Champion des poids super-légers du WBC de janvier 2004 à juin 2005, Arturo Gatti a terminé sa carrière avec une fiche de 40-9, 31 K.-O. Ses premier et troisième combats contre Micky Ward ont été nommés combats de l’année par The Ring en 2002 et 2003. Il a également effectué le retour de l’année en 2002. Il a été choisi comme étant le 2e plus grand boxeur québécois du XXIe siècle à la suite d’une consultation auprès d’experts et d’amateurs à RDS.ca.

« Sa grande force, c’est son charisme. C’est un pur cogneur, un boxeur extrêmement flamboyant et spectaculaire. Pour lui, il n’y a pas de quartier, pas de prisonnier. C’est lui qui tombe, ou c’est l’autre. »

Yvon Michel aurait difficilement pu choisir de meilleurs mots pour chanter les louanges d’Arturo Gatti, alors que le promoteur tentait désespérément de convaincre le Montréalais d’être la tête d’affiche d’un événement présenté au Centre Molson pour la énième fois. L’histoire ne dit pas si les mots de Michel se sont rendus aux oreilles de Gatti, mais il avait fini par accepter de plonger.

C’est ainsi qu’un soir de septembre 2000, la « Gattimania » s’est emparée de la métropole. Pour un soir seulement, l’un des plus illustres personnages du sport a eu la possibilité de combattre devant les siens. Il ne s’agit certes pas du plus grand fait saillant de sa glorieuse carrière, mais était-ce réellement important aux yeux des 18 150 inconditionnels venus l’acclamer ce soir-là?

Cela dit, Gatti avait été égal à lui-même pendant tout le combat. Profondément coupé aux deux arcades sourcilières dès les premiers rounds, il avait continué à appliquer de la pression sur son adversaire Joe Hutchinson afin de lui passer le knock-out. Il n’y était pas parvenu, mais encore une fois, il était impossible de lui reprocher quoi que ce soit. L’enfant prodigue avait triomphé.

« Je n’ai jamais eu une foule comme ça derrière moi », avait-il avoué en conférence de presse à la suite de sa victoire par décision unanime des juges. Le héros avait également eu un saisissant moment (prémonitoire) de lucidité à ce moment-là. « J’ai probablement reçu beaucoup trop de coups ce soir. Je me retrouve toujours dans ces situations. Mais cette fois, c’est arrivé trop tôt. »

Gatti n’avait pas encore 20 ans lorsqu’il avait pris son baluchon pour aller vivre le fameux rêve américain. C’était au début des années 1990 alors que le Québec en avait encore énormément pour ses anciennes icônes des décennies précédentes. Qui plus est, il ne semblait pas y avoir de véritable potentiel commercial pour un pugiliste évoluant dans les petites catégories de poids.

Forcé à l’exil, le « p’tit gars » de Saint-Léonard était devenu champion du monde en 1995, mais plus important encore, l’un des visages les plus reconnus à l’échelle mondiale. Gatti maîtrisait inexorablement la science de la boxe, mais ce n’est pas ce qui lui a permis de connaître la gloire. Non, « Thunder » possédait le sens du spectacle comme bien peu l’ont exploité dans l’histoire.

Avec Gatti, ce n’était jamais lassant. Avant, pendant et après les combats. Même lorsqu’une affiche n’annonçait rien de particulièrement excitant, il savait l’élever au firmament. Souvent, il aurait pu l’emporter tellement facilement, mais sa nature faisait en sorte qu’il n’y avait jamais rien de simple. La maxime est connue : on ne fait pas de la boxe avec des servants de messe.

Les amateurs présents ce soir de septembre au Centre Molson ne le savaient évidemment pas, mais c’était la seule et unique fois qu’ils auraient la chance de voir leur favori en chair et en os. Le marché américain s’appropriera définitivement Gatti après sa visite en sol montréalais. Ils ne savaient également pas que leur idole ajouterait à sa légende en livrant trois furieux combats contre Micky Ward, dans ce qui est considéré comme l’une des plus grandes trilogies de la boxe.

Gatti redeviendra même champion du monde en 2004 avant que ne s’amorce un lent déclin. Il perdra la vie dans des circonstances troubles moins de 2 ans après avoir livré son dernier duel. Ses partisans en gardent un souvenir impérissable et affichent encore le même sourire radieux que leur idole lorsqu’ils repensent à ses combats et à sa détermination sans limites dans le ring.

Francis Paquin