MONTRÉAL – Fin juillet à Montréal, le gymnase d’une école de Westmount renferme un trésor insoupçonné. Les meilleurs jeunes basketteurs de la province ont été invités pour étaler leur talent et l’un des plus beaux diamants québécois en vue d’atteindre la NBA se démarque du lot.

À 6 pieds 7 pouces, Quincy Guerrier ne retient pas seulement l’attention par son physique qui semble avoir été taillé pour une carrière professionnelle. Son aisance sur le terrain est épatante face à une telle opposition.

Pour l’occasion, ses adversaires et ses coéquipiers sont les autres joueurs convoqués au camp Top-50 de l’Académie de basketball Kris Joseph. Cette initiative de Joseph, qui a joué pour les Celtics de Boston et les Nets de Brooklyn, procure une visibilité à ces athlètes devant des dépisteurs et des entraîneurs d’universités canadiennes et américaines.

Dans le cas de Guerrier, cette partie du travail a déjà été accomplie grâce à ses performances au sein du miraculeux programme du Cégep Thetford. Sous la supervision de ses entraîneurs, il s’y est développé à une vitesse fulgurante, si bien qu’il a déjà reçu une quantité exceptionnelle d’offres d’institutions de renom pour un produit du Québec.

En plus de Syracuse, les programmes d’Oregon, Memphis, Oklahoma et de plusieurs autres universités ont manifesté leur intérêt et les propositions ne cessent d’affluer.

« C’est l’un des meilleurs que j’ai pu voir depuis très longtemps au Québec. Je crois vraiment qu’il a un bel avenir devant lui. Je suis ravi de voir un autre jeune qui a le potentiel de se rendre dans la NBA », a commenté Joseph sur ce phénomène.

« Il a vraiment le physique de l’emploi. Il cadre dans le moule pour jouer au prochain niveau. Il me fait un peu penser à Paul George (un vétéran de sept saisons). Bien sûr, il doit encore peaufiner quelques aspects de son enjeu, mais il est bien placé pour réussir », a-t-il ajouté.

Cela dit, ce n’est pas évident pour un jeune homme de 18 ans de se démêler quand on est courtisé de la sorte. Heureusement, ce tourbillon ne semble pas l’empêcher de garder les pieds sur terre. Ce n’est pas étranger au fait qu’il est entouré d’entraîneurs sérieux et qu’il puisse s’inspirer de l’histoire de Chris Boucher, le nom le plus connu formé à Thetford, qui a joué pour Oregon et qui cogne aux portes de la NBA. 

« Ça m’encourage, mais je me dis que je dois continuer à travailler. Mon but, ce n’est pas juste de jouer universitaire, je veux me rendre dans la NBA. Si je pouvais faire en sorte de ne pas aller universitaire en sautant directement de Thetford à la NBA, je le ferais », a exprimé Guerrier, qui sera admissible au repêchage de 2019. 

Pour le moment, il sait bien qu’un passage auprès d’une université américaine demeure le chemin le plus réaliste, mais il veut hériter d’un rôle prépondérant. 

« L’été prochain, je vais regarder où je vais aller et je vais l’annoncer. Je vais m’asseoir avec mon entraîneur et ma famille pour bien évaluer mes options. Je ne veux pas aller dans n’importe quelle équipe, je veux être LE gars. Je veux choisir la meilleure place pour mon développement », a-t-il admis. 

Au cours des dernières années, le Québec a pu compter sur quelques représentants dans la NBA comme Samuel Dalembert, Joel Anthony et Joseph. Guerrier voudrait ajouter son nom à cette liste et il s’inspire de deux modèles bien en vogue.

« Mon joueur préféré est Kevin Durant parce que je trouve que mon jeu se rapproche du sien, notamment pour le physique. J’essaie de m’en rapprocher encore plus. Il y a aussi Stephen Curry pour son tir de trois points qui est incroyable », a relaté Guerrier, qui mise beaucoup sur cette arme dans son arsenal. 

S’il parvient à enchaîner les prochaines étapes avec autant de succès que ses lancers, Guerrier se félicitera de s’être accroché. 

« Je suis arrivé à Thetford pour mon secondaire IV. C’était vraiment difficile. Après un mois, j’avais envie de repartir à Montréal. J’en ai pleuré tellement c’était intense. Mon entraîneur Armel Alipio Ballay est celui qui m’a lancé et qui m’a montré que j’étais bon. Il a été déterminant dans mon développement », a remercié Guerrier, qui s’est habitué aux exigences strictes du programme pour écarter les distractions. 

Joseph songeait à ce projet depuis longtemps

Après les petits miracles effectués par l’Académie de basketball du Cégep de Thetford, c’est donc au tour de Joseph de faciliter l’ascension des joueurs québécois qui se démarquent. 

Kris JosephAvant même d’avoir atteint la NBA, Joseph avait imaginé cette idée pour redonner à la relève.

« Quand j’étais plus jeune, j’aurais aimé pouvoir participer à une expérience comme celle-ci, mais personne ne le faisait vraiment à cette époque. Le basketball commence à grandir au Québec, mais ce n’est pas au niveau de l’Ontario ou de la Colombie-Britannique. Je souhaite que les joueurs d’ici puissent être vus par des programmes prestigieux en espérant qu’ils seront recrutés avec des bourses pour leurs études », a raconté Joseph qui poursuit sa carrière en Europe depuis 2013. 

L’athlète de 28 ans a dû s’exiler aux États-Unis afin d’attirer les regards sur lui et sa décision lui a permis d’être recruté par le prestigieux programme de l’Université Syracuse. 

« Je sais à quel point ça peut être difficile de gravir les échelons. Les frais de scolarité sont si élevés aux États-Unis et peu de parents peuvent offrir ça à leur enfant. Ma mère était heureuse que j’obtienne une bourse, mais elle était encore plus contente de ne pas avoir à payer », a ajouté Joseph en souriant. 

À l’origine, Joseph avait privilégié une formule qui invitait également des joueurs plus jeunes, mais il a recentré le tout. 

« Ça ne donne pas une chance à autant de monde, sauf que ça offre une meilleure vitrine aux joueurs d’élite. On se concentre plus sur ceux qui sont prêts pour le prochain niveau », a justifié Joseph, qui n’a pas encore renoncé à la NBA même s’il raffole de l’enthousiasme des partisans en France et en Italie. 

Un criant besoin de support

La NBA a connu une ascension foudroyante à travers la planète grâce à des athlètes comme Curry et LeBron James. Au Québec, le rythme a été plus modéré, mais les histoires de Joseph, Boucher et Guerrier devraient favoriser l’essor. Cependant, Joseph et Guerrier rêvent d’un plus grand support des écoles, des villes et des instances gouvernementales. 

Kris Joseph« Il faudrait investir plus. Beaucoup de gens disent que les jeunes ne peuvent pas réussir ici, mais je pense que c’est parce qu’on ne met pas assez de temps et d’argent sur le basket. On priorise beaucoup d’autres sports comme le hockey. Il y a beaucoup de jeunes du Québec qui ont du talent », a lancé Guerrier qui veut prouver que l’exil est évitable. 

« Ça va vraiment prendre un effort collectif. Je ne crois pas que le basket reçoit assez de support. Je suis parti du Québec depuis un certain temps, mais en entendant les gens parler et en posant des questions, je constate que c’est vraiment ce qui manque. Il faut se regrouper pour le bien des jeunes », a cerné Joseph qui organise ce camp sans véritable appui de commanditaires, mais avec le soutien de ses amis Ibrahim Appiah et Sacha Mucyo. 

En attendant, Joseph se fait un plaisir de partager ses connaissances à la relève. 

« C’est important! Souvent, les gens ne le font pas. J’essaie d’enseigner ça aux jeunes qu’être une bonne personne dans la vie va te permettre de te rendre plus loin que le basket. Le basket va arrêter un jour et il faut avoir une autre option à moins d’avoir fait autant d’argent que LeBron. »