Passer au contenu principal

RÉSULTATS

Mois de l'histoire des Noirs : « Un match qui a changé le baseball »

Publié
Mise à jour

Imaginez, dans un futur rapproché, lors de la mise en jeu au début d'un match de la Ligue nationale de hockey que les 5 joueurs qui sont sur la glace ainsi que le gardien aient tous la peau noire. Lorsque ce moment arrivera, l'événement fera probablement la manchette dans le monde entier.

Pourtant, lorsque le 1er septembre 1971 les Pirates de Pittsburgh ont présenté sur le terrain 9 joueurs « de couleur » lors du match contre les Phillies de Philadelphie, l'événement est presque passé inaperçu. Il s'agissait pourtant d'une grande première, qui survenait 15 ans après la retraite de Jackie Robinson et 25 ans après son illustre saison avec les Royaux de Montréal. Il faut dire que les deux principaux journaux de Pittsburgh étaient alors en grève, et que la rencontre n'était pas télédiffusée. Bref, il reste bien peu d'archives de ce match historique.

De ces 9 joueurs, il ne reste que trois témoins vivants et j'ai eu la chance récemment de discuter avec deux d'entre eux, soit Al Oliver et Dave Cash, qui ont, plus tard dans leur carrière, porté l'uniforme des Expos de Montréal. Ces deux hommes retirent une immense fierté d'avoir contribué à ce moment plus que symbolique. « Il a été dit que c'est un match qui a changé le baseball », raconte Al Oliver. « Nous avons marqué l'histoire et personne ne peut nous l'enlever! »

« On ne l'avait pas réalisé à l'époque, mais avec le recul, c'était une page d'histoire », constate Dave Cash.

Il n'y a que des frères!

C'est Al Oliver qui le premier, s'est bien rendu compte que cette 1re soirée de septembre, au nouveau Three Rivers Stadium de Philadelphie, n'était pas comme les autres. 

La formation défensive régulière des Pirates était déjà à la base composée de plusieurs joueurs réguliers « de couleur », comme les voltigeurs Roberto Clemente, Willie Stargell et Gene Clines, de même que le receveur Manny Sanguillen. Mais la situation des blessés des Pirates a forcé le gérant Danny Murtaugh à effectuer quelques modifications à l'avant-champ. De plus, pour affronter le gaucher Woody Fryman des Phillies, Murtaugh a décidé d'utiliser le frappeur gaucher Oliver au 1er coussin au lieu du droitier Bob Robertson. En 1967, les Pirates avaient déjà assigné 8 joueurs défensifs « de couleur » lors d'un match, mais le lanceur était blanc. Cette fois, au monticule, la rotation des lanceurs partant a voulu que ce soit Doc Ellis qui se présente sur la butte lors de ce mercredi soir. 

Lorsque Danny Murtaugh a remis sa formation à l'arbitre au marbre Stan Landes, l'histoire s'écrivait. C'est à ce moment qu'Al Oliver a glissé à l'oreille de Dave Cash « Dave, we've got all brothers in there »! Sur les 9 joueurs en position défensive, il n'y avait que des joueurs « de couleur ». Lorsque questionné sur la portée historique de son 9 partant, Murtaugh (un gérant évidemment blanc, puisqu'il faut attendre à 1975 avant de voir Frank Robinson devenir le 1er gérant de couleur) a affirmé que lorsqu'il compose sa formation, il devient daltonien.

Formation des Pirates du 1er septembre 1971

Rennie Stennet                  2e but
Gene Clines                       Champ centre
Roberto Clemente             Champ droit
Willie Stargell                     Champ Gauche
Manny Sanguillén              Receveur
Dave Cash                         3e but   
Al Oliver                             1er but                       
Jackie Hernandez              Receveur
Dock Ellis                            Lanceur

En comparaison, les Phillies comptaient sur 2 joueurs « de couleur », soit Willie Montanez et Oscar Gamble. Lorsque Gamble s'est amené au bâton en 1re manche, avec 2 coureurs sur les buts, Larry Bowa, installé au 3e coussin était le seul joueur blanc sur les 12 présents sur le terrain.

Dock Ellis, qui a marqué l'imaginaire collectif en confessant qu'il avait effectué son match sans point ni coup sûr de 1970 sous l'effet du LSD, n'a pas effectué une longue sortie contre les Phillies, une pauvre édition, encore pire que celle des Expos de 1971! Les Pirates ont gagné ce match 10 à 7. Mieux encore, ils ont remporté la Série mondiale, la 1re des Pirates depuis 1960. En cours de saison, cette puissante formation offensive, qui pouvait même se permettre d'avoir au 7e rang Al Oliver (champion des frappeurs de la Ligue nationale en 1982 dans l'uniforme des Expos), a subi un match sans point ni coup sûr de la part de Bob Gibson des Cardinals. 

La portée historique

Si ce match du 1er septembre mérite d'être souligné, c'est qu'il marquait une étape positive après la sombre histoire de discrimination raciale du Baseball majeur. Non pas une histoire de discrimination raciale au sens large, mais une entente tacite directement ciblée contre les joueurs « afro-américains », en réponse presque immédiate à la Guerre de Sécession et la fin de l'esclavagisme aux États-Unis en 1865. Les Afro-Américains ont été confinés aux « Ligues des noirs » de 1867 jusqu'à ce que Jackie Robinson brise la barrière en 1947. Mais au cours de cette période, les Ligues majeures ont «toléré» dans leurs rangs quelques joueurs d'Amérique latine ainsi que de descendance des Premières Nations.