MONTRÉAL – Au-delà de ses petites guerres de clochers et de ses conflits préfabriqués, le monde des sports de combat est un univers tissé serré. Les nombreuses marques d’affection et de support qui ont été dirigées vers la famille d’Adonis Stevenson depuis que l’ancien champion du WBC a été admis aux soins intensifs de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus de Québec en sont la preuve.

Mercredi, la combattante d’arts martiaux mixtes Valérie Létourneau a ajouté son nom à la longue liste d’athlètes qui ont exprimé leur désarroi devant le malheur qui frappe « Superman ».

Installée en Floride depuis cinq ans, Létourneau a passé la dernière fin de semaine à surfer d’un événement à l’autre. Entre deux galas de l’UFC et deux événements de Bellator, les combats de boxe, particulièrement celui de Stevenson, ont écopé. Ce n’est que dimanche matin, quand sa mère lui a envoyé la nouvelle par message texte, qu’elle a appris la triste nouvelle.

« Je me suis quasiment mise à pleurer. Je ne pouvais pas croire que c’était vrai. Pas lui, a-t-elle relaté en entrevue avec RDS. C’est quelque chose qui m’a vraiment ébranlée cette semaine. »

Létourneau ne considère pas Stevenson comme un grand ami. Avant l’exil de la Québécoise, les deux pugilistes ont été partenaires au gymnase des frères Grant. Ils se sont également côtoyés quand Stevenson se déplaçait aux États-Unis pour s’entraîner.

« C’est un gars qui encourageait toujours tout le monde. Il m’encourageait quand je faisais du "sparring", quand je frappais dans les sacs. C’était toujours un bon vivant. Je me rappelle encore les petits trucs qu’il me donnait. J’ai même retrouvé une vidéo sur mon Facebook, qu’il avait publiée à l’époque. Je regarde comment il m’encourageait... C’est ça, mon image d’Adonis. »

En se connectant sur les médias québécois, Létourneau a inévitablement été exposée au discours haineux des détracteurs du boxeur. Celle qui se fait surnommer « Trouble » n’a jamais trempé dans le crime, mais elle a, elle aussi, eu une adolescence turbulente. Dans les circonstances, elle déplore que le passé de Stevenson soit ramené dans l’actualité et lance un appel à la compréhension et à la compassion.  

« Je n’ai jamais été dans sa vie, je ne suis pas sa meilleure amie, mais quand le monde ramène des histoires qui datent de 23 ans, ça me tue d’entendre ça. Le gars avait 18 ans, il est rendu à 41 ans et a cinq enfants. Si moi j’étais la même fille que j’étais à 18 ans, je ne serais pas grand-chose! On évolue et tu ne peux pas juger quelqu’un toute sa vie sur ce qu’il était à 18 ans, alors qu’il venait d’Haïti et avait grandi dans la rue. On ne sait pas toujours ce qu’une personne a vécu. Mais selon ce que moi j’ai vu, je l’ai apprécié, Adonis. »

Létourneau est l’une des pionnières des arts martiaux mixtes féminins. Elle a commencé à se battre professionnellement en 2007, bien avant que Ronda Rousey n’ouvre la voie vers la reconnaissance universelle à ses consoeurs. À 35 ans, elle est actuellement en préparation pour le 17e combat de sa carrière et bien qu’elle ne soit pas étrangère à l’adversité, elle a toujours évité les blessures graves. C’est avec une pensée sincère pour Stevenson qu’elle terminera sa préparation pour son prochain défi. Le 15 décembre, elle tentera de ravir le titre de la division des poids mouches de Bellator à l’Américaine Ilima-Lei MacFarlane.

« Ça nous fait revenir à la réalité que notre travail, ce n’est pas acquis et notre santé, elle n’est peut-être pas là pour toujours non plus. Ça faisait longtemps qu’Adonis était champion. Un gars aussi solide, tu as l’impression qu’il est invincible et là de le savoir dans le coma, à se battre pour sa vie... Je pense que ça fait réfléchir tout le monde non seulement dans le monde de la boxe, mais de tous les sports de contact. »

« On sait dans quoi on s’embarque, mais ça fait réfléchir. »

Chapeau à Marie-Ève Dicaire

À travers toute cette grisaille, Létourneau a insisté pour offrir ses félicitations à sa compatriote Marie-Ève Dicaire, qui a remporté samedi le titre IBF des super-mi-moyens.

« J’aimerais vraiment parler d’elle. Je trouve que malgré tout, c’est l’une des nombreuses bonnes nouvelles dans notre sport », a-t-elle souligné.

« Juste à mon gym, il y a moi qui me bats pour une ceinture. On a Joanna  [Jedrzejczyk] qui se bat pour une deuxième ceinture. Même chose pour Amanda Nunes contre Cris Cyborg. C’est tout un mois pour nous et je trouve que c’est vraiment inspirant pour les femmes dans les sports de combat. »​