MONTRÉAL – Mardi, les 35 joueurs dont le nom est inscrit sur le bulletin de vote des Chroniqueurs de baseball d'Amérique (BBWAA) en vue de leur admission au Temple de la renommée sauront s'ils ont été retenus par 75 pour cent des quelque 410 journalistes ayant droit de vote aux États-Unis et au Canada.

Le journaliste de La Presse canadienne Frédéric Daigle est membre de la BBWAA, mais n'a pas encore droit de vote, octroyé après avoir été membre en règle pendant 10 années d'affilée seulement.

Il offre ici la liste, par ordre alphabétique, de ceux qui auraient obtenu son vote pour une intronisation en 2019.

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Le droit de vote pour le Temple de la renommée du baseball est un mandat qui demande du temps et vous met devant des choix déchirants. Faire l'exercice n'est pas simple, et il offre une toute nouvelle perspective sur l'honneur qui est ainsi fait aux joueurs sélectionnés.

Comme si de voir son nom inscrit sur au moins 75 pour cent des bulletins de vote distribués n'était pas suffisant, les journalistes électeurs ne peuvent choisir qu'un maximum de 10 joueurs par an. Qui plus est, les joueurs ne bénéficient plus que de 10 années d'admissibilité, comparativement aux 15 qui leur étaient auparavant allouées.

Au cours des dernières années, les journalistes votants ont aussi eu à négocier avec bon nombre de joueurs issus de « l'ère des stéroïdes », notamment Barry Bonds et Roger Clemens, dont les noms sont inscrits cette année pour une septième fois sur le bulletin. Les électeurs doivent ainsi faire un choix moral, en plus de se baser sur les statistiques. Vous le verrez : j'ai décidé que ce serait au Temple d'expliquer aux visiteurs ce qui s'est passé dans le Baseball majeur au cours de cette époque.

Une note également sur la statistique JAWS, que vous retrouverez en quelques occasions dans ce texte:  créée par le journaliste et sabermatricien Jay Jaffe, le JAWS tient compte des sept meilleures saisons statistiques d'un joueur, tel que compilées par le WAR, qui compare le joueur en question à un joueur moyen à sa position, quantifiant le nombre de victoires supplémentaires qu'une équipe bénéficie en utilisant ce joueur (le Wins Above Replacement). La moyenne du WAR et du WAR7 donne ainsi le JAWS du joueur.

Alors que les coups sûrs, les circuits et les points produits pour les frappeurs, ou les victoires et les retraits sur des prises pour les lanceurs, faisaient foi de tout auparavant, les statistiques avancées pèsent de plus en plus lourd dans le scrutin. Le JAWS et le WAR offrent un bon résumé du portrait détaillé que peuvent offrir celles-ci, bien qu'elles ne fassent pas l'unanimité.

Barry Bonds

Commençons avec un choix controversé, mais précisons immédiatement que nous ne travaillons pas pour l'escouade de la moralité. Ainsi donc, comment refuser l'accès à celui qui a gagné sept fois le titre de joueur par excellence en carrière, recordman des coups de circuits, des buts sur balles et des buts sur balles intentionnels? Même en coupant la carrière de Bonds vers la ligne floue marquant le début de l'ère des stéroïdes, Bonds mériterait d'être au Temple: avant 1998, il avait été nommé trois fois joueur par excellence et terminé quatre autres fois dans le top-5.

Dans toute l'histoire du baseball, seuls Babe Ruth (182,5), Cy Young (168,0) et Walter Johnson (165,2) ont un meilleur WAR que le sien (162,8).

Roger Clemens

Si Bonds mérite notre vote, Clemens aussi. Recordman de tous les temps avec sept Cy Young – dont trois avant l'ère des stéroïdes, jumelés à deux top-5 et trois top-6, si on veut diviser sa carrière comme nous l'avons fait pour Bonds.

L'un des six lanceurs à avoir gagné le Cy Young dans les deux ligues, le joueur par excellence de l'Américaine en 1986 a remporté 354 victoires (qui lui confèrent le neuvième rang de l'histoire), dont 46 jeux blancs. Ses 4672 retraits sur des prises le placent au troisième rang, derrière Nolan Ryan et Randy Johnson.

Comme les scribes sont limités à 10 votes par bulletin, ceux qui comme nous estiment que ces deux joueurs ont leur place ne peuvent octroyer leurs votes à d'autres. Qu'on les admette au plus vite afin de libérer ces deux places.

Roy Halladay

Halladay a été l'un des lanceurs parmi les plus dominants de son époque. L'un des six lanceurs seulement à remporter le Cy Young dans les deux ligues, il a terminé cinq autres fois dans le top-5 au scrutin. Entre 2003 et 2011, il a terminé sept fois au premier rang pour les matchs complets.

Vrai que ses 203 victoires ne constituent pas un total impressionnant, mais son taux de victoire de ,659 le place au 13e rang de tous les temps.

Edgar Martinez

Martinez a mis du temps à faire l'unanimité au sein de l'électorat, mais à sa 10e et dernière année d'admissibilité, sa place à Cooperstown semble acquise.

En 18 saisons à Seattle, il a redéfini la position de frappeur désigné. Le trophée donné au joueur le plus méritant annuellement à cette position porte d'ailleurs son nom. Deux fois champion frappeur de l'Américaine (1992 et 1995), Martinez a reçu cinq Bâtons d'Argent et a été nommé six fois au sein de l'équipe d'étoiles.

Même en le comparant aux troisièmes-buts, son pointage JAWS lui confère le 11e rang de tous les temps. Parmi les 10 joueurs qui le précèdent, huit sont au Temple et un vient d'annoncer sa retraite, Adrian Beltre. L'autre est Scott Rolen.

Mike Mussina

Mussina a lancé à une époque où Greg Maddux, Tom Glavine, John Smoltz, Randy Johnson, Pedro Martinez, Clemens, Halladay et Curt Schilling dominaient au monticule et n'a ainsi jamais remporté de Cy Young, ni terminé au premier rang pour la m.p.m. ou les retraits sur des prises. Mais il a terminé six fois dans le top-5 au scrutin du Cy Young et trois autres fois sixième, en plus de se classer neuf fois dans le top-10 pour les victoires et 10 fois dans le top-10 pour les retraits sur des prises.

Contrairement à quelques-uns des lanceurs nommés plus haut, Mussina n'a pas atteint le plateau des 300 victoires en carrière, mais ses 270 victoires le placent au 33e rang de tous les temps, à égalité avec le membre du Temple Burleigh Grimes, et devant Jim Palmer, Bob Feller et Bob Gibson, ainsi que 31 autres partants admis à Cooperstown.

Mariano Rivera

Le plus grand releveur no 1 de tous les temps en est à sa première et assurément dernière année d'admissibilité.

Son 602e match sauvegardé lui a ouvert les portes du Temple. Il lui permettait alors de devancer Trevor Hoffman – élu l'an dernier – au premier rang. Il ajoutera 50 sauvetages à sa fiche avant de se retirer avec cinq bagues de la Série mondiale.

Parmi les lanceurs n'ayant été utilisés que comme releveur (si on exclut sa première campagne), celui qui a défendu les couleurs des Yankees de New York pendant ses 19 campagnes dans la MLB affiche les meilleurs WAR et JAWS de l'histoire.

Scott Rolen

On a déjà évoqué le nom de Rolen plus tôt. La recrue de l'année en 1997 a gagné huit Gants d'Or et participé à sept matchs des étoiles. Il a complété sa carrière avec des moyennes de ,281/,364/,490, plus de 2000 coups sûrs, dont 517 doubles et 316 circuits, en plus d'avoir produit 1287 points et d'en avoir marqué presque autant (1211).

Son WAR, son WAR7 et son JAWS sont tous supérieurs à la moyenne des 14 troisièmes-buts déjà admis et le placent au 10e rang de tous les temps. Parmi les 10 premiers, seul Adrian Beltre n'a pas encore été admis. Il apparaîtra sur les bulletins de vote dans cinq ans...

Curt Schilling

Schilling est un autre joueur qui ne fait pas l'unanimité, malgré des statistiques qui, sans être spectaculaires, sont excellentes

Sa fiche de 216-146 lui confère un taux d'efficacité de ,597 au monticule et il affiche le meilleur ratio RAB/BB du membre des 3000 retraits sur des prises.

Schilling a gagné trois Séries mondiales, en plus d'être nommé une fois joueur par excellence de celle-ci et une autre de la série de championnat. Son taux de victoire de ,846 (11-2) en matchs éliminatoires est le meilleur parmi les lanceurs comptant 10 décisions ou plus.

Ses statistiques avancées le placent au 27e rang de tous les temps parmi les partants. De tous ceux qui sont devant lui, seuls Jim McCormick, dont la carrière a pris fin en 1887, et Clemens ne sont pas à Cooperstown.

Gary Sheffield

Malgré ses 2689 coups sûrs, ses 509 circuits et ses moyennes de ,292/,393/,514, Sheffield n'a pas la cote auprès des électeurs. Pourtant, il a terminé cinq fois dans le top-5 au scrutin du joueur par excellence, gagné cinq Bâtons d'Argent et choisi neuf fois au sein de l'équipe d'étoiles en 22 ans, en plus de gagner une Série mondiale avec les Marlins de la Floride, en 1997.

Sheffield a plus de coups sûrs, de circuits, et de points produits que plusieurs voltigeurs de droite déjà admis à Cooperstown, en plus de montrer des statistiques offensives semblables à celles de Larry Walker.

Larry Walker

Certains pourraient nous accuser d'y aller d'un choix sentimental. Ils n'auraient pas tout à fait tort, mais ils n'auraient pas entièrement raison non plus. Walker est assurément l'un des meilleurs voltigeurs de droite de l'histoire du baseball, autant au bâton qu'en défense: trois championnats des frappeurs, trois Bâtons d'Argent, sept Gants d'Or et un titre de joueur par excellence, en plus de terminer une autre fois dans le top-5 et trois autres fois dans le top-10.

Coors Field ou pas, ses moyennes de ,313/,400/,565 sont remarquables. Entre 1997 et 2001, il a maintenu des moyennes au bâton supérieures à ,350 quatre fois. Ses statistiques avancées le placent au 10e rang parmi tous les voltigeurs de droite de l'histoire. Les neuf premiers sont au Temple, comme les nos 11, 12 et 14. Le 13e est Shoeless Joe Jackson, banni à vie du baseball. Walker a sa place à Cooperstown.

Les exclus

Ils sont nombreux, mais Rick Ankiel, Jason Bay, Lance Berkman, Freddy Garcia, Jon Garland, Travis Hafner, Todd Helton, Andruw Jones, Jeff Kent, Ted Lilly, Derek Lowe, Fred McGriff, Darren Oliver, Roy Oswalt, Andy Pettitte, Juan Pierre, Placido Polanco, Manny Ramirez, Sammy Sosa, Miguel Tejada, Omar Vizquel, Billy Wagner, Vernon Wells, Kevin Youkilis et Michael Young n'ont pas obtenu mon vote.

Certains de ces joueurs ont connu d'excellentes carrières – Bay a été recrue par excellence et Tejada joueur par excellence, pour ne nommer que ceux-là –, mais prises dans l'ensemble, leurs carrières respectives ne justifient pas une admission parmi les immortels du baseball.