Mercredi soir, 21 h 50. Les Raptors de Toronto mettent fin à une horrible séquence de neuf défaites avec une retentissante victoire face aux Nuggets de Denver, lors d’un match que j’ai le plaisir de décrire à RDS aux côtés de William Archambault.

Le triomphe devient rapidement secondaire et toutes les caméras se braquent sur Norman Powell et Kyle Lowry. Dans les deux cas, on a le profond sentiment qu’on assiste à leurs dernières secondes dans l’uniforme torontois. L’émotion est palpable. Powell reçoit les accolades d’entraîneurs et coéquipiers alors que K-Lo a les larmes aux yeux en saluant la caméra dans le tunnel adjacent au vestiaire. Son cœur commence à dire adieu et faire son deuil. La scène est touchante et on comprend très bien pourquoi.

Kyle Lowry n’avait encore rien accompli de significatif chez les pros à son arrivée au Canada en 2012. Il est maintenant le joueur le plus accompli et adoré de l’histoire du club. Le symbole incontesté du mouvement « We the North ». Il a même déclaré publiquement qu’il prendra un jour sa retraite en tant que membre des Raptors, peu importe ce que les prochaines années lui réservent. Son de cloche semblable pour Powell, dont l’arrivée dans la Ville-Reine en 2015 s’était fait sans éclat ni fanfare. Six ans plus tard, une bague au doigt, il est devenu un ailier émérite favori du public.

Rien n’est éternel dans le sport, comme dans la vie. C’est une business avant tout. Le cliché se perpétue au fil des ans, mais n’en demeure pas moins vrai. Lowry et Powell se dirigent vers l’autonomie complète à la fin de la saison et l’idée de garder les deux à tout prix (au grand plaisir des partisans) semblait improbable et irresponsable.

À 27 ans, bientôt 28, Norm est en voie d’obtenir le contrat le plus marquant de sa carrière. Sa cote n’a jamais été aussi haute en raison de performances épiques lors des deux derniers mois. Un club sera probablement prêt à lui consentir 20 millions par année la saison prochaine, mais ce club ne pouvait pas vraiment être Toronto. Les contrats à long terme ont été offerts au trio Siakam/VanVleet/Anunoby. Le jeune noyau a été établi. Ils sont un peu plus complets ou polyvalents que le bon Norman.

Quant à Lowry, incroyable, mais vrai, il célébrait son 35e anniversaire en ce 25 mars. Il est encore le même Kyle : guerrier dans le fond des os, taureau offensif, mur défensif, leader incontesté. Le moteur du club. Mais il ne lui reste probablement que deux autres bonnes saisons selon mon humble avis. Son cœur de gagnant battra toute sa vie, mais le corps aura bientôt de la misère à suivre le rythme. Seul LeBron aura trouvé la fontaine de Jouvence et ne semble pas vouloir partager son emplacement avec les autres.

La logique voulait donc que Masai Ujiri maximise leur valeur en les échangeant dès maintenant. Et à 13 h jeudi, la première moitié du scénario était respectée. Powell passait aux Blazers de Portland en retour de Gary Trent Jr et Rodney Hood. Au premier regard, les deux partis semblent gagnants. Portland bonifie son noyau dans l’immédiat en obtenant le meilleur joueur de la transaction. Et Toronto met la main, surtout, sur un jeune ailier émergent qui peut faire plusieurs choses semblables à Powell tout en coûtant moins cher pour la suite. En demandant à notre collègue Charles Dubé-Brais, une des meilleures têtes de basket du Québec, ce qu’il en pensait par texto, il m’a simplement répondu : « Trent est un jeune Norman Powell de 22 ans ».

Tous les yeux étaient maintenant rivés sur Lowry. Il restait deux heures avant l’heure butoir et la conclusion semblait inévitable. Les montages photo et les remerciements sur les médias sociaux déferlaient déjà. Mais on avait tous ignoré un détail fondamental dans cette histoire : Masai Ujiri adore Kyle Lowry et n’allait pas l’échanger à n’importe qui contre n’importe quoi. On ne fait pas ça à une icône. Il avait un prix précis en tête, et ce prix n’aura jamais été atteint en ce 25 mars. Ni par le Heat, les Lakers ou les Sixers. Il a donc préféré le garder et aller de l’avant avec son leader incontesté.

Il reste donc trois scénarios possibles pour cet été dans le cas de Lowry :

  1. Il signe une prolongation de contrat d’une saison ou deux avec les Raptors
  2. Il s’entendra avec un autre club, mais les Raptors pourront tout de même obtenir quelque chose en échange dans le cadre d’un « Sign and Trade »
  3. Il quittera comme joueur autonome, tout simplement

Le scénario C serait catastrophique. S’il se produit, les critiques à l’endroit de l’état-major du club seraient alors nombreuses et justifiées. Les scénarios A et B s’avéreraient bien plus comestibles.

Bref, seul le temps nous dira si la décision de jeudi fut la bonne.

Mon constat immédiat? Il est très mitigé.

Sur le plan émotif, je suis heureux. K-Lo méritait mieux qu’hier. Il mérite que ses adieux se fassent éventuellement devant une salle comble électrique en Ontario et non pas dans un amphithéâtre vide en Floride. Ceci est maintenant encore possible.

Sur le plan sportif, je crois qu’il aurait probablement fallu tourner la page. On sait tous que les chances de voir les Raptors aspirer au titre en 2021 sont minuscules. La valeur de Lowry ne fera que diminuer à compter de maintenant. La meilleure offre reçue aujourd’hui était probablement acceptable et Masai ne la reverra jamais. Il était peut-être temps de remettre les clés de la voiture à Fred VanVleet, tout en commençant à redéfinir doucement le portrait du club. Même ADN, mais nouveau capitaine.

Ceci étant dit, égoïstement, j’adore le voir porter fièrement l’uniforme torontois. Et je ne serai pas fâché que ça se poursuive pour encore au moins deux mois.

Ailleurs dans le circuit Silver

Voici mon constat en rafales des autres transactions lors de cette journée plus mouvementée que prévue...

- Les Nuggets ont fait un excellent coup en allant chercher Aaron Gordon du Magic. Ils n’ont presque rien eu à donner en retour. Et leur noyau de Jokic/Murray/Gordon/Porter Jr sera très difficile à freiner dans une série 4 de 7.

- Parlant du Magic, la vente de feu s’est poursuivie avec l’envoi de Nikola Vucevic à Chicago. Les Bulls sont les gagnants de cette transaction. Le Monténégrin de 30 ans est un des cinq meilleurs de la ligue à l’intérieur et son contrat pour les deux prochaines saisons est très potable. Le prix à payer fut raisonnable. Chicago se taillera assurément une place dans le top-10 dans l’Est et sera à prendre au sérieux.

- Pour moi, l’arrivée de Victor Oladipo à Miami est moins significative que certains médias ont voulu vous le faire croire jeudi. Premièrement, il a beaucoup de difficulté à rester sur le terrain pendant des semaines consécutives. De plus, il y a une tonne de joueurs au profil semblable présentement avec le Heat. Butler, Herro, Robinson, Dragic, Nunn, Iguodala, Ariza. Comment répartir le temps de jeu? Et comment trouver son rythme offensivement? Je ne dis pas que c’est une mauvaise transaction. Je prévois simplement que son impact sera limité. En contrepartie, si jamais la rumeur envoyant LaMarcus Aldridge à South Beach se concrétise (après son rachat des Spurs), ça viendrait combler un besoin pas mal plus criant dans le club en vue des séries.

- Trois autres gardes vétérans ont capté mon attention en changeant d’adresse jeudi. Evan Fournier a été obtenu par les Celtics pour une bouchée de pain. Il les aidera assurément. George Hill s’est avéré le plan B des Sixers quand le plan A (Kyle Lowry) est tombé à l’eau. Hill a fait le tour du bloc en séries et pourra leur offrir des minutes significatives. Puis JJ Redick a été envoyé à Dallas. J’ai adoré Redick toute sa carrière, mais je crois qu’il est pas mal rendu au bout du rouleau. Le QI basket y est encore, mais le corps commence à avoir de la difficulté à suivre.

- Et finalement, il semble qu’Andre Drummond a aussi accepté un rachat et sera bientôt libre comme l’air. Un des meilleurs dans la ligue aux rebonds, il est courtisé par une panoplie d’équipes. Ç’aurait été fascinant de le voir débarquer avec les Raptors. Il serait devenu le centre numéro 1 instantanément, comblant un besoin criant. Mais il voudra surement évoluer dans un marché plus stable (Tampa, pas idéal) pour un aspirant plus établi. Les Clippers et les Lakers partent avec une longueur d’avance.

Et je termine en vous rappelant que le 31 mars sera la soirée Luguentz Dort à RDS. Dès 19 h 30, on vous présentera la grande première d’un excellent documentaire de 30 minutes sur sa vie et sa jeune carrière.

Et ce sera suivi du duel entre les Raptors et le Thunder dès 20 h. Soyez-y!

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