Le 5e match de la série Warriors c. Raptors sera présenté sur les ondes de RDS et RDS Direct.

TORONTO – Impossible, en s’enfonçant dans le centre-ville paisible de Toronto dimanche matin, de ne pas tenter d’imaginer l’ampleur du chaos dans lequel seraient plongées ces grandes artères tranquilles s’il fallait que les Raptors offrent à cette cité affamée de reconnaissance une rare raison de célébrer en remportant le cinquième match de la finale de la NBA.

Cette curiosité, on le réalise assez vite, n’est pas exclusive au visiteur de passage. Rue York, un chauffeur local décrit avec effroi l’assaut d’adolescents sur une voiture de police après la première victoire contre les Warriors de Golden State. À l’hôtel qui sert de quartier général aux employés de la Ligue, l’enthousiasme d’un nouveau client est accueilli par un long roulement de pupilles.

Partout en ville, une sorte d’expectative fige le décor. Qu’on anticipe la fête ou qu’on redoute les dégâts, tout le monde semble planifier les prochaines heures de sa vie en fonction d’une victoire des Raptors.

Tout le monde sauf les joueurs des Raptors, en fait.

Le stoïcisme avec lequel les Négligés du Nord ont célébré leurs deux victoires au domicile des Warriors a été bien documenté. Chaque fois, on les a vus, du premier au dernier, retraiter vers le vestiaire en se trainant les pieds, une gueule d’enterrement où aurait dû apparaître un glorieux sourire. Pas un cri de joie, pas de poignée de main spéciale, pas même une petite « bine » complice sur l’épaule. Des tueurs à gage avec des cibles qui courent encore au grand air.

À la veille de retourner sur le parquet pour tenter d’en finir avec les champions en titre, la même impassibilité enveloppait les meneurs des Raptors.

« Tout ce que je sais, c’est qu’il nous faut gagner un autre match, a tenté de minimiser l’entraîneur Nick Nurse, une casquette noire enfoncée jusqu’aux sourcils. C’est l’approche que j’ai tentée de garder tout au long des séries. Je me concentre sur le prochain match et j’essaie de le gagner. J’aime penser que tout le reste suivra. »

« On n’a rien accompli encore, a voulu mettre au clair Kyle Lowry. Ça prend quatre victoires et il nous en manque une. Il y a une équipe championne devant nous, une équipe qui est prête à nous faire traverser l’enfer. Il faut continuer de se concentrer sur nous et prendre ça une possession à la fois. »

« On est simplement concentrés, a ajouté Kawhi Leonard, le maître zen qui semble à l’origine de ce désarmant calme collectif. On sait que rien n’a d’importance avant qu’une équipe arrive à quatre victoires. On ne sait jamais ce qui peut arriver et il faut éviter de s’emporter. Il y a une grosse équipe de l’autre côté. On a accompli notre but là-bas. Maintenant il nous reste trois matchs, il faut en gagner un. »

Des partisans ne feraient probablement pas la file depuis des jours pour la chance de visionner le match numéro 5 sur un écran géant à l’extérieur du Scotiabank Arena si les performances des Raptors étaient aussi ennuyantes que leur réaction face au succès. Mais pour Nurse, les plus belles symphonies ne sont pas à la hauteur de telles platitudes.

« Je crois que notre QI collectif, notre expérience et notre attitude ont été bons après tous ces matchs. On verra demain, mais jusqu’à maintenant, les gars se rassemblent et parlent de l’importance de continuer à travailler et de s’améliorer. Il y a encore beaucoup de place à l’amélioration. »

Sans effort ni plaisir

Les Warriors ont beau avoir remporté trois des quatre dernières finales de la NBA, ce sont les Raptors qui agissent présentement comme s’ils manquaient de place pour exposer leurs trophées.

D’une équipe qui a eu besoin d’un tir miraculeux pour écarter les 76ers de Philadelphie en sept matchs et qui a dû triompher en deuxième période de prolongation pour éviter de tirer de l’arrière 0-3 en finale d’association, les Raptors sont devenus une équipe aussi intimidante qu’intouchable. Sans sembler en retirer le moindre plaisir, ils viennent de gagner sept matchs sur huit contre deux puissances de la NBA.

« L’un des moments où je me souviens de m’être senti vraiment bien depuis le début des séries, c’est le match 1 à Milwaukee, un match qu’on a perdu, a offert comme perspective Nick Nurse. On venait d’avancer à la ronde suivante sur une séquence dramatique, on avait pris l’avion le lendemain et on avait dû jouer 48 heures plus tard. Ce soir-là, j’avais trouvé qu’on avait été incroyablement résilients. Les aléas du jeu ne nous ont pas été favorables, mais je suis sorti de ce match avec l’impression qu’on avait été la meilleure équipe. Et même après avoir perdu le match suivant, on sentait qu’on pouvait inverser le courant avec une victoire à la maison. C’est un moment où je me suis dit que cette équipe avait en elle ce qu’il lui fallait pour continuer d’avancer. »

Ce qu’il lui fallait, c’était une défensive investie, une attaque affamée, un plan de match créatif, un peu de chance et, surtout, cette confiance, cousine de l’arrogance, qui donne à l’adversaire l’impression que tout ça vient sans effort ni plaisir, si ce n’est celui d’infliger de la souffrance.

« Je crois qu’ils aiment jouer ensemble, a dit Nick Nurse en parlant de son groupe de leaders et des jeunes qui suivent leur exemple. Je crois qu’ils savent que le travail n’est pas terminé. Je crois qu’ils savent qu’il est inutile de dépenser de l’énergie à célébrer avant le temps. Espérons que ça continue demain soir. On l’a bien géré jusqu’à présent. Espérons qu’on peut continuer à le faire. »