Vous aimez ça le changement dans le monde du sport? Tannés de voir les Patriots dominer la NFL ou LeBron James en finale de la NBA chaque année? Vous êtes donc gâtés à souhait par l’édition 2017 du March Madness!

Parmi les quatre clubs à quelques pas de la terre promise, trois navigueront en territoire essentiellement inconnu. Gonzaga sera au Final Four pour la première fois de son histoire. Idem pour les Gamecocks de South Carolina. Et Oregon ne s’était pas qualifié depuis 1939. Ils avaient alors remporté le tout premier Final Four de l’histoire. Seuls les Tar Heels de North Carolina arriveront en Arizona ce week-end en proclamant « Been there…done that... » alors qu’ils feront les frais de la grande fête annuelle pour la 20e fois depuis 1946. Un exploit assez hallucinant, inégalé de tous leurs rivaux! Bref, de beaux moments en perspective dans le désert.

Analyse d’un deuxième week-end haut en couleur et d’un sprint final particulièrement intrigant…

La délivrance des Zags

La qualification de Gonzaga est sans doute mon coup de cœur du week-end. Le distingué Mark Few, que mon ami Max Paulhus qualifierait probablement d’Anti-Calipari tellement son programme est blanc comme neige et rodé au quart de tour, a enfin atteint son premier Final Four.

Après 18 saisons victorieuses et plus de 500 triomphes dans l’Ouest américain, on peut dire sans hésiter qu’aucun entraîneur actif ne le méritait plus que lui! On a senti son équipe se libérer graduellement d’une pression énorme sur leurs épaules, match après match. Ils ont sué pas mal en l’emportant sans nous impressionner face à South Dakota State (par 20), Northwestern (par 6) et West Virginia (par 3). On a enfin pu assister à un réveil offensif samedi contre Xavier dans un gain de 83-59. Ils ont réussi 52% de leurs lancers de trois points en nous montrant de tout offensivement.

Johnathan Williams aura volé la vedette face aux Musketeers, amassant 19 points, 8 rebonds, 3 blocs et présentant du jeu défensif stellaire. Quant à leur meneur de jeu, Nigel Williams-Goss, il aura pleinement justifié son titre de joueur de l’année dans la conférence WCC : 23 points, 8 rebonds, 4 aides, 2 vols, 1 bloc et SURTOUT, aucun revirement en 37 minutes de jeu.

L’étiquette de « très bonne équipe pour une école de petite conférence » est désormais chose du passé pour Gonzaga. On doit dorénavant les qualifier de très bon programme de basket NCAA, un point c’est tout.

Ne jamais douter des Ducks

Avant le tournoi, je prédisais une qualification des Ducks d’Oregon pour le Final Four, malgré la perte récente du Québécois Chris Boucher. Puis après un premier week-end plus ou moins convaincant des hommes en vert fluo, combiné au brio en parallèle de Kansas, je vous avouais que j’aurais préféré modifier ma prédiction en faveur d’une qualification des Jayhawks. La morale de l’histoire : toujours se fier à ses instincts de base. Oregon est non seulement venu à bout de Kansas samedi au Elite Eight, mais ils l’ont fait de façon fracassante, à Kansas City, devant une foule à 95 % partisane à la cause des hommes de Bill Self. Je n’y aurais jamais cru. Du moins, pas par une marge de 14 points.

Les Ducks d'OregonOui, les deux Canadiens des Ducks ont fait leur part alors que Dillon Brooks et Dylan Ennis ont combiné leurs efforts pour 29 points. Mais c’est surtout le brio de Jordan Bell et Tyler Dorsey qui est ressorti du lot. Dorsey a tiré à 69% du périmètre, récoltant 27 points. Alors que Bell a offert une performance monstre, la meilleure de sa carrière : 11 points, 13 rebonds (dont 7 offensifs), 4 aides et 8 tirs bloqués! Quand on bloque plus de tirs et on récolte plus de rebonds sous le panier adverse que l’on tente de tirs en attaque, on arrive immanquablement à changer le cours du match.

Les Ducks étaient plus âgés que les Jayhawks et leur expérience a paru au final. Leurs six joueurs de 21 ans ou plus auront compensé pour leur manque flagrant de profondeur en l’absence de Boucher.

Quant aux Jayhawks, la déception est vive. Frank Mason aura été le seul joueur à s’être vraiment présenté samedi soir. Les problèmes de fautes de Josh Jackson auront fait très mal alors que le reste des troupes a semblé passif et hésitant. L’absence d’un joueur d’intérieur capable de marquer quelques gros paniers pour ralentir le match et freiner l’hémorragie, comme Perry Ellis le faisait depuis des années, aura été une des causes majeures de leur descente aux enfers face aux Ducks.

De retour à la case départ pour Bill Self. Et un premier voyage au Final Four en 78 ans pour les fans des Ducks.

Le duel inattendu au MSG

Duke et Villanova avaient été éliminés au 2e tour et ne seraient pas de la partie au Sweet 16 disputé dans la Mecque du sport, le Madison Square Garden de New York. Une fois cette déception chose du passé, on se doutait que les matchs allaient être serrés au possible dans l’Est avec quatre équipes en apparence très équilibrées. Nous n’avons pas été déçus. Celui dont on reparlera encore dans quelques années sera assurément Wisconsinc. Florida vendredi dernier. Un des meilleurs chocs, sinon le plus dramatique, de tout le tournoi.

Les Gators avaient huit points d’avance avec moins de deux minutes à disputer, mais les Badgers ont refusé de mourir. Ils bâtirent une séquence de 8-0 pour terminer le temps règlementaire, couronnée par ce tir hallucinant de Zak Showalter qui força la prolongation. C’est soudainement Wisconsin qui s’était approprié le momentum et filait vers la victoire en période supplémentaire.  Une fois de plus, un tir dramatique, au niveau de difficulté complètement fou, a fait basculer le match dans l’autre camp. Pour de bon cette fois. Revivons ensemble les dernières minutes…

Malgré ce tir dément de Chris Chiozza, les Gators n’ont pas quitté pas la Grosse Pomme avec le sourire fendu aux lèvres. Ils ont les Gamecocks (oui, c’est leur nom) de South Carolina à blâmer pour ce dénouement. La troupe dirigée par le fougueux Frank Martin aura défié toutes les attentes pas moins de quatre fois en dix jours en route vers ce Final Four tout à fait inespéré. La personnalité bouillante de leur entraîneur en est pour quelque chose. Le jeu de l'excellent Sindarious Thornwell l’est tout autant. Aucun match de moins de 24 points, efficacité de  50% du périmètre, prolifique de l’extérieur, mais capable de finir autour du panier. Son équipe n’aurait pas obtenu de billet pour Phoenix sans son apport.

South Carolina a comblé des déficits importants face à Duke et contre Florida et ne semble intimidé par personne. Je le rappelle : ils ont terminé la saison régulière avec six défaites à leurs neuf derniers matchs. Seulement 0,6% des 18 millions de tableaux de prédictions remplis sur ESPN.com les plaçaient au Final Four. Et les voici à deux pas de la gloire éternelle. Une démonstration parfaite de cette fameuse folie de mars.

Le bleu à l’honneur à Memphis

Luke Maye, vous le connaissiez le début du tournoi? Et bien moi, en toute honnêteté, j’avais entendu son nom à quelques reprises cette saison, mais sans plus. Cet avant de 6 pieds 8 pouces, joueur réserviste de deuxième année avec les Tar Heels, vient essentiellement de voler la vedette à Memphis dans le cadre de la qualification de North Carolina pour le Final Four. Une notion absurde quand on pense qu’on y retrouvait au moins huit futurs joueurs de la NBA en combinant les effectifs de UNC, Kentucky et UCLA. Croyez-moi, Maye ne fait pas partie des huit joueurs en question. Mais son brio aux dépens de Butler (16 points et 12 rebonds en 25 minutes) et contre Kentucky ensuite (un sommet en carrière de 17 points en seulement 20 minutes, dont le tir victorieux à la dernière seconde), aura été l’élément tranchant en faveur des Tar Heels.

On parle ici du même Luke Maye qui a présenté des moyennes de 1,2 point par match l’an dernier et de 4,9 points en 14 minutes par rencontre en saison régulière 2016-17.

Qu’il soit soudainement devenu une bougie d’allumage cruciale pour Roy Williams, marquant plus de 12 points par soir durant le tournoi, relève de l’irréel. Les fervents des Heels étaient déjà vendus à sa cause d’élève modèle produit localement. Et ils le sont encore plus depuis deux semaines. Et dire que Williams l’avait originalement recruté comme « walk on », alors qu’il voulait l’avoir sur son équipe, mais ne souhaitait pas lui offrir une bourse d’études complète. Il lui avait donc demandé de payer ses frais de scolarité (de plus de 20 000$) durant sa première année dans le but de faire ses classes et prouver sa valeur à l’équipe. Williams s’est rapidement ravisé pour la bourse et la présence de Maye vaut son pesant d’or aujourd’hui.

UNC n’a donc pas volé sa place dans le carré d’as et tentera de se distancer de ses rivaux à Phoenix grâce à sa profondeur, son expérience et le fait qu’ils regorgent de joueurs capables d’offrir de belles choses offensivement.

Mention honorable à Justin Jackson avec sa moyenne de 20 points depuis le début de l’édition 2017. Et ce, même si toutes les équipes déploient ressources et énergie pour l’arrêter chaque soir.

Du contenu canadien à l’honneur

Cinq joueurs d’origine canadienne seront donc en uniforme samedi soir quand sera lancé le Final Four. Pour Gonzaga, on retrouve Dustin Triano, un garde de 3e année natif de Colombie-Britannique qui ne devrait pas mettre les pieds sur le terrain à moins que l’écart de pointage soit vaste en fin de match. Il s’agit du fils de Jay Triano, entraîneur-chef actuel de l’équipe canadienne senior.

Ensuite, il y a Duane Notice, de Toronto, joueur de 4e et dernière année de South Carolina. Lui, vous le verrez à l’œuvre pendant près de 40 minutes contre Gonzaga, fort de ses 44 points contre seulement cinq revirements durant le tournoi.

Et bien sûr, il y a le noyau canadien des Ducks d’Oregon. J’inclus ici Chris Boucher, qui encourage sans relâche ses coéquipiers sur le banc, même s’il doit trouver ça très dur d’être à l’écart pendant que ses frères ont enfin atteint l’étape qu’il rêvait de franchir depuis deux ans. Les Ontariens Dillon Brooks et Dylan Ennis devront être à leur meilleur s’ils veulent espérer venir à bout des Tar Heels samedi soir. Parlant de samedi soir…

South Carolina vs Gonzaga – samedi 18 h 09

Le moment de vérité a donc sonné pour les Zags. Première présence au Final Four et leur adversaire de demi-finale est tout à fait à leur portée. On a beau dire que la pression est tombée quand ils ont enfin atteint cette étape jadis inaccessible, je vous confirme que la pression est pleinement de retour sur leurs épaules à l’aube de leur choc avec les Gamecocks. Une défaite contre un adversaire tout aussi inexpérimenté qu’eux, qui a accumulé dix défaites durant la saison, ferait très mal.

Autre élément qui en rajoute sur les épaules de Gonzaga : ils représentent la 8e équipe depuis 1985 à atteindre le Final Four avec une défaite ou moins à son palmarès de saison. Aucune des sept autres n’a réussi à soulever le trophée.

Si on tente cependant de mettre de côté l’élément émotion/pression et de voir ce duel d’un point de vue purement rationnel, Gonzaga bénéficie d’un avantage net. Ils sont dotés d’un meilleur meneur de jeu en Williams-Goss, du joueur le plus polyvalent en Williams, d’une profondeur accrue à l’intérieur avec Przemek Karnowski et Zach Collins, etc. Sindarious Thornwell sera néanmoins le meilleur joueur sur le terrain et devrait s’arranger pour donner une chance aux négligés.

Autre élément à surveiller : alors que le basket moderne s’éloigne progressivement du panier et se construit autour du périmètre, ce duel mettra aux prises deux équipes à l’approche « old school ». Gonzaga passe quasi systématiquement par Karnowski dans la clé pour entamer ses séquences offensives et se fit à ses aptitudes de passeur pour créer des brèches. Alors que les Gamecocks ont réussi seulement deux tirs de trois points pour venir à bout des Gators à New York. Et 20 de leurs 26 tirs réussis du périmètre provenaient de la clé. Des tendances en voie de disparition dans la NCAA et la NBA, mais qui s’avèrent assez payantes pour nos deux protagonistes en question.

Oregon vs North Carolina – samedi 20 h 49

J’ai un respect énorme pour ce que Dana Altman et les Ducks ont réussi à faire depuis deux semaines. Perdre un membre important de sa rotation, troisième meilleur marqueur du club de surcroit, à une semaine du début du tournoi, ça fait mal. Très mal. Il faut non seulement redéfinir les rôles de certains joueurs, mais il faut amener l’esprit collectif à croire très rapidement au fait qu’ils peuvent aller aussi loin que souhaité et réaliser leurs rêves quand même. Ce qu’ils ont fait.

Battre les Jayhawks à Kansas City, c’était toute une commande. Maintenant, ça se complique encore plus contre les Tar Heels. La différence entre ces deux matchs c’est que l’adversaire de samedi sera plus prolifique du périmètre et mieux nanti pour faire mal à Oregon autour du panier. La marge de manœuvre des Ducks sera minuscule. Si Jordan Bell connait des problèmes de fautes en première demie, ils sont cuits à mon avis. Ils n’auront personne pour contrer Kennedy Meeks, Isaiah Hicks, Tony Bradley ou Maye à l’intérieur. Ni pour protéger l’anneau quand s’y rendront Jackson, Joel Berry ou Theo Pinson.

En ce sens, le plan de match de UNC me parait plutôt évident. Toutefois, les Ducks ont tellement de joueurs qui ont vu neiger, que je les vois mal se faire surclasser. Ils trouveront une façon de se battre jusqu’à la fin, avant de manquer de ressources au final.

Roulement de tambour et prédiction

Premièrement, j’ai hâte de voir à quoi ressembleront les images en provenance de Phoenix samedi soir. C’est la première fois que ce stade, utilisé en temps normal par les Cards dans la NFL, servira au basketball, et ils viennent apparemment de mettre en place un nouvel écran géant pour l’occasion. Un écran qui fait essentiellement la longueur du terrain de basket au complet. Le tout sera assurément grandiose, comme seuls les Américains peuvent le faire année après année.

Deuxièmement, j’ai excessivement hâte de voir qui soulèvera le trophée lundi soir. Je crois sincèrement que les quatre clubs ont une vraie chance, mais je vais favoriser Gonzaga et North Carolina pour accéder à la grande finale. Je crois que le conte de fées se terminera pour les Gamecocks et les Ducks en raison d’un manque de ressources face à des adversaires mieux équipés pour aller à la guerre.

Quant au match ultime, mon cœur me dit Gonzaga, mais ma tête crie Tar Heels. L’expérience des grands moments vécus en 2016 leur sera ultimement bénéfique et UNC présente un collectif plus athlétique que les Zags.

On va surtout se souhaiter une finale qui arrivera à la cheville de celle de l’an dernier, remportée par Villanova sur le tir final.