MONTRÉAL - Les sports de combat pourraient ne pas reprendre au Québec avant la découverte d'un vaccin contre la COVID-19, une «grave injustice» aux yeux du président d'Eye of the Tiger Management, Camille Estephan.

Le promoteur montréalais a indiqué mercredi que le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS) l'a avisé que la direction de la Santé publique envisage d'interdire les sports du combat professionnels jusqu'à l'obtention d'un vaccin ou d'un traitement. Cette décision aurait des conséquences «irréversibles pour la boxe québécoise», affirme Estephan.

«Honnêtement, je trouve qu'il y a anguille sous roche. C'est une décision sans précédent: ce serait le seul secteur d'activité où le déconfinement serait tributaire d'un vaccin, a-t-il expliqué en entrevue avec La Presse Canadienne. Il n'y a aucune explication qui a été fournie pour justifier cette décision. Nous n'avons même pas eu la possibilité d'être entendus par la Santé publique. C'est notre droit de participer à cette discussion : nous sommes les acteurs du domaine. Je pense que tous les autres sports ou secteurs d'emplois ont eu de la représentation.

«Je suis certain que cette situation ne peut que découler de préjugés défavorables à l'endroit de la boxe ou d'une mauvaise compréhension de notre secteur. Je n'en reviens pas qu'ils refusent de nous rencontrer pour discuter de ces mesures. J'ai l'impression que c'est dictatorial. On ne peut pas tasser du revers de la main 680 000 amateurs de boxe au Québec. C'est près de 10 pour cent de la population du Québec qui est fan de boxe.»

Le MSSS n'a pas répondu aux demandes d'entrevue de La Presse Canadienne.

EOTTM avait pourtant présenté un protocole sanitaire rigoureux à la Santé publique et à la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) le mois dernier dans le but de présenté un gala à huis clos au Québec le 25 juillet. Estephan s'attendait d'ailleurs à «recevoir de bonnes nouvelles» cette semaine au sujet de ce projet. Il a donc été amèrement déçu de la décision des autorités.

Estephan ne comprend pas que d'un côté, on permette des matchs de soccer, baseball, hockey ou football, qu'on rouvre les bars et les restaurants, mais qu'on ne permette pas la tenue de sports de combat dans des conditions très strictes, comme c'est le cas aux États-Unis notamment depuis quelques semaines.

«Pensons à nos boxeurs qui ont sacrifié des dizaines d'années d'entraînement. Ou encore les promoteurs qui ont investi dans les boxeurs professionnels. On va tout perdre : les ceintures, les classements mondiaux.»

«Pensons plus loin : si de jeunes combattants amateurs ne peuvent pas se battre pendant une année ou deux, c'en est fait de la relève. Il n'y aura plus de Georges St-Pierre, plus de Jean Pascal, plus de David Lemieux.»

Il souhaite maintenant la création d'un comité de travail composé de gens du milieu, ainsi que des responsables de la RACJ et de la Santé publique.

«Je veux convaincre les autorités gouvernementales que cette décision est une grave erreur et qu'on peut organiser de la boxe de façon sécuritaire. Ils manquent énormément de cohérence et je veux qu'ils comprennent cela.»

Depuis plus d'un mois, le promoteur américain Top Rank présente des galas à huis clos au Nevada et en Californie sous la supervision stricte des autorités sanitaires et des commissions athlétiques de ces États. Des boxeurs québécois, dont Kim Clavel, s'y produiront prochainement.

Jusqu'ici, aucun cas de contamination n'a été rapporté chez des boxeurs. Quelques combats ont toutefois été repoussés après que des membres de l'entourage de certains d'entre eux reçu un résultat positif.

EOTTM avait deux galas prévus en mars, qui ont été annulés à la toute dernière minute, alors que les boxeurs étaient tous à Montréal et s'étaient soumis à un test de détection de la COVID-19.

«Nous étions d'accord avec cette décision à l'époque, car nous nous disions qu'il s'agissait d'une situation mondiale. Maintenant, c'est de la discrimination et une grande injustice envers la boxe. J'ai même l'impression que c'est un peu de l'improvisation. Ils ont l'air dépassés par tout ce qui se passe.»

Estephan ne comprend pas pourquoi on ne peut pas s'inspirer de la démarche de Top Rank pour relancer la boxe au Québec. Il craint que des boxeurs ne choisissent de rompre leur lien d'affaire avec les promoteurs québécois afin de pouvoir gagner leur vie ailleurs.

«C'est certain que s'ils ne peuvent pas poursuivre leur carrière avec nous, ils vont trouver d'autres opportunités. Ça va de soi.»

Comme promoteur, il promet de prendre tous les moyens pour pouvoir faire boxer ses protégés, même si cela implique d'organiser des galas à l'extérieur de la province.

«On peut organiser cela n'importe où dans le monde, mais ça n'a pas d'allure qu'on ne puisse organiser cela chez nous. (...) On a déjà regardé comment organiser des galas ailleurs, même s'il faut le faire à Monte-Carlo. Si je n'ai pas le choix, je n'ai pas le choix. Ils ne pourront pas nous arrêter: nous aurons encore des champions du monde.»

En fin d'après-midi, mercredi, le Groupe Yvon Michel a publié un communiqué au sujet de la position du ministère. En voici quelques extraits:

«Nous ne désirons pas commenter à propos de la qualité du protocole présenté par EOTTM aux autorités de la santé publique, puisque nous ne le connaissons pas, n'ayant pas été sollicités pour ni son élaboration ni sa présentation.»

«(Nous assumons par contre) qu'il a certainement sa pertinence. (Cependant), nous sommes dans l'incompréhension totale face au traitement injuste que réserve l'organisme ministériel québécois à la présentation du protocole suggéré.»

«Nous avons le privilège, au Québec, d'être assistés par l'une des plus compétentes et professionnelles commission athlétique au monde soit la Régie des alcool des courses et des jeux - division sports de combats et son expérimenté directeur, M. Michel Hamelin.»

«Ils ont les connaissances et les ressources requises pour analyser les demandes, proposer les correctifs requis et les faire appliquer.»

«Nous souhaitons que le Dr Arruda et son équipe puissent reconsidérer sérieusement la position du ministère de la Santé et des Services sociaux, afin qu'ils acceptent d'évaluer à nouveau les demandes avec toute la rigueur qu'elles méritent.»