L'organisation TKO mousse les arts martiaux mixtes sur la scène locale et plusieurs Québécois tentent de se faire graduellement un nom dans le sport. Puisque la majorité des galas se tiennent à Montréal ou dans la Vieille Capitale, les combattants venant de l’extérieur de la province se retrouvent régulièrement en territoire hostile.

Jeudi, au Complexe sportif Claude-Robillard, le Lavallois Yoni Sherbatov (8-2-0) effectuait son premier combat dans la promotion avec laquelle il a signé en octobre. Son opposant chez les poids mouche, l’Ontarien Malcolm Gordon (12-3-0), était considéré par plusieurs comme le négligé bien qu’il soit le champion de la division et qu’il ait offert plusieurs performances convaincantes jusque-là.

Yoni Sherbatov et Malcolm GordonEn fin de compte, le spécialiste des soumissions (dont la soumission de l’année en 2018), n’aura pris que 92 secondes à se défaire de Sherbatov pour conserver sa ceinture. Après cette deuxième défense de titre, Malcolm X espère gagner peu à peu la faveur des amateurs.

« C’est la troisième fois que TKO m’oppose à des francophones de haut calibre et c’est la troisième fois que je suis le négligé, mais je réussis quand même à gagner et à garder ma ceinture. Je sais que ça peut prendre du temps, mais j’espère qu’on ne me verra plus comme le négligé un jour, que le public d'ici va plus m’accepter », souhaite le combattant de 28 ans.

Le duel semblait pourtant prendre une tangente bien différente dans les toutes premières secondes. Gordon a été solidement atteint au foie par un coup de pied et a mis un peu de temps à récupérer. Il a réussi à renverser la situation en amenant son rival au sol, puis en effectuant le passage de la garde pour compléter un étranglement arrière.

« Il m’a bien eu sur un coup au corps, ç’a vraiment fait mal, a admis Gordon. Je me suis fait frapper, je suis tombé, on s’est retrouvés contre la grille puis j’ai repris mes sens. J’ai dû me retrousser les manches à ce moment-là. Je n’ai pas été tellement surpris que Yoni arrive aussi fort et avec une telle explosivité, c’était ce qu’on anticipait. Je savais que je devrais traverser la tempête des cinq premières minutes, bien que ce soit plus facile à dire qu’à faire. Il m’a cogné durement mais je suis sorti victorieux et j’en suis très heureux. »

Le résultat a été spectaculaire même si on s’attendait à une plus longue bataille.

« Le plan initial, c’est que plus le combat allait se prolonger, plus ce serait en ma faveur. J’ai toutefois senti dès que je l’ai envoyé au sol que j’avais un avantage sur lui à ce niveau, je sentais que j’étais bien plus fort physiquement. Je pense qu’il s’est fait mal à un genou quand il est tombé sur ma projection au sol, ce qui lui causait un certain inconfort, et j’ai capitalisé là-dessus quand j’ai vu ça, mais ce n’est pas comme si j’affrontais quelqu’un de sérieusement blessé », de dire Gordon, qui avait un avantage de portée et de taille considérable.

« En même temps, pendant que je maintenais la prise d’étranglement arrière, il a essayé de me cogner la tête en se lançant vers l’arrière. Ça marche dans les deux sens », a-t-il ajouté en voulant peut-être justifier le léger coup de tête qu’il a donné à Sherbatov à l'issue du combat.

Qu’est-ce qui attend Sherbatov?

Celui qui était reconnu et louangé pour sa polyvalence et sa grande expérience chez les amateurs (taekwondo, boxe thaïlandaise, lutte olympique, kickboxing, etc.) a mis du temps à faire le saut chez TKO bien que l’organisation soit de retour depuis fin 2016. Dans les dernières années, sous la férule de son entraîneur de boxe Marc Ramsay, Sherbatov a fait un bref passage dans un ring en janvier 2016 par manque d’opportunités en AMM. Cet été-là, on l’a revu lors de la 24e édition de l’émission The Ultimate Fighter, de l’UFC, et bien qu’il était deuxième tête de série, il s’est incliné dès son premier combat contre Eric Shelton. Il a ensuite évolué chez ACB et pris part à des combats d’arts martiaux mixtes sur des cartes de la série de boxe du Groupe Yvon Michel.

Aujourd’hui âgé de 30 ans, difficile de prédire ce qui attend Sherbatov, dont le jeune frère Eliezer joue au hockey en Europe, alors que Yoni et son autre frère Boris ont donné leur nom à un gym bien connu à Laval et un autre basé dans le Mile-End depuis l’an dernier.

« C’est sûr que j’ai énormément de peine pour Yoni, disait Charles Jourdain, qui a eu l’occasion de se battre sur la même carte, jeudi. C’est peut-être dans ses derniers combats, on ne le sait pas. Quand c'est arrivé, j’ai eu un pincement. J’ai essayé d’envoyer le plus possible d’énergie et de bonnes vibes à Yoni. C’est vraiment triste, mais Yoni, c’est une personne incroyable. Peu importe ce qu’il entreprend dans sa vie, il va avoir du succès là-dedans. »

Voilà donc un autre Québécois qui n’a pu trouver la clé face à un membre de l’équipe de Shawn Tompkins et d’Adrenaline, fondé par Mark Hominick, Sam Stout et Chris Horodecki. C’est avec eux que Gordon a continué de peaufiner son art alors que son combat a été repoussé à deux reprises depuis janvier. Il a également fait signe à Joe Valtellini, ex-champion du monde de kickboxing chez Glory, du Bazooka Kickboxing & MMA à Toronto pour l’aider dans son jeu debout. En outre, il a parfait sa technique avec Jiu-Jitsu For LIFE Team ainsi que Josh Britto à Toronto BJJ. Britto lui a d’ailleurs remis sa ceinture noire en jiu-jitsu en décembre.

« Tout ce qu’on peut faire pendant un tel délai, c’est continuer à s’entraîner. J’ai un bon groupe d’entraîneurs autour de moi. Quand j’ai su que le combat était reporté, j’ai quand même fait attention de prendre ça mollo un peu pour ne pas me blesser. Se tenir tranquille, c’est probablement la partie la plus difficile après avoir mis autant d'efforts durant des mois. »

Le contrat de Gordon avec TKO se termine sur une note positive. Il va maintenant prendre un peu de temps pour se reposer et profiter de la victoire avant de discuter de potentielles offres.

« Évidemment, j’aimerais passer à un niveau supérieur comme l’UFC ou quelque chose comme ça. Si ce n’est pas possible, je veux simplement des combats de haut calibre. Je n’aurais pas non plus de problème à rester chez TKO parce qu’on m’a procuré de très bons adversaires qui ont été suffisamment challengeant », conclut Gordon.