Vendredi à 19 h, RDS et RDS Direct vous présentent le dernier match de Michael Jordan dans l'uniforme des Bulls de Chicago. On parle du 6e match de la finale de 1998 entre les Bulls et le Jazz de Utah.

Michael Jordan est mon idole sportive incontestée. Je sais, je sais... il ne s’agit pas ici d’une affirmation particulièrement unique ni audacieuse. Nous sommes des tonnes sur la planète, dans la trentaine ou la quarantaine aujourd’hui, à prétendre ceci. Ça m’importe peu. De nombreux athlètes auront tenté de le détrôner dans mon esprit au fil des ans. Mais en réalité, personne n’est passé proche d’y arriver. Il avait le talent, le charisme, le flair du dramatique, le magnétisme inné. Plus souvent qu’autrement, il donnait le sentiment de marcher sur l’eau et d’évoluer dans des sphères différentes de tous les autres joueurs de la NBA.

Mon premier souvenir vif et indélébile de « Air Jordan » peut être retracé à une date très précise. C’était le 4 juin 1992. La veille, un mercredi soir, les Bulls et les Trail Blazers de Portland avaient croisé le fer lors du premier match de la grande finale. J’avais 12 ans à l’époque et je n’avais pas la permission de rester debout un soir de semaine pour regarder la rencontre en direct. Très frustré, je décide d’enregistrer le tout sur notre lecteur VHS. Eh oui les jeunes... un lecteur VHS. Parce que non, l’internet et les enregistreurs numériques n’existaient pas encore. Il s’agira finalement d’un (petit) mal pour un (énorme) bien. Ce que je découvris sur le ruban le lendemain fut exceptionnel. Captivant. Hallucinant. MJ avait marqué 35 points lors de la première demie seulement. L’atmosphère était électrique. Il accumulait des tirs en foulée, des dunks et surtout des lancers de trois points. Pour lui, il s’agissait d’une anomalie. Tirer avec brio de longue distance n’était pas sa spécialité en temps normal. Mais le monarque de la NBA avait décidé de nous dévoiler une nouvelle facette de son jeu au moment le plus opportun. Après son sixième tir de loin réussi lors de la demie, il se tourna vers son vieil ami Magic Johnson (qui analysait le match aux abords du terrain pour le réseau NBC) et lui lança un regard qui disait « Je ne sais pas trop ce qui me prend ce soir, mais je suis Michael Jordan alors suivez-moi dans l’aventure ». Les images ne mentent pas :

J’ai tellement usé cette bande VHS au fil des ans. J’y trouvais à chaque visionnement de nouveaux petits détails sur son langage corporel, le détail de ses gestes, sa confiance qui perçait l’écran, le découragement de ses adversaires. Et j’en passe. Michael Jordan, à mes yeux, était un demi-dieu.

Vous pouvez donc vous imaginer l’ampleur de mes attentes quand Netflix et ESPN annoncèrent l’an dernier la sortie d’un documentaire de 10 heures (!!!) en 2020 sur Jordan et la dynastie des Bulls. Et ces attentes furent d’autant plus amplifiées par la bande-annonce originale, ainsi que la sortie hâtive liée au coronavirus ce printemps.

Pour ceux qui l’ignorent, la petite histoire derrière la production de cette pièce d’anthologie en vaut la peine. La branche « Entertainment » de la NBA, menée à l’époque par le futur commissaire Adam Silver, avait obtenu l’approbation des Bulls à l’été 1997 de suivre le club dans les coulisses, 24 heures sur 24, pour la saison à venir. Tous les ténors du club avaient accepté, mais Jordan avait établi une condition critique : vous devrez obtenir mon accord avant de diffuser ces images un jour. Plusieurs tentatives eurent lieu auprès de MJ lors des 20 dernières années mais en vain. Le matériel de tournage a donc été préservé, tel une pierre précieuse, dans une voûte des bureaux de la NBA au New Jersey depuis ce temps.

L’ultime tentative de le convaincre se déroula en 2017. L’argument de vente auprès de Michael fut apparemment simple et percutant : « Les jeunes d’aujourd’hui ne t’ont jamais vraiment vu jouer. Ils ne connaissent que Kobe et LeBron. Ne crois-tu pas que le temps serait venu qu’ils fassent ta connaissance? ».

MJ était mûr, et le feu vert fut accordé. Comme la planète basket entière, j’ai dégusté avec délice les dix épisodes dévoilés depuis avril et je n’ai pas été déçu. Pour moi, la raison fondamentale pour laquelle le tout fut aussi efficace et captivant est claire : Michael avait le goût de nous parler. Tout simplement. De se livrer, de nous expliquer sa mentalité, ses motivations profondes. De s’exprimer avec son cœur. Si on avait eu droit à une version prudente et filtrée du plus grand joueur de tous les temps, le tout aurait été quand même agréable à consommer. Mais de le voir insulter, se « crinquer », s’esclaffer et pleurer de la sorte pendant plus d’un mois... ce fut du bonbon.

Mes autres constats, en rafale :

*La NBA a beaucoup changé en 35 ans. Le jeu était plus fermé et plus physique dans le temps. Les joueurs d’aujourd’hui sont probablement un peu plus talentueux, mais n’auraient pas tous eu la mentalité nécessaire pour s’adapter aux manières de l’époque.

*Phil Jackson était un génie du genre humain. Le « Zen master » comprenait les motivations profondes de chaque individu et savait comment soutirer le meilleur de chacun d’eux. Son apport au succès des Bulls ne peut être assez louangé.

*Je ne réalisais pas à quel point Jordan, en coulisses, pouvait frôler la méchanceté avec coéquipiers, patrons, adversaires pour arriver à son but suprême de gagner à tout prix.

*Adidas serait des années-lumière devant toute autre compagnie sportive en 2020 s’ils n’avaient pas craché sur la possibilité de faire signer un contrat à MJ en 1984 (tel que Jordan le souhaitait). Et Nike serait peut-être toujours une petite compagnie obscure de l’Oregon. Un point tournant historique en matière de compagnies d’équipement sportif.

*Steve Kerr est surtout connu pour ses succès instantanés comme entraîneur-chef avec les Warriors. Mais on a tendance à oublier son apport comme joueur aux réussites des Bulls, avec de gros tirs réussis en 1997 et 1998. Il avait compris comment obtenir le respect de MJ et ce fut excessivement payant pour lui pour le reste de sa carrière.

*Un des aspects très divertissants du documentaire : l’usage répété du iPad pour montrer des extraits de témoignages à Michael. Celui d’Isaiah Thomas, de Gary Payton, de Jerry Reinsdorf. Et j’en passe. Une approche télévisuelle extrêmement évocatrice et efficace.

*Jordan était maître dans l’art de trouver des affronts personnels contre sa personne pour le motiver. Je savais qu’il était l’athlète le plus compétitif et orgueilleux de son époque. Mais je n’aurais jamais pensé qu’il irait même jusqu’à créer ou inventer des conflits au besoin.

*Jerry Krause, le DG de cette dynastie, est devenu rapidement le « vilain » du récit car il était en conflit avec Jackson, Pippen et Jordan de différentes façons. Mais à mes yeux, le vrai vilain est Jerry Reinsdorf (le président du club). C’est lui qui avait le pouvoir de ramener le trio en question pour une autre saison et il a choisi de ne pas le faire. Il aurait pu mettre Krause à la porte si c’était la seule façon de sauver la mise. Il a plutôt prétendu qu’une reconstruction était inévitable et que les contrats de tous les joueurs autonomes auraient été impossibles à renouveler et absorber. Mais je préfère le point de vue de MJ à ce sujet : tout le monde aurait fort probablement accepté de revenir sur un contrat d’une saison pour défendre le titre. C’est quasi-criminel qu’ils n’aient jamais eu la chance de le faire.

*Ma scène la plus marquante de l’œuvre entière : quand Michael s’effondre en sanglots sur le plancher du vestiaire après la conquête de 1996. L’émotion pure générée par sa joie, combinée à l’absence de son père pour la première fois lors d’une célébration de trophée. Tout ça, le jour de la fête des pères. De quoi donner des frissons. J’avais déjà vu ces images, mais l’audio d’origine n’avait jamais été incluse auparavant. Mémorable.

Tout ça pour vous dire que RDS souhaitait contribuer à sa façon à la conclusion de cette grande œuvre télévisuelle. Nous sortirons donc de la voûte, ce vendredi soir 22 mai 19 h sur RDS et RDS Direct, l’intégrale du 6e match de la finale de 1998 opposant Chicago et Utah. Il s’agit du tout dernier match du trio Jordan/Pippen/Jackson avec l’organisation. Et d’une ultime performance magistrale d’un certain « Air Jordan ». Venez faire un tour. Vous ne le regretterez pas!

« Les Bulls étaient les Rock Stars du monde entier »