toujours au multi-positions: nous avions toujours des options. Je pense que c'est une tendance qui va devenir de plus en plus importante. »

Finis les rappels à l'infini

Les équipes qui jouent constamment au yo-yo avec leurs lanceurs ou leurs joueurs 'au seuil des Majeures' avec des rappels et rétrogradations à l'infini n'auront plus ce luxe, puisqu'un joueur ne pourra être déplacé plus de cinq fois par saison.

« Ça va faire mal aux Rays! Ils ont utilisé 37 lanceurs l'an dernier; 14 gars différents ont obtenu un sauvetage, note Griffin. Je ne pense pas que ça va changer quelque chose pour les Blue Jays, les Yankees ou les Red Sox, mais les équipes un peu plus créatives sur le développement, ça peut avoir un effet. C'est comme n'importe quelle règle, certains en ont abusé. »

La manipulation du temps de service a aussi été réglée avec l'instauration d'importants incitatifs afin que les jeunes vedettes atteignent plus rapidement le Baseball majeur.

« Les carrières dans le baseball sont généralement courtes, souligne Lachance. Le sommet de performance d'un joueur dans un sport collectif, c'est entre 26-28 ans. Ça prend plus de temps. Mais il y a toujours des exceptionnels qui sont capables de contribuer plus vite. De les compter dans ta formation, c'est bénéfique. »

Le baseball se retrouvait aussi avec un problème de taille, alors que certains des meilleurs athlètes au niveau universitaire choisissaient un autre sport que le baseball.

« C'est clair qu'au niveau financier, si tu as la chance de percer au football ou au basket-ball dès maintenant au lieu de passer trois ou quatre ans dans les mineures, avec ton sandwich au 'baloney', ta barre tendre et ton orange comme lunch, tu vas choisir un de ces deux sports », dit Lachance au sujet des athlètes surdoués ayant réellement des chances de percer dans plus d'un sport, ce qui n'est pas si rare aux États-Unis.

La MLB a par ailleurs raté une belle occasion de régler son plus grave problème: la disparité entre les masses salariales des équipes. Il l'a même exacerbée en repoussant vers le haut la limite salariale entraînant une pénalité, ce qu'on appelle couramment la taxe de luxe.

Malgré un partage des revenus très avantageux, les clubs reçoivent tous de 200 à 225 millions $ US avant de commencer leur saison, 10 équipes ont une masse salariale projetée de moins de 100 millions $ pour 2022, selon le site spotrac.com. Les Athletics d'Oakland et les Orioles de Baltimore ne prévoient dépenser que 32 et 30 millions $ respectivement.

« Oakland, c'est une disgrâce, se désole Griffin. Que les Expos aient fait une vente de feu en 1995, c'est une chose. Mais avec le partage de revenus actuel, c'est scandaleux. En 1991, les A's avaient la plus forte masse salariale du baseball à 35 millions. En 2022, ils auront pratiquement la même, qui va être l'une des plus petites.

« Est-ce qu'un plancher salarial aurait pu être la solution? Obliger ces équipes de bas de tableau à dépenser un minimum? Je ne comprends pas: ce sont les joueurs qui ne voulaient pas de plancher et de plafond salarial. Pourtant, si tu as 10 équipes qui dépensent plus, c'est plus d'argent pour les joueurs. »

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* Quelques détails sur les règles:

- Les équipes ayant les deux meilleures fiches parmi les champions de section seront classées nos 1 et 2 et profiteront d'un laissez-passer au premier tour. Les quatre autres joueront une série au meilleur de trois rencontres pour passer aux séries de sections. L'équipe no 6 affrontera l'équipe no 3, et l'équipe no 5 se mesurera à l'équipe no 4. Les trois matchs sont joués dans le stade du club le mieux classé.

- Les équipes n'ont plus de raison de ne pas garder leurs meilleurs espoirs dans les Majeures. La nouvelle convention prévoit des choix compensatoires pour un club dont une recrue terminerait dans le top-3 du scrutin au joueur par excellence, recrue de l'année et trophée Cy Young. Par ailleurs, de terminer premier ou deuxième au titre de recrue par excellence octroi automatiquement une année complète de service au joueur. Si un club croit qu'une de ses recrues fera partie de la discussion pour cet honneur, ça n'a plus aucun sens de la faire patienter dans les mineures jusqu'en mai ou juin, comme on l'a vu dans le passé avec Mike Trout et Kris Bryant, par exemple.