MONTRÉAL – Pendant un très court instant au troisième round, Camille Estephan a pensé que le ciel lui tomberait sur la tête, exactement comme ç’avait été le cas samedi soir dernier à Québec.

 

Erik Bazinyan venait tout juste d’échanger coup pour coup avec Francy Ntetu et le vent semblait avoir tourné en faveur du négligé et l’ombre du revers de Simon Kean surgissait soudainement.

 

Mais son boxeur s’est rapidement ressaisi, puis s’est déchaîné avant de l’emporter par arrêt de l’arbitre à 1:30 du 6e round, samedi soir devant une salle comble de 600 spectateurs au Cabaret du Casino de Montréal, en finale d’un gala présenté par Eye of the Tiger Management (EOTTM).

 

« Je pourrais comparer cela à quelqu’un qui vient de se brûler et qui sent que ça devient chaud. Il se demande s’il va se brûler encore, a lancé Estephan après le triomphe de son protégé. Je me disais : “ah non, pas encore”, mais quand Erik a boxé avec sa tête, il était trop habile et bon. »

 

Cette victoire permet à Bazinyan (21-0, 16 K.-O.) de poursuivre son ascension, lui qui défendait pour la première fois sa ceinture des poids super-moyens de la NABO. De plus, il a ajouté celle de la NABA qui était vacante, ce qui lui permettra d’accéder au top-15 du classement de la WBA.

 

Bazinyan s’est porté à l’attaque dès le début du duel, mais l’expérimenté Ntetu (17-3) a réussi à le ralentir en accrochant à moult reprises et en utilisant tous les trucs du métier à sa disposition – comme le coude enfoncé dans la gorge que l’arbitre Benjy Esteves fils n’a pas vraiment aimé.

 

Le Montréalais d’origine arménienne a connu ses premiers vrais succès au deuxième round en parvenant à coincer son adversaire de Saguenay dans un coin avant de lui asséner une gauche. Ntetu a cependant répliqué dès la reprise suivante, ce qui a donné lieu à des échanges animés.

 

Bazinyan a toutefois remis les pendules à l’heure dès le quatrième assaut en plaçant deux très grosses droites au visage de Ntetu, qui s’est soudainement fait moins coriace. Ce dernier s’est ensuite retrouvé plus souvent qu’à son tour contre les câbles et a fini le cinquième round de peine et misère après avoir encaissé de nombreuses claques des deux mains de son jeune rival.

 

En parfait contrôle, Bazinyan a posé les premiers jalons de sa victoire dès le commencement de la sixième reprise en envoyant Ntetu dans les câbles grâce à une droite avant de l’expédier sur le canevas à la suite d’une série de coups. Ntetu est ensuite arrivé à se relever, sauf qu’Esteves n’a pas tardé à s’interposer lorsqu’il a réalisé que l’aspirant n’était plus en mesure de se protéger.

 

« Je suis vraiment content parce que nous avons fini le combat avec un succès, a dit Bazinyan, qui disputait un premier combat sous les ordres de Marc Ramsay. J’ai oublié de me battre intelligemment par moments, et Marc m’a dit que ça finirait vite si je prenais mon temps. »

 

« Il fallait qu’il s’assure que Francy boxe à son niveau et pas l’inverse, a continué Ramsay. Il fallait qu’il soit très technique avec son jab et sa main droite, et ç’a très bien fonctionné. C’est très satisfaisant de voir un jeune homme de 23 ans suivre un plan de match. C’est pas évident. »

 

Ntetu a subi une deuxième défaite de suite et une troisième en quatre sorties, ce qui pourrait évidemment l’amener à s’interroger très sérieusement sur la poursuite ou non de sa carrière.

 

Germain remporte une décision partagée

Germain évite habilement le danger


Mathieu Germain savait pertinemment que Carlos Jimenez appliquerait continuellement de la pression et chercherait à larguer sa main arrière chaque fois qu’il en aurait la moindre occasion.

Le Montréalais a vu parfaitement juste et a ainsi su éviter le danger pendant la quasi-totalité des dix rounds, mais il a néanmoins dû se contenter d’une victoire par décision partagée (99-91, 98-92 et 94-96) pour la première défense de sa ceinture nord-américaine des super-légers de l’IBF.

Germain (16-0) a connu un début de duel assez prudent, mais ensuite pris son envol à partir du quatrième round en parvenant notamment à placer un vif uppercut de gauche au menton de Jimenez (14-9-1), dont la fiche trahissait ses réelles qualités pugilistiques. Le Mexicain a dès lors commencé à montrer des signes de fatigue, se faisant nettement moins incisif dans ses frappes.

Mais contre toute attente, Jimenez a repris son souffle au huitième assaut et a réussi à atteindre Germain plus d’une fois, tandis que ce dernier offrait bien peu de choses en retour. La pause a cependant été salutaire à « G-Time », puisqu’il a immédiatement recommencé à esquiver et à se déplacer pour éviter la droite de son rival. Il a toutefois manqué de prudence en tournant le dos à Jimenez dans les derniers instants du dixième round, ce qui aurait pu lui coûter très, très cher.

« J’ai juste voulu baisser la pression [au huitième round] et j’ai malheureusement reçu beaucoup de coups à ce moment-là, mais il ne m’a pas fait mal, a expliqué Germain. Par contre, je suis très surpris de la décision des juges, car dans ma tête, j’avais perdu un round, peut-être même deux. Il faut croire qu’il y a des juges qui favorisent la pression à la place de la précision des coups. »

« J’ai été très impressionné par lui, a ajouté Estephan. À mon avis, c’est lui qui avait le combat le plus difficile de la soirée entre les mains et il l’a outrageusement dominé. Je ne comprends pas la décision d’un des juges... Mathieu a fait la performance de sa vie et il est encore capable de plus. À l’origine, je trouvais même ce combat un peu rapide, mais Mathieu voulait un vrai défi. »

Maduma déçu ne pas avoir arrêté Luque

 

Effectuant une deuxième sortie après une longue pause de 18 mois, Ghislain Maduma (20-3) a exactement repris là où il avait laissé la dernière fois en dominant complètement Diego Gonzalo Luque (21-7-1) avant d’être déclaré vainqueur par décision unanime (80-72, 80-72 et 80-72).

 

Le Montréalais d’origine congolaise a vite pris d’assaut le centre du ring et démontré toute sa supériorité grâce à la vitesse supérieure de ses mains, ce qui lui a donné l’occasion d’atteindre assez régulièrement son adversaire argentin avec des combinaisons et des coups en puissance.

 

Maduma a eu Luque dans les câbles au quatrième round après lui avoir asséné un dur coup au corps, mais a ensuite été incapable de lui passer le knock-out. Le rythme a baissé à compter du sixième assaut, sauf que cela n’a pas empêché le favori de la foule d’enlever tous les rounds restants. Luque s’était incliné par décision unanime devant Mikael Zewski en mai à Toronto.

 

« Je suis déçu parce que j’avais les coups pour l’arrêter. Mon but, c’était vraiment de l’arrêter, a dit Maduma à sa sortie du ring. Je discutais avec mes entraîneurs de la façon de l’arrêter entre les rounds, mais je n’ai pas été capable de sortir mes habiletés. Mais bon... je reviens après une longue absence et je commence tranquillement à retrouver mon niveau d’avant. Ça va bien. »

 

La filière russophone s’en donne à cœur joie

 

Ils étaient quatre boxeurs russophones d’EOTTM en action, et sans surprise, ils sont tous passés sur le corps de leurs opposants respectifs. Arslanbek Makmudov (4-0, X K.-O.), Artur Ziyatdinov (7-0, 6 K.-O.), Sadriddin Akhmedov (4-0, 4 K.-O.) et Ablaikhan Khussainov (9-0, 6 K.-O.) ont aussi profité de l’occasion pour ajouter des victoires avant la limite à leurs fiches et rester invaincus.

 

Makmudov n’entendait pas à rire après qu’Emilio Ezequiel Zarate (21-21-3) se soit collé à lui à la pesée et lui a chèrement fait payer dans le ring avant que son coin n’abandonne après 1:09 au 2e round. Le géant russe de plus de six pieds cinq pouces a envoyé l’Argentin au tapis dans la première minute du 2e assaut et comme il n’a jamais complètement repris ses esprits, son entraîneur a jugé qu’il fallait tout arrêter, tandis que son boxeur se faisait solidement frapper.

 

Ziyatdinov ne s’est pas éternisé en incitant le coin de Francisco Rivas (12-2) à jeter l’éponge après seulement 39 secondes au 3e round. Le Russe a envoyé le Mexicain au plancher à l’aide d’une puissante et lorsque ce dernier s’est relevé, il avait le nez complètement maculé de sang.

 

Akhmedov a renoué avec ses bonnes vieilles habitudes en ne prenant que 57 secondes pour se défaire de Jesus Javier Mendoza (7-6-1). L’arbitre Albert Padulo fils s’est rapidement interposé alors que le pauvre Mexicain encaissait un nombre incalculable de vicieuses frappes au visage.

 

Finalement, Khussainov a quand même eu droit à une farouche opposition de Jesus Laguna (22-13-3) avant de lui passer le knock-out à 2:54 du 2e round. Le Kazakh a anéanti celui qui avait arraché un verdict nul à Roody Pierre-Paul en mars plus tôt cette année avec un coup au corps.

 

Pratte, Clavel et un nouveau venu l’emportent

 

François Pratte (8-0) s’était vu offrir une entente de cinq combats avec EOTTM après sa dernière victoire à Shawinigan, et le Trifluvien a continué sur sa lancée puisqu’il a vaincu Oscar Mata (7-4-1) par décision unanime (59-55, 59-55 et 58-56). La vitesse des mains de Pratte lui a permis de connaître plusieurs bons moments, dont une combinaison gauche-droite au cinquième round.

 

« Ç’a mal commencé, mais j’ai fini par m’ajuster, a déclaré Pratte, qui est toujours à la recherche de sa première victoire avant la limite depuis le début de sa carrière. Tous les combats sont durs, mais il m’a assez surpris par sa technique. Je pensais vraiment qu’il me foncerait dessus. »

 

Ayant fait l’impasse sur le gala présenté en juin dernier au Casino en raison d’une blessure, Kim Clavel (4-0) a prouvé qu’elle n’avait rien perdu de sa superbe en prenant la mesure de Cinthia Martinez par décision unanime (40-36, 40-36 et 40-36). La Québécoise a ébranlé la Mexicaine à l’aide d’un violent crochet de gauche envoyé directement au menton de sa rivale au 2e round.

 

« J’ai pu exécuter tout ce que j’avais pratiqué en sparring, s’est félicitée Clavel. Mon adversaire se tenait les mains hautes et elle a été capable de me toucher à quelques reprises, ce qui signifie qu’il y a encore plusieurs choses à travailler en gymnase. Cela dit, je suis sur la bonne voie. »

 

En ouverture, le Russe Arutyun Avetisyan (11-0, 7 K.-O.) a fait très bonne impression en passant le knock-out à l’Uruguayen Mauricio Barragan (17-5) à 2:22 du 2e round. Après avoir obligé Barragan à poser un genou au sol à la suite d’une gauche au foie, Avetisyan a terminé le travail en envoyant son adversaire au pays des rêves grâce à une très puissante gauche sur la tempe.