Samedi soir dès 18 h, sur les ondes de RDS et RDS Direct, les Raptors de Toronto seront de retour en séries éliminatoires après une brève saison d’absence.

Ils affronteront les 76ers de Philadelphie et seront négligés pour remporter le duel aux yeux des preneurs aux livres ainsi que la majorité des experts. Et pourtant, votre humble serviteur fait partie d’une minorité croissante qui estime que la troupe dirigée par Nick Nurse a des chances plus que légitimes de brouiller les cartes au cours des deux prochaines semaines. Permettez ces quelques lignes et dix minutes de votre temps pour que je vous explique pourquoi.

Quand la saison 2021-22 a débuté le 20 octobre dernier à Toronto, les attentes étaient plutôt modestes dans la ville Reine. Les partisans torontois se montraient tout simplement soulagés de voir leurs protagonistes de retour en sol canadien après une pénible saison passée en exil au sud de la frontière. Quand on regardait froidement le groupe mis en place sur papier, il était difficile de viser haut au classement sans dévoiler son côté partisan. Les points d’interrogation étaient trop nombreux :

-Pascal Siakam allait-il retrouver la moitié de sa confiance d’antan?

-Fred VanVleet était-il vraiment prêt à être le meneur d’un club victorieux?

-Le duo Dragic/Achiuwa allait-il pouvoir contribuer juste assez pour alléger la tristesse du départ de Kyle Lowry?

-Combien d’années avant de voir le potentiel de Scottie Barnes se réaliser?

-Combien de semaines avant de se buter à un cruel manque de profondeur à la position de garde?

Et j’en passe...

Mais rien de tout ceci n’était très grave. Les Raptors avaient un bon jeune noyau sur lequel bâtir pour les prochaines années. Vivement un semblant de normalité.

Les trois premiers mois de la saison servirent ensuite à confirmer l’hypothèse de départ. Le potentiel global y était, mais on allait devoir être patients. Les meilleurs moments (victoires c. les Sixers, Grizzlies, Bucks x 3, Warriors) furent essentiellement annulés par des défaites parfois crève-cœur contre des clubs de second ordre. On observait alors un club hargneux et déséquilibré. Le mouvement ‘We the North’ présentait ainsi une fiche de 23 victoires et 23 défaites le 29 janvier au matin et personne ne s’en plaignait vraiment.

Arriva ensuite ce qui devait arriver dans le cadre d’une autre saison étrange affectée par la Covid, les vaccins et les restrictions sanitaires : les Raptors se mirent à gagner. Souvent. Le déclic fut justement enclenché à South Beach en ce chaud samedi soir hivernal de la fin janvier. On assista à un triomphe en triple prolongation contre le puissant Heat de Miami. Nick Nurse affichait ses couleurs en utilisant ses partants plus de 54 minutes chacun. Et ceux-ci répondirent par des performances inspirées empreintes de désir et de résilience. L’état-major de Toronto venait de mettre tous ses jetons au centre de la table. Les séries ou rien en 2022.

Vous pouvez imaginer la suite. (Je n’allais quand même pas mettre en place ce scénario dramatique pour le détruire deux lignes plus tard quand même.) Ils débutèrent une inspirante/étonnante séquence de 25 gains en 35 matchs. Et leur 12e rang dans l’Est deviendra ultimement la 5e place. Les principales causes :

-Pascal Siakam est redevenu le joueur étoile qu’il était en 2019

-Malgré un ralentissement physique à venir, VanVleet avait trouvé sa zone de confort comme leader

-Gary Trent Jr était désormais une menace constante du périmètre

-Precious Achiuwa, contre toutes attentes, a commencé à réussir des tirs du centre-ville avec une régularité plutôt stupéfiante

-Chris Boucher s’est mis à gagner la confiance de Nick Nurse plus que jamais auparavant

-Scottie Barnes nous a montré par où passerait indiscutablement l’avenir de la concession

Je pourrais vous parler du brio et de l’émergence de ce charismatique Scottie pendant des heures, mais je garderai mon enthousiasme pour une future chronique. Je m’en tiendrai donc à ceci : le choix de premier tour (4e rang) du dernier repêchage, dont la sélection avait surpris et déçu plusieurs fans initialement, passe maintenant pour un coup de génie de Masai Ujiri et Bobby Webster. Il se développe bien plus vite qu’on ne le croyait, surtout en attaque. Il peut jouer et défendre toutes les positions. Ses coéquipiers l’adorent. Et son désir de vaincre saute aux yeux. C’est la preuve que dans une ligue comme la NBA, un seul bon choix au repêchage peut rapidement changer le cours des choses pour une organisation. 

Tout ceci nous ramène donc au moment présent et à ce duel imminent opposant Toronto à Philadelphie. Sur papier, la tâche s’annonce lourde. Les deux plus gros noms de la série jouent pour les Sixers et un de ceux-ci, un géant camerounais du nom de Joel Embiid, n’a jamais été aussi dominant. Il présente des moyennes de 30 points et 12 rebonds par rencontre. Il peut tout faire sur le terrain. Bonne chance pour l’arrêter.

Ceci étant dit, les raisons d’être optimistes en tant que fan torontois sont plutôt nombreuses :

-James Harden, depuis son arrivée de Brooklyn, est plutôt décevant. Il est moins explosif que prévu et peine à contourner ses adversaires pour atteindre l’anneau comme dans le bon vieux temps. Son efficacité du périmètre laisse à désirer. Et son pedigree en séries lors des matchs cruciaux laisse encore plus cruellement à désirer. La foule de Philadelphie, passionnée, mais intransigeante, pourrait le dévorer tout rond s’il ne joue pas bien au premier tour.

-Toute la pression sera sur les Sixers. Tu ne vas pas chercher Harden à gros prix en cours de saison pour ensuite perdre contre les jeunes Raptors dès le premier tour. Ce serait impensable. Toronto est un an, peut-être deux, en avance sur son plan de reconstruction. Ils ne sont pas censés être cinquièmes dans l’Est. Ils n’ont rien à perdre.

-Le personnel de soutien de Philly n’inspire pas confiance. Tyrese Maxey connaît une super saison, mais on ne peut pas dire de même de Tobias Harris. Mathysse Thybulle est un monstre défensif sur les ailes, mais ne cassera rien offensivement. Sans oublier qu’il n’est pas double-vacciné, donc inéligible pour les rencontres au Canada. Les meilleurs jours de Danny Green et DeAndre Jordan sont derrière eux. Et le meilleur franc-tireur du club, Seth Curry, a été sacrifié pour obtenir la Barbe de James. Pas idéal.

-Quant à la bataille des entraîneurs-chefs, Doc Rivers a plus d’expérience, mais Nick Nurse est un stratège tout simplement meilleur et plus évolué que le bon vieux Doc dans la réalité de 2022.

-Les Raptors ont remporté trois de leurs quatre chocs avec les 76ers cette saison. Sans compter leur dramatique affrontement en séries 2019 que Kawhi a soldé de la façon de la plus mémorable qui soit. La morale : les représentants torontois ne semblent aucunement intimidés par la bande à Embiid.

Si je me place dans la peau de Nick Nurse côté tactique pendant quelques instants, je me dis qu’il devra accepter une certaine production de monsieur Embiid. Une moyenne de 30 points et 10 rebonds alloués par rencontre serait relativement raisonnable. Ceci dit, Nurse va sans doute construire un plan de match défensif exhaustif pour l’embêter, le fatiguer et le ralentir en amenant deux joueurs agressifs aux longs bras vers lui sur presque chaque possession. Les Raptors vont ainsi défier Harden et le personnel de soutien des Sixers de les battre en levant leur niveau de jeu d’au moins un cran.

Bref, la table est mise et je m’attends à une longue série physique. L’entraîneur-chef des Raptors a d’ailleurs dit aux médias cette semaine qu’il s’attendait à un véritable ‘slug fest’,,, qu’on pourrait librement traduire par « combat de poids lourds ». Je suis d’accord avec lui et on a tous hâte que ça commence!