Sélectionné pour son premier match des étoiles dimanche, le Français Rudy Gobert nage à contre-courant en NBA avec son profil de pivot défenseur dans un championnat plus que jamais tourné vers l'attaque, mais son influence sur le jeu ne pouvait plus être ignorée.

S'il avait dû compter sur les fans ou même sur les autres joueurs de la NBA, Rudy Gobert n'aurait sans doute pas été convoqué à Chicago ce week-end.

Lors du scrutin, le centre d'origine picarde du Jazz de l'Utah est arrivé 11e dans sa catégorie (ailiers et intérieurs) au vote du public, et 9e à celui des joueurs, deux positions qui lui donnaient peu de chance de rejoindre les étoiles.

Mais à l'instar des journalistes, qui l'avaient placé beaucoup plus haut (5e), les entraîneurs de la NBA ont porté un regard nouveau sur celui qui avait été snobé en 2017 et surtout en 2019.

Pour le double meilleur défenseur en titre de la NBA, ce sont peut-être les chiffres en attaque qui ont fait la différence, cette fois.

En janvier, au moment où tout se décidait, Rudy Gobert a ainsi connu une série de 12 matchs à près de 20 points de moyenne (19,4), qui plus est avec une adresse (69,6%) encore supérieure à sa moyenne (68,9%), déjà la meilleure en NBA.

« Depuis un moment, il est quand même sur une sacrée série, souligne l'un de ses agents, Jérémy Medjana. A un moment, on ne peut pas faire autrement que de se rendre à l'évidence. »

« De la marge offensivement »

Depuis 20 ans, la NBA a progressivement modifié ses règles et les directives données à ses arbitres pour libérer les attaques.

Cette révolution tranquille et l'arrivée massive de joueurs étrangers, avec des basketteurs de grande taille plus polyvalents, a totalement ouvert le jeu.

La moyenne de points par match enregistrée en NBA cette saison et la précédente est la plus élevée depuis près de 50 ans.

Dans ce contexte, les pivots spécifiques, qui ne shootent pas de loin, comme c'est le cas de Rudy Gobert (2,15 m), sont devenus rares.

Le travail défensif et collectif est, par nature, ingrat et obscur, mais il est franchement occulté à l'ère des réseaux sociaux et de la viralité.

Mercredi, Gobert a totalement dominé son sujet contre Miami, une équipe de premier plan, mais ce que Twitter a retenu de ce match, c'est un dunk du pivot Bam Adebayo sur le Français, absolument pas représentatif du match dans son ensemble.

« Ce qu'il y a de fort, c'est d'exister dans un contexte comme ça », relève Jérémy Medjana, co-fondateur de l'agence Comsport avec Bouna N'Diaye.

« Quand tu es deux fois meilleur défenseur de l'année et que tu n'as pas forcément la reconnaissance que tu pourrais réclamer, dans une équipe qui gagne, des fois, c'est un peu difficile à digérer, relève Ian Mahinmi, pivot français des Washington Wizards. Mais il a persévéré. »

Le sport a depuis longtemps été envahi par les statistiques, mais depuis un peu plus d'une décennie, une foule de nouveaux paramètres permet de mieux prendre en compte certains aspects obscurs mais essentiels du basket.

Dans beaucoup de ces catégories, Rudy Gobert apparaît dans les cinq premiers joueurs de la ligue, témoin de son influence en défense, mais aussi en attaque, où ses écrans et son placement ouvrent le jeu.

« L'analyse est très poussée aujourd'hui en NBA et cela lui offre de la considération méritée », observe Jérémy Medjana.

« Pour les cinq un peu plus conventionnels, ce n'est pas la fin d'une ère, assure Ian Mahinmi. Il faudra toujours des défenseurs, des gars qui protègent l'arceau, qui aient ce rôle de grand frère dans l'équipe. Il faut juste pouvoir s'ajuster et avoir tous ses coéquipiers autour qui comprennent ce que toi tu peux apporter. »

S'il a construit sa légitimité sur la défense, Rudy Gobert a confirmé, ces dernières semaines, qu'il était capable de devenir une option offensive régulière, voire majeure.

Depuis quelques semaines, le numéro 27 a même commencé à travailler avec un entraîneur particulier spécialisé dans l'attaque, Tim Martin, qui a collaboré, entre autres, avec Trae Young, le scoreur des Atlanta Hawks.

« Il a encore de la marge offensivement », assure Jérémy Medjana.