MONTRÉAL – Il a été champion du monde dans les rangs amateurs avant de devenir champion unifié des poids mi-lourds, l’une des huit catégories « historiques » de la boxe professionnelle.

Il a remporté les 16 combats qu’il a disputés avant la limite et compte à son tableau de chasse les noms des ex-champions du monde Tavoris Cloud, Gabriel Campillo et Oleksandr Gvozdyk.

Et pourtant, Artur Beterbiev est loin, très loin même, d’obtenir toute la reconnaissance qu’il mériterait sur la scène internationale. Tant ESPN que The Ring ne daignent lui faire une place dans le top-10 de leurs classements des meilleurs boxeurs « livre pour livre » de la planète.

Parmi les 15 experts sondés par ESPN, seul l’animateur du balado The Corner Podcast lui fait une place dans son palmarès et le classant 10e. Jadis, l’analyste et entraîneur Teddy Atlas portait le Montréalais d’origine russe en très haute estime, mais ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui.

« [Atlas], c’était le seul qui l’avait affronté dans cette gang-là. Il sait ce qu’il est capable de faire (rires), a expliqué l’entraîneur de Beterbiev, Marc Ramsay, au sujet de l’ancien entraîneur de Gvozdyk, en entrevue à RDS.ca, mercredi, en marge de la dernière conférence de presse faisant la promotion du gala de Groupe Yvon Michel (GYM) qui aura lieu vendredi soir au Centre Bell.

« Plus sérieusement, c’est quelque chose qui n’est vraiment pas important pour Artur et moi. Nous ne voulons pas prétendre que nous sommes les meilleurs, nous voulons le démontrer chaque fois que nous montons dans le ring. Cela appartient ensuite aux autres de nous juger. »

« Ce genre de classement est souvent établi en combinant la qualité des boxeurs, mais aussi leur popularité, a rappelé le promoteur Yvon Michel. Artur a livré son dernier combat en Russie et le prochain est ici au Canada... c’est certain qu’il évolue à l’extérieur du grand circuit international.

« Artur a fait un super combat d’unification contre Gvozdyk, mais pour la plupart des gens, ça demeurait un combat entre un Russe et un Kazakh présenté dans un petit amphithéâtre aux États-Unis. Il risque de devoir battre Saul "Canelo" Alvarez pour obtenir cette reconnaissance. »

Reste que ces classements hautement subjectifs ont une grande importance, car ils peuvent influencer les revenus que les boxeurs peuvent aller chercher. Le cirque autour des YouTubeurs et des personnalités publiques qui sont récemment montés dans l’arène peut en témoigner.

« Ça peut effectivement avoir un impact au chapitre monétaire, mais il y a plusieurs autres moyens d’atteindre nos objectifs de ce côté-là, a relativisé Ramsay. Personnellement, j’ai toujours pensé que c’était avec de bonnes performances et non en jouant sur les apparences. »

« Artur a signé son contrat avec Top Rank au bon moment. Il y avait un engouement pour les mi-lourds à ce moment-là avec [Sergey] Kovalev et [Dmitry] Bivol, a ajouté Michel. ESPN et DAZN voulaient le contrôle de la division et il y a eu une surenchère pour s’arracher tous les boxeurs.

« Mais finalement, Kovalev est sorti de l’équation pour affronter "Canelo" et il ne faut pas oublier qu’Artur ne s’est pas beaucoup battu au cours des dernières années. Les gens n’ont pas eu la chance de la voir souvent à l’œuvre. Ce sont des éléments dont il faut aussi tenir compte. »

Même s’il parvient à enregistrer une victoire décisive sur l’ancien champion intérimaire de la WBA Marcus Browne vendredi soir, Michel ne croit pas que Beterbiev changera les perceptions.

« Browne est un Américain, mais il y aura toujours des gens pour dire qu’il s’est incliné contre Jean Pascal, a analysé le promoteur. L’engouement n’est juste pas présent autour des mi-lourds. Avec tout ce qui se passe chez les légers, les mi-moyens et les super-moyens, c’est normal! »

Comme cela avait été le cas lors de la première rencontre médiatique entre les deux boxeurs, peu de choses intéressantes se sont dites pendant la conférence de presse mercredi. Browne a probablement eu les mots les plus justes en adaptant à la boxe la formule popularisée par Propagandhi au milieu des années 1990 : « je suis tanné d’en parler, j’ai juste hâte de boxer ».