TORONTO – Steve Kerr l’a répété calmement, comme un avertissement, dans les heures qui ont précédé le cinquième match de la finale de la NBA.

 

« Un match peut changer une série, avait sagement indiqué l’entraîneur des Warriors de Golden State alors que son équipe faisait face à un déficit de 1-3 dans sa confrontation contre les Raptors de Toronto. Ça peut changer le momentum, ça peut changer toutes les sensations. Alors tout ce qu’on a en tête, c’est gagner un match. C’est inutile de regarder au-delà de ce soir. Il faut bien jouer et gagner. On verra pour la suite. »

 

Au lendemain d’une victoire confirmée sur le tout dernier jeu du match, la vue des Warriors vers un troisième titre consécutif est encore passablement embrumée, mais un doute a certainement commencé à s’installer au nord de la frontière. Les chances d’achever une équipe aussi aguerrie sont trop précieuses pour être prises pour acquises. Les Raptors viennent d’en laisser filer une et soudainement, l’idée de voir la Ville Reine célébrer un championnat apparaît comme quelque chose d’un peu plus compliqué qu’une simple question de temps.  

 

Les Dinosaures du Nord, pour ce que ça vaut, ont toujours l’ascendant mathématique dans le duel. Seulement dix-huit des 34 équipes qui ont mené une finale 3-1 avant eux ont terminé le travail en cinq matchs. Toronto profite donc toujours d’une marge d’erreur raisonnable avant de se retrouver du mauvais côté de l’histoire.

 

« Après notre deuxième match contre Philadelphie, j’avais dit que je m’attendais à une longue série. Je m’attends à ce que celle-ci le soit aussi, s’est résigné l’entraîneur des Raptors, Nick Nurse, qui refusait de voir la défaite comme une opportunité ratée. Je ne perds pas mon temps à penser qu’on devrait être dans telle ou telle situation. Mais si vous m’aviez demandé, quand tout ça a commencé, si j’aurais pris une avance de 3-2, j’aurais probablement dit oui. »

 

Aussi attristante soit la guigne qui s’est acharnée sur Kevin Durant lundi soir, l’indisponibilité du joueur étoile pour le reste de la série procure un avantage indéniable aux Raptors. « KD » a affiché un différentiel de +6 pendant les douze minutes qu’il a passées sur le parquet. En son absence, les Warriors sont tombés à -5.

 

Mais malgré la perte crève-cœur de Durant, les Warriors sont parvenus à l’emporter en dépit du fait qu’ils n’ont pas été en mesure de régler les deux défaillances qu’avait identifiées Kerr en amont de ce match sans lendemain. Ils ont commis 16 revirements - seulement trois de moins que lors du match numéro 4 - qui ont directement mené à 20 points des Raptors. Leur défensive n’a pas non plus été un modèle d’efficacité : Toronto a dominé sous le panier avec 43 rebonds, dont 13 offensifs, et a marqué plus de la moitié de ses points (54) dans la clé.

 

Durant tombe de nouveau au combat

Les Warriors auraient probablement payé comptant cette défaite dans les tranchées si leurs rivaux avaient été moindrement précis du périmètre. Les Raptors ont connu leur pire soirée de la série au-delà de l’arche, convertissant seulement le quart des 32 tirs qu’ils y ont décochés. Ce déréglage les aura suivis jusque dans leur tombe : c’est un tir de trois points raté par Kyle Lowry qui a fait tomber la dernière bille dans la balance au son de la sirène finale.

 

Autant les Raptors devront améliorer leur taux d’efficacité sur longue distance, autant il est improbable que les Warriors reproduisent leur performance magistrale de lundi. Mené par ses tireurs d’élite Stephen Curry et Klay Thompson, Golden State a fait bouger les cordages sur 47,6% de ses tentatives pour trois points. Les deux partenaires ont notamment touché la cible trois fois en 90 seconds en fin de quatrième quart pour transformer un déficit de six points en une avance qui allait s’avérer insurmontable.

 

« Toute l’année, notre équipe a bien réagi aux douloureuses défaites, a observé Nurse après cette clinique. Ça en prend beaucoup pour nous battre. Ça a pris du gros basket et beaucoup de bonds en notre défaveur dans les dernières minutes pour qu’on finisse du mauvais côté du pointage ce soir. »

 

Nurse doit aussi espérer voir sur une base un peu plus régulière le Kawhi Leonard qui a soulevé son équipe en marquant dix points sans réplique au quatrième quart. Avec du jeu un brin plus constant de leur meneur, les Raptors pourraient rapidement tuer le suspense au Oracle Arena, où ils ont remporté leurs trois matchs cette saison.

 

D’ailleurs, avec les 26 points qu’il a ajoutés dans le match numéro 5, Leonard a porté son total à 710 pour la durée des séries 2019. Il s’agit de la cinquième plus faste récolte dans un parcours éliminatoire dans l’histoire de la NBA. Il en aurait besoin de 50 pour détrôner Michael Jordan, qui détient le record depuis 1992.

 

Allen Iverson (723 points en 2001) et LeBron James (748 points en 2018) ont flirté avec la marque de Jordan sans pouvoir, de surcroit, mener leur équipe à la conquête du championnat. S’il a besoin de deux matchs pour s’en approcher, Leonard courra le risque de voir son nom s’ajouter à la liste. 

La blessure de Durant jette de l'ombre sur la victoire