Un bon ami me faisait remarquer cette semaine que la NBA en 2020 était devenue une espèce de version réelle d’une partie de ‘NBA 2K’. Même les échanges les plus fous ou étranges peuvent devenir réalité. Tu as envie d’envoyer James Harden à Brooklyn avec KD et Kyrie? Pourquoi pas! On peut essayer. Autant en simulation que dans la vraie vie. Holiday et Bogdanovic à Milwaukee? Ah, le système a accepté une des transactions mais refusé l’autre. Étrange...

Alors permettez-moi de passer en revue les thèmes les plus percutants de la dernière semaine dans le circuit Silver. Au cas où vous les avez manqués, il y en a eu quelques-uns.

Ça travaille fort dans l’univers des Raptors

On avait tous hâte de voir comment Masai Ujiri et Bobby Webster allaient pouvoir naviguer cette brève saison morte avec tous les dossiers qui traînaient sur leurs bureaux. Ma conclusion en dix mots? Ç’aurait pu être mieux... et ç’aurait pu être pire.

La priorité en tête de liste était indiscutable : il fallait ramener Fred VanVleet à Toronto pour le long terme. En ce sens, mission accomplie. À 26 ans maintenant, ‘Steady Freddy’ abordera théoriquement ses années d’apogée et les partisans torontois auraient trouvé ça cruel de le regarder les passer dans la médiocrité de l’uniforme des Knicks de New York, par exemple. C’était d’ailleurs le danger le plus inquiétant pour Masai... qu’une équipe de fond de classement avec de l’argent à dépenser offre un montant fou (comme 120 millions pour quatre ans) à FVV et que son club d’origine ne puisse pas accoter l’offre sans bousiller ses dépenses à moyen/long terme. Avec une entente conclue à 85 M$ pour quatre ans (même si ce sont des montants inimaginables aux yeux des mortels comme nous), il s’agit en fait d’un contrat très juste dans la NBA actuelle.

Priorité no 2 : garder Serge Ibaka pour patrouiller la clé et défendre l’anneau. Malheureusement, cette mission fut un échec. Forcé à choisir entre FVV et le Congolais, j’aurais opté pour FVV. Mais le départ du bon Serge fait quand même mal. Il n’a pas accepté autant d’argent qu’on le prévoyait (19 M$ pour deux ans) dans le but de retrouver son vieil ami Kawhi sous le ciel chaud d’Hollywood. Ceci me dit qu’il avait probablement envie de tenter un nouveau défi dans un plus gros marché à ce stade de sa carrière. D’autant plus qu’il a déjà sa bague de champion en poche. Sa polyvalence intérieur/extérieur et son expérience seront difficiles à remplacer.

Le départ de Marc Gasol pour l’autre club de Los Angeles fait moins mal à mes yeux. Il avait beaucoup ralenti physiquement. Sa mobilité était réduite. Il ne voulait plus tenter des tirs près du panier. Ses meilleures années sont définitivement derrière lui. Oui, ses aptitudes de passeur et sa défensive contre des centres au profil spécifique (Joel Embiid) valaient leur pesant d’or. Mais j’aurais nettement préféré garder Ibaka devant le gentil géant espagnol.

On s’entend toutefois que de perdre les deux centres durant la même saison morte représente un solide défi pour Nick Nurse et ses entraîneurs.

Le plan B auquel ils en sont venus ne me déplait pas toute fois. D’abord, Chris Boucher a obtenu un nouveau contrat de 13,5 millions pour deux ans. Sur un plan personnel, c’est un exploit difficile à quantifier pour le Montréalais d’origine quand on rejoue sa trajectoire de carrière depuis le tout début. Il aura enfin une véritable chance de se prouver sur une base régulière dans le circuit Silver. On ne paie aucun joueur ce salaire si notre intention c’est de lui donner des restants de temps de jeu occasionnels. Personnellement, je crois en lui. À chaque fois qu’il embarque sur le terrain depuis deux ans, il se passe des choses. Et celles-ci sont plus souvent positives que négatives. Il bloque des tirs, attaque l’anneau et tire de l’extérieur avec grande confiance et efficacité croissante. Reste à voir s’il peut tirer son équipe du jeu contre des centres plus imposants que lui en défense. Et si Nurse aura la confiance de le déployer dans des fins de matchs importantes et corsées.

Simultanément à Boucher, Toronto octroyait aussi un contrat quasi identique au centre australien Aron Baynes. Bientôt âgé de 34 ans, ce dernier ne vous coupera jamais le souffle avec des capacités athlétiques hors norme ou rien du genre. Mais il est fiable, fait tout bien et cadrera parfaitement dans le système et la culture des Raptors. Il vient de connaître la meilleure saison de sa carrière et a amélioré graduellement son tir de l’extérieur. Je lis beaucoup de commentaires fatalistes de fans des Raptors sur les médias sociaux depuis hier soir, comme quoi le club venait de faire un gros pas vers l’arrière. C’est peut-être un peu l’optimiste en moi qui se manifeste, mais je ne partage pas cet avis. Je crois qu’un duo Baynes/Boucher sera hautement motivé et pourra compenser de plusieurs façons.

À mon sens, les Raptors demeurent un des six meilleurs clubs de l’Est, dans une Association où aucun aspirant n’est clairement au-delà des autres. Le Heat sera mon favori, mais n’a pas fait d’ajout significatif. Les Bucks (voir plus bas) ont tenté le grand coup, mais avec succès mitigé. Les Sixers (voir plus bas) seront plus équilibrés, mais n’ont encore rien prouvé avec ce noyau. Les Nets ont beaucoup de talent sur papier, mais tout autant de points d’interrogation. Les Celtics ont fait du sur place en perdant Gordon Hayward sans rien obtenir en retour.

Et tous ces clubs sont dirigés par des entraîneurs de haut niveau (Nurse, Stevens, Spoelstra, Budenholzer), de fort pedigree (Rivers) ou de fort potentiel (Steve Nash). La lutte s’annonce fascinante.

Bref, le canevas est vierge et le portrait est ouvert. Reste à voir si les Raptors voudront saisir une certaine chance. Pour y arriver, Lowry devra rester en santé. Siakam devra passer l’éponge sur les plus récentes séries. Et un atout comme OG Anunoby devra faire un bond considérable (mais pas impossible) vers l’avant.

Rien ne va plus à Houston

En mai 2018, le plan machiavélique du directeur général Daryl Morey était sur le point de se concrétiser. James Harden et Chris Paul passaient à un cheveu d’éliminer les grands favoris de Golden State en finale de l’Ouest. Les Rockets pouvaient sentir et goûter le titre. Puis le château de cartes s’est effondré lors des matchs 6 et 7, en grande partie en raison de la blessure de Chris Paul subie quelques jours auparavant.

Comme les temps ont changé depuis. CP3 a été échangé un an plus tard. L’expérience Harden/Westbrook, sans être catastrophique, n’a pas obtenue les résultats escomptés. Mike D’Antoni a été le premier à s’évader le lendemain de l’élimination face aux Lakers. Morey a ensuite confirmé son départ en octobre. Monsieur Westbrook souhaite décamper aussi. Mais aucun club ne voudra lui toucher car son contrat lui promet 132 millions (!) lors des trois prochaines saisons.

Et comble de malheur, même James Harden, autour de qui l’ADN actuel du club a été établi, a exprimé son désir de trouver un ciel plus bleu ailleurs, refusant même un nouveau contrat lui garantissant essentiellement 50 M$ par saison pour rester. Les partisans et l’état-major des Rockets ont de quoi être déprimés. La fenêtre de succès semble être fermée pour ce groupe. Malgré tout, le scénario le plus probable qui se dessine c’est que Harden et Westbrook demeurent au Texas et que la nouvelle saison s’ouvre sous un nuage noir de mécontentement. Pas idéal disons...

Morey prend charge à Philly

Parlant de Daryl Morey, il n’aura pris que deux semaines avant de se trouver un nouveau poste avec les 76ers de Philadelphie. La commande était lourde mais le défi intrigant. Il héritait d’un club talentueux, mais débalancé. Un mois avant son arrivée, Doc Rivers était nommé entraîneur-chef. Je ne suis pas aussi fan de monsieur Rivers que certains, mais je reconnais que son pedigree sera probablement bénéfique à la chimie du groupe en comparaison avec l’échec assez évident de son prédécesseur, Brett Brown.

Puis Morey a mis les bouchées double la semaine dernière pour entamer le ménage. Il a convaincu le Thunder d’absorber l’horrible contrat d’Al Horford en l’emballant avec quelques choix au repêchage. Puis se sont rajoutés au groupe Dwight Howard, Danny Green, Seth Curry et Tyrese Maxey. Howard ne changera probablement pas grand-chose à l’équation globale, mais demeure une figure polarisante. Surtout aux côtés du centre vedette camerounais déjà en place.

Green et Curry ne sont pas les plus explosifs, mais ils vont assurément étirer le terrain en attaque pour Joel Embiid et Ben Simmons. Alors qu’on aime beaucoup le potentiel de Maxey, choix de premier tour issu de l’université Kentucky. Les partisans des Sixers ont de quoi être optimistes. Mais ça ne règle quand même pas par magie la fameuse question : est-ce que le duo Embiid/Simmons peut non seulement coexister, mais surtout exceller? Loin d’être certain...

Effort louable des Bucks, mais...

Les Bucks de Milwaukee jouent maintenant dans un amphithéâtre ultra-moderne au centre-ville nommé le Fiserv Forum. Certains ont baptisé cette édifice ‘La maison construite par Giannis’. Le pire cauchemar de l’état-major du club serait donc de voir le Greek Freak quitter le Wisconsin trois ans après avoir inauguré ladite bâtisse. On est donc ‘all-in’, comme on se le doit, dans l’univers des Bucks afin de convaincre Giannis de rester un autre cinq ans après cette saison. Pour l’instant, il refuse de se commettre.

Dans le but de l’apaiser et de l’emballer, on faisait l’acquisition de Jrue Holiday et de Bogdan Bogdanovic. Du moins, c’est ce qu’on croyait à Milwaukee. Semblerait qu’on a annoncé l’acquisition du franc-tireur serbe avant d’avoir confirmé son désir de signer un nouveau contrat avec les Bucks. Grave erreur, car le joueur autonome avec restriction souhaitait tester le marché (il a depuis signé une offre hostile déposée par les Hawks d’Atlanta). Quant à Holiday, son expérience, sa polyvalence, son leadership et sa défense font de lui un réel atout aux côtés du géant grec. Mais il n’est pas un franc-tireur et on a payé très cher pour l’obtenir via La Nouvelle-Orléans. Sur papier, avec les arrivées annoncées de ces deux joueurs, les Bucks devenaient bel et bien un meilleur club dans l’immédiat. Mais dans les faits, sans l’arrivée du Serbe, je crois qu’ils se sont améliorés minimalement. De plus, tant que Giannis ne se commettra pas sur le long terme, le climat sera tendu (quasi insoutenable) dans le vestiaire du club. Là non plus, pas idéal comme point de départ d’une nouvelle saison...

Les champions se solidifient

Les champions en titre ne se sont pas assis sur leurs lauriers, loin de là. Le directeur général Rob Pelinka a été très actif depuis une semaine. Et les résultats sont prometteurs. Ont quitté : Rajon Rondo, Avery Bradley, Dwight Howard, Javale McGee et Danny Green. Mais se sont ajoutés au groupe : Marc Gasol, Dennis Schroder, Montrezl Harrell et Wesley Matthews, alors que Kentavious Caldwell-Pope et Markieff Morris ont obtenu de nouvelles ententes, ce qui devrait aussi être le cas d’Anthony Davis sous peu.

Sur papier, les hommes dorés sont donc plus talentueux que la saison dernière. De quoi inquiéter leurs rivaux. J’ai mes réserves sur l’apport futur de Gasol et Harrell. Et j’ai hâte de voir si LeBron préservera son niveau de jeu élevé malgré une saison morte extrêmement courte. Mais il n’y a aucun doute que les Lakers entameront la saison 2020-2021, le 22 décembre prochain, avec l’étiquette de favoris incontestés.

Catastrophe ailleurs en Californie

Les Warriors de Golden State, après avoir passé l’éponge sur une saison 2019-2020 tout à fait misérable, semblaient très optimistes à l’idée de reprendre leur statut d’aspirant au titre cette année. Steph Curry revenait à 100 % après une campagne truffée de blessures. Klay Thompson semblait pleinement remis de son ligament croisé déchiré au genou lors de la fameuse finale face aux Raptors. Ils ont jeté leur dévolu sur le prometteur James Wiseman lors du repêchage, tentant de résoudre leur lacune près de l’anneau.

Et voilà que le ciel s’est effondré sur leur tête la semaine dernière, quand la nouvelle est tombée que Thompson s’était blessé à nouveau. Rupture du tendon d’Achille. Convalescence encore plus pénible à venir pour un des joueurs les plus appréciés de la planète basket. Horrible. Sans lui, les Warriors demeureront compétitifs. Mais d’aspirer au titre? Oubliez ça.

Thompson était autant une pierre angulaire que Steph à mes yeux. Un favori de ses coéquipiers, solide défensivement, source d’attaque instantanée. Et il enlevait surtout beaucoup de pression sur les épaules de Curry autour du périmètre. Andrew Wiggins devra prendre un géant pas vers l’avant pour compenser. Personnellement, je crois que c’est trop demander à notre ami ontarien.

CP3 vers le désert

Les Suns de Phoenix seront un des clubs les plus intrigants de la NBA à l’aube de la nouvelle saison. D'une part, ils avaient volé la vedette dans la bulle à Orlando cet été. Huit victoires en autant de matchs, avec sept des gains contre des clubs qui allaient participer aux séries. Devin Booker a été franchement exceptionnel. Leur jeune centre Deandre Ayton nous a montré pourquoi il avait été digne du tout premier choix en 2018. Ricky Rubio a pris charge en tant que meneur de jeu. Et le personnel de soutien a élevé son niveau de jeu d’un cran.

Malheureusement, ce ne fut pas suffisant pour atteindre le 9e rang et participer au barrage dans l’Ouest. Mais les représentants du désert avaient annoncé leurs couleurs pour 2021. L’état-major est allé un pas plus loin la semaine dernière, faisant l’acquisition de Chris Paul dans le but de séduire Booker et de cimenter les fondations. Le pari est intrigant. D’autant plus qu’il n’a pas coûté cher, vu le contrat exorbitant de CP3. Ce dernier, maintenant âgé de 35 ans, demeure un peu fragile. Mais le pari en vaut assurément la chandelle à Phoenix après des années de misère. Les Suns présentent une fiche de 121-280 depuis cinq saisons et n’ont pas atteint les séries depuis 2010, alors que Steve Nash y brillait encore. En théorie, cette vilaine séquence devrait prendre fin en 2021.