MONTRÉAL – C’est l’histoire d’un sac de Doritos.
 
Même s’il se situe au troisième rang de l’histoire des lanceurs des Expos de Montréal au chapitre des victoires (derrière Steve Rogers et Dennis Martinez), Bryn Smith demeure associé à ce qui se voulait une remarque lancée sans méchanceté.
 
Tôt dans l’été 1989, tout baignait pour les Expos qui se retrouvaient au premier rang de la division Est de la Ligue nationale grâce aux Tim Raines, Tim Wallach, Andres Galarraga, Dennis Martinez, Mark Langston, Pascual Perez et Smith.
 
Le journaliste de Sports Illustrated, Peter Gammons, s’était alors intéressé aux Expos. Dans la dernière partie de son article, c’est là que Gammons a tenté de découvrir les particularités d’évoluer dans un marché comme celui de Montréal. Après avoir vanté les services offerts aux familles des joueurs par les Expos, la femme de Smith s’était échappée en disant qu’elle devait se déplacer à Plattsburgh pour acheter des choses importantes comme leurs Doritos préférées.
 
Voilà, c’en était fait. Même 30 ans plus tard, c’est encore le lien qui surgit quand le nom de Bryn Smith est évoqué.    
 
L’ancien lanceur de 64 ans ne s’en cache pas, il trouve dommage que ce soit le cas.
 
« Je crois que Peter Gammons essayait de trouver des choses négatives à dire sur le baseball à Montréal. Mon discours était essentiellement de dire qu’il n’y avait rien de négatif à jouer ici. La seule chose que je ne pouvais pas avoir, c’était les Doritos que j’adore », a raconté Smith dans le cadre d’une présence à Montréal qui a permis de recueillir des sommes pour la Fondation KAT D DIPG qui vise à trouver un remède à une tumeur meurtrière du cerveau.   
 
Heureusement, il admet que ça s’est estompé quelque peu à partir du moment que le contexte a été mieux expliqué. Il était capable de vivre avec les nombreuses taquineries qui étaient inévitables dans les circonstances. Si ses coéquipiers ont rempli son casier de sacs de Doritos, des partisans lui ont lancé des sacs surtout quand il est revenu à Montréal la saison suivante dans l’uniforme des Cardinals de St. Louis.

 Pour la petite histoire, il s’était fait « poivrer » à son retour au Stade olympique alors qu’il a concédé six points mérités en seulement un tiers de manche dans un revers épicé de 18 à 2.
 
« Avec le temps, j’ai fini par oublier un peu cette histoire. On connaissait de bons moments à cette époque et je ne voulais que détendre l’atmosphère en disant ça, pour avoir du plaisir. Malheureusement, c’est sorti de la mauvaise façon, mais ce n’était rien de mal contre Montréal », a ajouté Smith dont les performances ont périclité à l’image de celles de ses coéquipiers dans le dernier droit de la saison 1989.
 
Il ne mérite aucunement que tout son héritage soit entaché par cette déclaration.
 
« Ça vient littéralement me chercher dans les tripes, ces démarches qui se font par les temps qui courent. Je suis devenu un joueur des Majeures à Montréal et ces années ont été merveilleuses pour moi », a confié Smith, samedi, après une série d’autographes avant le match des Alouettes de Montréal auquel il a assisté avec Claude Raymond, Steve Rogers et Mike Lansing.  
 
En 1985, il a d’ailleurs connu une campagne étincelante avec une fiche de 18-5. C’est à partir de ce moment qu’il s’est senti stable en tant que lanceur du Baseball majeur.
 
« Je suis arrivé dans l’organisation des Expos via une transaction avec les Orioles. Je suis allé dans les mineures et, pendant ce temps, des lanceurs comme Bill Gullickson, Scott Sanderson, David Palmer, Charlie Lea ont connu une ascension plus rapide que la mienne. Cette saison a été très spéciale, comme une révélation », a-t-il noté.
 
Le lanceur droitier à la barbe rousse avait effectué ses débuts avec les Expos à la fin du calendrier de 1981 à l’âge de 25 ans. Il s’en est fallu de peu pour qu’il ne renonce au baseball quelques mois plus tôt.
 
Comme il le dit si bien, c’est fabuleux de constater comment la vie est une boucle qui relie les passages de notre parcours. Coincé dans les mineures, à Denver, au début de la saison 1981, il est allé parler de son projet d’accrocher son gant au gérant qui était nul autre que Felipe Alou.
 
Celui-ci lui a expliqué qu’il devait bien réfléchir puisqu’il ne pourrait plus revenir à l’amour de sa vie par la suite. Smith a donc redoublé d’ardeur et ses performances ont explosé ce qui lui a valu un rappel avec les Expos et neuf saisons avec la troupe montréalaise.
 
Après trois années avec les Cards, le dernier grand moment de sa carrière est survenu quand les Rockies du Colorado lui ont confié, en 1993, le départ pour le premier match à domicile de l’organisation contre...  les Expos et leur gérant... Felipe Alou.
 
« J’ai été en mesure de gagner ce match (aucun point mérité en sept manches). Deux mois plus tard, j’ai été libéré et ma carrière était terminée. Il y avait plus de 80 000 personnes et j’ai affronté Mike Lansing, qui est ici avec moi, pour le premier lancer. C’est quand même fou quand on y pense », a relevé Smith.Bryn Smith
 
Après avoir investi du temps comme entraîneur dans les mineures au sein de l’organisation des Rockies, Smith œuvre maintenant comme président du programme Orcutt Babe Ruth qui favorise la pratique du baseball chez les jeunes.  
 
« J’essaie de poursuivre la tradition du baseball, d’en faire la promotion et de construire de nouveaux terrains. Je ne prévoyais pas devenir le président, mais c’est devenu nécessaire afin que ça fonctionne. C’est un beau projet pour la jeunesse », a conclu le grand-père de trois petits-enfants.
 
Pour les curieux, il a expliqué, dans une entrevue à TSN Radio, que son prénom provient des quatre initiales de son grand-père. Voilà une autre fascinante boucle de la vie puisque, comme il l’a précisé, Bryn signifie ‘monticule’ dans le vocabulaire gallois.