La polémique politique entre le basketball américain et la Chine coûte très cher : la NBA a évoqué jeudi des pertes substantielles, quelques jours après le tweet d'un patron des Rockets de Houston en soutien aux manifestants de Hong Kong. 

L'affaire semblait en phase d'apaisement. Les déclarations des uns et des autres tendaient à se raréfier. Mais le feu n'est clairement pas maîtrisé.  

« Les conséquences financières sont assez dramatiques et pourraient continuer de l'être », a affirmé Adam Silver, le patron de la NBA, lors d'un congrès sur la Santé organisé à New York par le magazine Time, sans donner de chiffres.

Des entreprises chinoises ont suspendu leurs commandites ainsi que les négociations des droits de diffusion avec la NBA depuis le tweet du directeur général des Rockets de Houston, Daryl Morey, en faveur des manifestants de Hong Kong. Des propos qui intervenaient en pleine tournée asiatique de la NBA et au cœur de négociations commerciales complexes entre la Chine et les États-Unis.

« Les pertes sont déjà substantielles », a souligné Adam Silver. « Nos matchs ne sont toujours pas diffusés en Chine au moment où on se parle et nous verrons ce qui va se passer. »

Le patron de la ligue a également affirmé que des représentants du gouvernement chinois et des dirigeants d'entreprise avaient réclamé le licenciement de Daryl Morey.

« Nous avons dit qu'il n'y avait aucune chance que cela arrive. Il n'y a aucune chance qu'il ne soit ne serait-ce que sanctionné », a-t-il insisté en brandissant le principe de la liberté d'expression.  

Pékin a immédiatement répondu en niant ces accusations.

« Le gouvernement chinois n'a jamais transmis ce type d'exigence », a affirmé devant la presse vendredi un porte-parole de la diplomatie chinoise, Geng Shuang.  

En 2017-2018, 640 millions de personnes en Chine ont regardé des images de la saison. La NBA a récemment reconduit pour 5 ans, et jusqu'en 2025, un accord de diffusion en streaming avec le géant chinois Tencent, qui porterait sur 1,5 milliard de dollars au total, selon le Wall Street Journal.

Hong Kong, ex-colonie britannique rendue à la Chine en 1997 et désormais territoire autonome, est secoué depuis juin par des manifestations de plus en plus violentes qui exigent notamment davantage de libertés civiles et d'autonomie face à la mainmise jugée grandissante de Pékin.

Le gouvernement et de nombreux internautes chinois avaient exprimé leur mécontentement après le tweet de Daryl Morey, rapidement retiré et pour lequel l'auteur s'est ensuite excusé, perçu comme un défi à l'intégrité territoriale chinoise.

« Peut-être trop diplomate »

Au début de la crise, la NBA avait indiqué être « profondément déçue par les remarques inappropriées » du dirigeant des Rockets. Mais l'institution, fustigée par des élus américains pour ces propos semblant donner raison à Pékin, avait fait machine arrière. Adam Silver avait indiqué que la NBA ne s'excuserait pas et continuerait à soutenir « la liberté d'expression ».

« Nous avons dit que nous regrettions d'avoir contrarié nos partisans (mais) en même temps que nous soutenions la liberté d'expression de Daryl Morey, son droit de tweeter. Peut-être que j'ai essayé d'être trop diplomate », a-t-il ajouté jeudi. « Ces regrets n'étaient pas adressés au gouvernement chinois mais à nos fans, à nos centaines de millions de fans en Chine. »

Mais il ne s'est pas départi de cette diplomatie acrobatique, pris entre des feux multiples.

« Il y a une opinion selon laquelle nous ne devrions même pas faire des affaires en Chine et je dirais que d'un point de vue individuel, c'est cohérent », a-t-il relevé. « Mais si les gens pensent qu'on ne devrait pas faire de commerce avec la Chine ou dans d'autres endroits dans le monde dont ils n'approuvent pas les pratiques (...), cela relève du gouvernement américain. »

La polémique a suscité de nombreuses réactions, notamment de la supervedette de la NBA LeBron James. Le joueur des Lakers de Los Angeles a estimé lundi que le directeur général des Rockets « n'en savait pas assez » et « était mal informé » lorsqu'il a publié le tweet à l'origine de la crise. 

« Tant de personnes auraient pu être blessées non seulement financièrement, mais aussi physiquement, émotionnellement et spirituellement », avait déclaré le joueur.

Des conséquences partagées globalement par Silver. « Nous avions fait d'immenses progrès en terme d'échanges culturels avec le peuple chinois », a-t-il expliqué. « Je regrette que beaucoup de tout ça soit perdu. »

Le gouvernement chinois nie avoir demandé le congédiement de Morey

Au cours de la même intervention, Silver a prétendu que le gouvernement chinois avait demandé à la NBA le congédiement de Morey.

« Nous avons répondu qu'il n'était pas question que cela se fasse, ni même de le sanctionner », a dit Silver.

Mais vendredi, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Geng Shuang a répliqué en affirmant que « le gouvernement chinois n'a jamais posé cette exigence ». M. Geng avait précisé la semaine dernière que la NBA « savait mieux que quiconque » comment réparer la relation avec les Chinois, sans toutefois fournir de détails.

Morey n'a pas commenté publiquement depuis qu'il a tenté de clarifier sa position dans deux gazouillis, le 6 octobre.