MONO, Ontario –  À gauche de la tribune qui surplombe la surface de jeu de l’Athlete Institute, à l’extrémité sud de l’immense gymnase, sont affichés le numéro 23 de Jamal Murray et le numéro 14 de Thon Maker.

Le meneur de jeu des Nuggets de Denver et le pivot des Pistons de Detroit sont les deux premiers joueurs à avoir transité par l’académie ontarienne qui ont aujourd’hui une carrière dans la NBA, d’où leur immortalisation sur le mur de la renommée de leur ancienne école.

« Luguentz est inarrêtable lorsqu'il est en confiance »

Jesse Tipping, le président fondateur de l’institution, apporte toutefois une précision importante : l’accession à la plus grande ligue professionnelle au monde ne garantit pas une place parmi les intronisés, pas plus qu’elle est une condition sine qua non pour être digne de cet honneur.

Maintenant que ces critères sont clarifiés, permettez-nous cette prédiction : le nom d’un Montréalais se retrouvera bientôt parmi les rares élus.

Luguentz Dort n’a passé qu’une année à l’école préparatoire de Mono, mais il y a laissé toute une impression.  Un an après son départ, ceux qui l’ont côtoyé se confondent en superlatifs pour décrire les qualités humaines du Québécois et les atouts qu’il a exhibés sur le parquet.

« Ma première expérience avec lui a été comme... wow! », s’emporte Tipping. « Je n’avais jamais vu un jeune homme capable d’être à la fois si fort et puissant et si explosif. C’est un super-humain qui était tellement le fun à regarder jouer. Et dès son arrivée, je l’ai trouvé tellement gentil et poli. C’était un charme de travailler avec lui. Pas une seule fois je me suis dit que j’aimerais qu’il change quelque chose dans sa façon d’être. Il s’est comporté comme un professionnel à partir du moment où il a mis les pieds ici. »

Dort s’est laissé désirer avant d’accepter les avances de l’Athlete Institute. Engagé pour les premières années de son secondaire avec Brookwood Elite, un programme basé dans le quartier Parc-Extension, l’adolescent a décidé de poursuivre son développement en Floride lorsqu’est arrivé le temps de l’exil à l’âge de 16 ans. Mais l’école qu’il avait choisie a fermé ses portes au beau milieu de l’année scolaire et le contact entre ses mentors montréalais et ses courtisans ontariens a rapidement été rétabli.

« L’un des meilleurs gars que vous pouvez rencontrer à l’extérieur du terrain et l’un des plus féroces compétiteurs quand vient le temps de sauter dans l’action, décrit McIntyre. Il joue toujours comme s’il avait quelque chose à prouver, même quand ce n’est pas le cas. Et il n’a jamais reculé devant un défi : sa plus belle qualité en tant que joueur, à mon avis, c’est qu’il veut toujours défendre contre le meilleur joueur de l’équipe adverse. Ça le motive au plus haut point. »

Une confiance à bâtir

Tout le monde a semblé émerveillé par les capacités athlétiques et le potentiel illimité de Dort à l’Athlete Institute. Tout le monde, sauf peut-être lui-même.

Lorsqu’on lui demande s’il voyait une facette du jeu du Montréalais qui avait toujours besoin de polissage au moment où il a quitté pour s’enrôler à l’Université Arizona State, Tipping parle d’un manque de constance dû à une confiance fragile.

« ‘Lou’ est un gars qui est littéralement impossible à arrêter quand il a ce feu à l’intérieur de lui, cette volonté de faire tout ce qu’il veut faire sur le terrain. La clé pour lui, c’est de trouver un moyen de jouer avec cette assurance en tout temps. Aimeriez-vous savoir qu’il existe un bouton sur lequel vous n’avez qu’à appuyer pour être meilleur que tout le monde? ‘Lou’ le possède, ce bouton. Il doit simplement apprendre à garder le doigt dessus. »

« Luguentz joue toujours comme s'il avait à quelque chose à prouver »

« C’est vrai qu’il avait tendance à perdre le moral de temps en temps, confirme McIntyre. Il ratait un tir et ça pouvait être la fin du monde, il fallait lui rappeler qu’il avait juste à en prendre un autre! Mais j’ai trouvé que dès qu’il a commencé à se sentir à l’aise chez nous et à comprendre qu’il pouvait nous faire confiance, cet aspect de sa personnalité s’est amélioré. N’empêche, c’était un éternel combat. Il avait déjà le corps d’un homme, mais il a fallu travailler sur son état d’esprit. »

McIntyre ne cache pas non plus que Dort avait du travail à faire sur son tir en suspension, un chantier sur lequel il a travaillé sans compter les heures en compagnie de l’entraîneur Brandon Ennis.

« Il s’était déjà beaucoup amélioré quand il est arrivé à Arizona State, mais on voyait qu’il avait encore du travail à faire. En cours de saison, j’ai trouvé qu’il a réussi à se débarrasser du moment d’hésitation qui affectait sa sélection de tir et à se faire confiance. Je crois aussi qu’il a la maturité de laisser parler son jeu défensif même quand ça va moins bien offensivement, ce qui fait qu’il est toujours en mesure d’apporter sa contribution. »

Dans l’ensemble, Dort s’est très bien tiré d’affaire à ses débuts dans la NCAA. En novembre, il est devenu le premier joueur des Sun Devils depuis James Harden, dix ans plus tôt, à être élu joueur de la semaine dans la division Pac-12  après une performance de 33 points contre Utah State. Il s’agissait de la troisième meilleure performance dans l’histoire de l’équipe pour un joueur recrue.

Dort a terminé l’année avec une moyenne de 16,3 points et 4,5 rebonds par partie et a été désigné recrue par excellence du Pac-12.

Choix de première ronde

Mercredi dernier, Dort a annoncé sa décision de quitter les rangs universitaires et de déclarer son admissibilité au repêchage de la NBA. À deux mois de l’exercice, plusieurs médias spécialisés le voient être sélectionné dans le dernier tiers de la première ronde. 

Dort a connu des soirées plus difficiles en milieu de saison et son année s’est terminée avec une contre-performance en première ronde du March Madness. Ce manque de constance effraiera peut-être certaines équipes, mais son dernier entraîneur à l’école secondaire croit qu’il serait une erreur d’accorder trop d’importance aux statistiques de son ancien poulain.

« Je crois qu’il a aidé sa cause en prouvant à chaque match, même quand son tir ne voulait pas rentrer, qu’il pouvait se rendre utile de bien d’autres façons, insiste McIntyre. Je crois qu’il est sous-estimé aux rebonds et qu’il a été l’un des meilleurs joueurs défensifs au niveau universitaire. Il a ajouté des cartes à son jeu, il n’est plus qu’un athlète qui peut marquer. Je suis biaisé, mais je le vois comme un choix dans le top-20. Je crois qu’on n’a vu que la pointe de l’iceberg avec lui. »

« Je crois qu’il a le talent pour être un top-10, top-14, renchérit Jesse Tipping. À savoir si ça se réalisera, on verra. À ce niveau, les équipes ne repêchent pas nécessairement le meilleur joueur disponible, mais celui qui cadre mieux dans leur système et leur plan à long terme. Mais l’équipe qui mettra la main sur ‘Lou’ s’en frottera les mains pendant longtemps. Tout ce qu’il sait faire, ça ne s’enseigne pas. »