Il y a 12 jours à peine, alors que la finale 2017 de la NBA était à quelques heures de son lancement officiel, j’écrivais ceci sur le RDS.ca : « Si Kevin Durant perd cette finale, les critiques à son endroit et sur sa décision de 2016 reviendront en force. Et s’il gagne cette finale, plusieurs remettront en question le réel mérite de l’obtention de son premier titre en carrière. Bref, il ne peut pas vraiment gagner. Mais une chose est claire, il doit s’assurer d’être un joueur dominant face aux Cavaliers. Car la seule chose pire dans son cas serait de gagner sans avoir vraiment rempli son mandat de super-vedette. »

Quel est le verdict 12 jours plus tard? KD a été le meilleur joueur sur le terrain pendant l’ensemble de la série. Point final. Et ce n’est pas peu dire quand on garde en tête le brio de LeBron James et les performances généralement explosives de Stephen Curry et Kyrie Irving. Durant a marqué des points, il a réussi des tirs opportuns (particulièrement aux 3e et 5e matchs), il a été d’une efficacité offensive légendaire (56% du périmètre et seulement 11 revirements en 5 soirs), il a bloqué des tirs et haussé son jeu défensivement. Bref, il a tout fait ce que lui demandait Steve Kerr, et encore plus. Il est enfin devenu ce joueur complet et cette force irrésistible qu’on attendait depuis quelques années. Comment voulez-vous stopper un joueur mesurant 7 pieds, doté d’une telle touche de balle et d’une aisance du périmètre ? Un athlète irréprochable hors terrain, passionné de son sport et plus motivé que jamais. Les Warriors ont essentiellement hérité d’une pierre précieuse à laquelle il ne manquait qu’un léger polissage final.

D’ailleurs, avez-vous vu cette pub de Nike qui a fait son apparition par magie à la télé quelques minutes après le triomphe des Warriors tard hier soir ?

Ça nous en dit long sur ce qu’il devait ressentir cette saison... lui qui a sans doute eu droit d’approbation sur la version finale de la pub.

Alors, pour la toute dernière fois de l’année (c’est promis), je vous lance la question à 100 dollars tout en tentant d’y répondre moi-même : le scénario était-il un peu injuste et presque décidé d’avance quand un KD au bord de l’apogée a décidé de se joindre à une équipe qui venait de remporter 73 victoires sans lui? Oui. Est-ce qu’on aurait préféré un peu d’intrigue ou de suspense additionnel cette saison et en séries? Probablement. Mais peut-on vraiment blâmer KD ou les Warriors pour tout ça? Pas du tout. Au contraire. Je m’explique...

En ce qui me concerne, le scénario qui a atteint son point culminant lundi soir a commencé à être rédigé il y a sept ans déjà dans la baie californienne. C’est alors qu’un dénommé Joe Lacob et son groupe d’investisseurs faisaient l’achat d’une équipe qui n’avait pas gagné de championnat depuis 1975. Une équipe qui avait accédé aux séries une seule fois lors des 16 plus récentes campagnes. Une équipe de bas de classement qui s’en allait nulle part. Ils ont alors lentement mais surement mis en place des morceaux importants du casse-tête. Ils ont changé la culture basket entourant l’organisation, tout en embauchant du personnel basket de qualité.

Ils ont commencé à cultiver les talents d’un certain Steph Curry qui avait été repêché l’année précédente. Ils ont sélectionné Klay Thompson au 11e rang en 2011 et Draymond Green au 35e rang (!!!) en 2012. Ils ont fait l’embauche de Bob Myers, qui est rapidement devenu un directeur général de premier ordre. Puis en 2014, ils ont réussi à convaincre Steve Kerr de devenir leur entraîneur-chef. Ce dernier était perçu comme «l'entraîneur autonome» par excellence de l’époque et avait déjà la cote de plusieurs joueurs actifs. Il apporta avec lui les bases d’un système de jeu offensif fluide et explosif où les grands talents du circuit pouvaient pleinement exprimer leurs dons. Année après année, Golden State développait davantage sa réputation de nirvana du basket. Dans sa maison quelque part en Oklahoma, Kevin Durant prenait des notes.

Mais le moment clé du récit eut lieu à l’été de 2012. Steph Curry venait de compléter sa troisième saison chez les pros et plusieurs se demandaient alors le genre de carrière qu’il allait avoir. Il venait de rater 56 matchs en raison de problèmes persistants à la cheville droite et les ennuis chroniques de santé semblaient en voie de dérailler sa carrière. Golden State adorait toutefois l’homme, le joueur et surtout le potentiel de l’athlète et lui offrirent tout de même un contrat de 44 millions pour 4 ans. Ce n’était pas une entente à valeur maximale, mais c’était tout de même un pari risqué dans les circonstances. Il était encore loin du Steph Curry que l’on connait aujourd’hui. Inutile de vous dire que ce pari peut maintenant être qualifié d’un des plus payants depuis 25 ans dans la NBA! Une rigueur implacable d’entraînements hors terrains et un peu de chance font en sorte qu’il a raté seulement 16 matchs en cinq saisons depuis ce temps. Il a remporté le titre de joueur le plus utile du circuit en 2015 et 2016 et le contrat en question est rapidement devenu une vraie aubaine pour les Warriors. Ce qui nous amène à l’été 2016 alors qu’il restait une dernière saison à ce pacte.

Kevin Durant venait de compléter sa 9e saison dans l’organisation du Thunder, ce qui lui valait l’autonomie complète pour la première fois de sa carrière. Son lien avec la ville et les partisans est qualifié de fort, mais sa loyauté n’est pas implacable. Tout comme sa relation avec son complice à OKC, Russell Westbrook.  Les deux ne s’entendent pas mal hors terrain, mais leur chimie sur le terrain n’est pas idéale. Durant est prêt à recevoir des «pitchs de vente» des autres clubs et se magasine une destination plus favorable. Tous les morceaux sont en place à Golden State. Organisation de premier plan, le soleil et les opportunités de la Californie, style de jeu idéal, entraîneur respecté, noyau jeune et talentueux, et un joueur vedette qui n’a aucun problème à partager le rôle du mâle alpha. Et la cerise sur le sundae? Les Warriors sont en mesure de lui offrir un contrat de deux ans à la hauteur de ses attentes sans avoir à sacrifier le noyau Curry/Thompson/Green. Pourquoi? Parce que le salaire de Curry était nettement inférieur à ce qu’il aurait été en temps normal. KD a donc apposé sa signature au bas du contrat, et « the rest is history » comme on dit.

Chaque petit geste positif orchestré par l’organisation depuis 2010 aura mis en place les fondations pour l’arrivée de Durant l’été dernier. Et c’est avec ce portrait global en tête que je lève sans gêne mon chapeau aux Warriors pour l’obtention de leur deuxième titre en trois ans.

Ce que nous réserve l’avenir? Curry signera une prolongation de contrat pas mal plus avantageuse cet été et Durant prolongera aussi le sien tôt ou tard. Il acceptera même moins de sous pour aider l’équipe à moyen terme selon ses dires. Mon instinct me dit aussi que Klay Thompson pourrait être échangé pour maximiser sa valeur et créer un peu plus de profondeur à moindre prix. Bref, Golden State demeurera une force irrésistible pendant encore quelques saisons au bas mot.

A Cleveland, le portrait est moins clair. L’entourage de LeBron a commencé à répandre des rumeurs qu’il pourrait vouloir quitter à nouveau sa ville natale dans un an. Peut-être à destination de Los Angeles. Oui, le King a démontré une certaine appartenance à sa terre natale en y revenant contre toutes attentes il y a quelques années (leur procurant même le trophée tant convoité en 2016). Mais il demeure d’abord et avant tout un homme d’affaires et un athlète très intelligent qui sera toujours en quête de la meilleure situation lui permettant de remporter le plus de championnats possibles. Si c’est ailleurs qu’à Cleveland qu’il envisage le tout, il n’aura aucun remord à l’idée de briser quelques cœurs une fois de plus. Kyrie Irving demeure un garde de première classe. Mais Kevin Love ne répond pas tout à fait aux attentes en lien avec son gros contrat. Un constat qui s’applique aussi, selon moi, à Tristan Thompson et J.R. Smith. Si les Cavs peuvent effectuer des transactions dans ces trois cas, ils devront y penser très sérieusement.

En espérant que d’autres sérieux aspirants commenceront à émerger sous peu, je surveillerai avec intérêt le repêchage, le marché des transactions et l’univers des joueurs autonomes avec grand intérêt au cours des prochains mois. Quelques noms qui pourraient changer d’adresse et faire basculer un peu l’ordre établi des choses : Chris Paul, Blake Griffin, Gordon Hayward, Paul Millsap, Kyle Lowry, Paul George et Carmelo Anthony. Ça promet de ne pas être ennuyant.

Bon été à tous et au plaisir de se reparler en novembre prochain!