MONTRÉAL - Leonard Dorin. Adrian Diaconu. Herman Ngoudjo. Jean Pascal. Eleider Alvarez. Oscar Rivas. Custio Clayton. Simon Kean. Artur Beterbiev. Christian Mbili. Wilfred Seyi.

Tous ces boxeurs ont participé aux Jeux olympiques avant de s'associer à l'un ou l'autre des promoteurs ou entraîneurs québécois pour faire vibrer ce sport dans La Belle Province au cours des quelque 30 dernières années.

Les Jeux olympiques et autres grandes compétitions internationales de boxe ont servi de terreau fertile à Bernard Barré, Yvon Michel, Stéphan Larouche et autres Marc Ramsay qui y ont déniché des boxeurs pour leurs organisations au fil des ans. Le report des Jeux olympiques de Tokyo, qui seront maintenant disputés en juillet et août 2021, aura-t-il une incidence sur le visage de la boxe québécoise?

« L'objectif ultime du boxeur amateur, c'est de se qualifier pour les Jeux olympiques, a expliqué Barré, vice-président opérations et recrutement chez Groupe Yvon Michel (GYM). C'est tellement difficile. Il y a peu de boxeurs qui peuvent se qualifier. Ils savent que lorsqu'ils sont passés par là, ils ont une belle carte dans leur jeu. Les négociations ne se passent pas de la même façon quand vient le temps de se trouver un promoteur professionnel.

« C'est pour ça que je pense que pour les meilleurs boxeurs amateurs, tout va être sur la glace en raison de ce report d'une année. Ces boxeurs vont attendre un an de plus, surtout s'ils sont des espoirs de médaille. »

Selon Ramsay, il n'y a rien qui se compare à une médaille olympique de boxe.

« J'ai toujours maintenu qu'il était plus difficile de devenir médaillé olympique en boxe que champion du monde de boxe professionnelle, a précisé Ramsay, qui compte présentement Beterbiev, Alvarez, Rivas et Mbili au sein de son écurie. Il y a plus d'étapes à franchir; les sélections sont très difficiles. Quand tu as gagné ta place au sein d'une équipe olympique, ça vaut vraiment la peine de vivre ça. »

« Le plus bel exemple, c'est Oscar De La Hoya, a fait remarquer Barré. Il a été champion du monde longtemps, dans plusieurs divisions de poids. Chaque fois que l'annonceur le présentait, il disait: 'Médaillé d'or des Jeux olympiques de Barcelone'. Ça a toujours été spécifié, car c'est tellement majeur. »

Larouche, qui entraîne actuellement Pascal et Seyi après avoir dirigé Dorin, Diaconu et Bute, abonde dans le même sens.

« Si tu es un bel espoir de médailles, tu es mieux d'attendre un an. Tes négociations seront beaucoup plus faciles et souvent, les médaillés olympiques ont le choix parmi plusieurs promoteurs. Ce n'est pas toujours le cas quand tu commences ta carrière chez les pros. C'est intéressant pour un entraîneur également de travailler avec un gars qui a un bon contrat avec son promoteur. »

Pour d'autres, ceux qui ont déjà vécu l'expérience olympique ou qui n'ont pas espoir de monter sur le podium, cette attente d'un an pourrait les décourager.

«  Certains vont vouloir passer directement chez les professionnels, note Ramsay. J'en connais qui ne veulent pas attendre toutes les réorganisations des sélections olympiques. »

La base d'InterBox

Quand InterBox a vu le jour à la fin des années 1990, il comptait sur deux vedettes locales en Stéphane Ouellet et Éric Lucas, qui deviendra éventuellement champion du monde. Mais l'organisation visait un plus gros marché et avait besoin de têtes d'affiche internationales.

 « Le premier qui a été attiré par Yvon Michel est Leonard Dorin, l'autre était (le Canadien) Dale Brown, qui avait participé aux Jeux de 1992 », a rappelé Barré.

Dorin, dirigé par Larouche, est devenu champion du monde des légers en 2002.

« C'est devenu une carte de visite, a enchaîné Barré. Dorin a attiré (Adrian) Diaconu et (Herman) Ngoudjo. »

Diaconu, aussi protégé de Larouche, est devenu champion du monde des mi-lourds en 2008, avant de s'incliner deux fois devant Jean Pascal, alors dirigé par Ramsay.

Pascal était lui-même passé chez les professionnels après sa participation aux Jeux d'Athènes, en 2004, où on attendait aussi un certain Lucian Bute, qui n'avait toutefois pas obtenu sa qualification.

Ça s'est poursuivi aux Jeux de Pékin, où GYM a mis la main sur Eleider Alvarez - champion du monde de mi-lourds en 2018 _ et Oscar Rivas. Aux jeux de Londres, ce sont Clayton, Kean et l'excellent Beterbiev - qui détient deux ceintures chez les mi-lourds - qui sont venus garnir les rangs de la boxe québécoise, avant Mbili et Seyi après les Jeux de Rio de Janeiro.

Le report des Jeux de Tokyo pourrait donc retarder l'arrivée des prochaines vedettes montantes de la boxe québécoise.

Méthodes différentes

Une chose est certaine par contre: les méthodes ont changé et le recrutement doit être plus agressif.

Barré se rappelle une époque pas si lointaine où pour découvrir un talent international et le mettre sous contrat, alors que l'internet était inexistant ou en était à ses premiers balbutiements, il fallait suivre ces boxeurs partout: Championnats du monde amateur, Jeux panaméricains, Jeux du Commonwealth, Championnats d'Europe, etc.

Il fallait également être imaginatif.

« Je me rappelle avant une grande compétition comme les Olympiques par exemple, on avait pour cible de six à huit boxeurs, s'est rappelé Barré. Avant de partir, je préparais mon petit sac pour chacun: des souvenirs, comme des t-shirts d'InterBox, et ma carte d'affaire! Là, j'essayais de passer à travers la sécurité, car aux Jeux, ils sont dans un circuit tellement fermé que de les approcher, il faut presque être un espion! Mais je réussissais tout le temps. Parfois, c'était plus long, mais je finissais par trouver une faille. »

De nos jours, les combats de ces boxeurs sont disponibles sur YouTube, des sites comme Boxrec.com compilent la plupart des fiches chez les amateurs, ce qui aide grandement. Mais il y aussi beaucoup plus de promoteurs qu'avant, ce qui complique les choses. »

Une autre chose qui a changé, c'est que les promoteurs d'ici n'ont plus à toujours courir après les boxeurs internationaux.

« Le téléphone sonne, et parfois c'est surprenant, lance Barré. Nous n'avons plus à faire nos preuves. Avant, quand on disait que nous étions de Montréal, ce n'était pas très 'winner'. Mais InterBox, GYM et les autres qui ont suivi, ainsi que la qualité des entraîneurs d'ici, notamment Marc Ramsay et Stéphan Larouche, ont beaucoup aidé à nous donner de la crédibilité.

«(Ramsay et Larouche) ont développé des champions du monde. Plusieurs boxeurs en terminant leur carrière amateur pense que le meilleur endroit pour entreprendre leur carrière professionnelle, c'est ici. »