Dans l'esprit de bien des gens, l'édition 1994 des Expos de Montréal avait l'étoffe pour se rendre jusqu'au bout, de remporter la Série mondiale. Toutefois, il y a 15 ans, tous les espoirs furent anéantis quand l'Association des joueurs du baseball majeur a déclenché une grève. Un triste moment dans l'histoire du sport.

Comme le dit l'expression, les Expos de 1994 étaient une équipe "paquetée" avec des joueurs qui étaient déjà ou qui allaient devenir des étoiles.

« Nous formions une équipe parfaite alliant vitesse et puissance. Et ça, c'est sans parler des lanceurs », raconte Pedro Martinez, qui en était encore à ses débuts dans le baseball majeur.

« Notre défense était sans reproche et les lanceurs pouvaient compter sur elle », explique quant à lui le releveur numéro un de l'équipe John Wetteland. « Avec Alou, Grissom et Walker au champ extérieur, nous pouvions aspirer aux grands honneurs. »

« Le niveau de confiance était à son comble », fait remarquer pour sa part Larry Walker. « Aucune équipe ne pouvait rivaliser»

Larry Walker étaient l'un des six joueurs de l'équipe issue du réseau de filiales de l'organisation. Les Expos étaient une bande de jeunes amis qui n'avaient peur de rien.

«On pouvait compter sur une seule main les équipes comme celle-ci», affirme Wetteland. «C'était quelque chose de très rare.»

La saison 1994 était la 26e des Expos dans le baseball majeur. Ils n'avaient jamais atteint la Série mondiale; ils n'avaient jamais gagné de championnat de section. Mais après avoir joué les deux tiers de la saison 1994, tout semblait sur le point de changer. Montréal avait une priorité de six matchs sur Atlanta, en tête de la section Est et le meilleur dossier du baseball majeur avec 74 victoires et 40 revers.

«Chaque défaite était une énorme surprise, mais nous revenions le lendemain et nous bottions le derrière de notre adversaire», exprime Walker.

«Je croyais que nous allions remporter la Série mondiale. J'étais emballé par notre équipe et ce qu'elle pouvait accomplir», se souvient Martinez.

Mais tout a été gâché le 12 août, alors que les Expos venaient de gagner 20 de leurs 23 derniers matchs, la grève des joueurs fut déclenchée.

«Tout indiquait que ce ne serait qu'une grève de quelques jours», lance l'ancien partant Jeff Fassero.

«Personne ne croyait que ça allait durer jusqu'à la saison suivante. Je n'ose pas penser à ce qui aurait pu arriver sans ce conflit, mais ça demeure dans le fond de mes pensées», confie Walker.

«J'ai de mauvais souvenirs de la journée que j'ai annoncé à mes coéquipiers de rentrer à la maison», se rappelle Wetteland.

«C'est impossible, jouons jusqu'en novembre ou en décembre, mais terminons cette saison», se disait Walker à l'époque.

«C'était dévastateur pour nous en tant qu'équipe», confirme Marquis Grissom.

«Nous savions que c'était probablement nos derniers moments tous ensemble», évoque Wetteland.

«La grève a coûté environ 16 à 17 millions à l'organisation des Expos. Pour éviter un déficit, nous avons dû couper dans les salaires», souligne l'ancien directeur général Bill Stoneman.

À la reprise des activités en 1995, quatre joueurs-clés avaient quitté l'équipe. Le partant numéro 1 Ken Hill était échangé à St-Louis, le releveur numéro un John Wetteland aux Yankees et le voltigeur de centre Marquis Grissom aux Braves. À titre de joueur autonome, Larry Walker fit ses valises pour le Colorado, les Expos ne lui ayant pas fait d'offre.

«Nous étions prêts à accepter moins d'argent pour garder cette équipe intacte», confie Grissom.

«Nous avions même songé à offrir aux Expos de nous signer comme un groupe de quatre joueurs pour un montant spécifique», ajoute Wetteland.

«Je pouvais comprendre les joueurs de penser ainsi car ils ont connu beaucoup de succès ensemble et ils ont grandi dans cette organisation. Mais ça ne pouvait pas fonctionner», lance Stoneman.

Au cours des années suivantes, Moises Alou, Cliff Floyd, Jeff Fassero, Kirk Rueter, Wil Cordero, Mel Rojas et Jeff Shaw ont quitté, soit parce qu'ils furent échangés ou que leur contrat ne fut pas renouvelé. Le dernier à partir fut Pedro Martinez, cédé aux Red Sox avant la saison 1998. Aujourd'hui encore, les joueurs ne peuvent s'empêcher de penser à ce qui serait arrivé s'il n'y avait pas eu la grève.

«J'essaie de ne pas y songer puisque c'est difficile», déclare Grissom.

«On savait que nous aurions remporté la Série mondiale et plusieurs personnes le savaient également», croit Walker.

«C'était évident que nous étions la meilleure équipe du baseball majeur», conclut Wetteland.

D'après un reportage de Pierre Fortier