Le constat dressé par Steven Butler dans les secondes qui ont suivi l’annonce officielle de sa défaite contre Jose de Jesus Macias était accablant. C’est le regard fuyant qu’il a lancé trois mots lourds de sens à son coéquipier d’Eye of the Tiger Management Mathieu Germain : « Je suis fini ».

 

Germain a eu beau tenté de le rassurer en lui répondant illico que ce n’était pas du tout le cas, mais rien à faire, Butler a transporté sa mine déconfite jusque dans la salle de conférence qui lui servait de vestiaire. Plus d’un an après avoir disputé son dernier combat, le retour a été brutal.

 

Comme la nuit porte évidemment conseil, Butler a nuancé ses propos le lendemain matin dans une vidéo publiée sur sa page Facebook dans laquelle il entend retourner à la planche à dessin, même s’il concède que la défaite lui fait toujours mal. « C’est difficile à avaler parce que nous visions plus haut, a dit Butler. J’essaie de me remonter le moral parce que ce n’est pas facile. »

 

Au-delà du résultat, la déception de Butler est facilement compréhensible. Après son revers face au champion « régulier » des poids moyens de la WBA Ryota Murata en décembre 2019, il avait mis fin à son association de son entraîneur de toujours Rénald Boisvert pour se tourner vers le vétéran Mike Moffa, connu pour enseigner particulièrement bien les fondamentaux de la boxe.

 

Même si la pandémie de coronavirus avait contraint Butler à l’inactivité depuis sa défaite contre Murata, cela lui a néanmoins donné la chance de travailler avec Moffa en gymnase pour corriger une lacune observée par nombre d’observateurs et d’amateurs à ses derniers duels : sa défense.

 

En ajoutant ainsi des « mouvements défensifs » à son arsenal, Butler allait assurément perde de sa superbe, mais en contrepartie, il se donnait les moyens de réussir là où il était pratiquement condamné à l’échec auparavant. Au fur et à mesure que la qualité des adversaires augmentait, il était de plus en plus clair que Butler ne pouvait plus uniquement se fier à la force de ses poings.

 

En temps « normal », Butler aurait effectué sa première sortie aux côtés de Moffa face à Francis Lafrenière, un boxeur capable de l’amener dans ses derniers retranchements, mais peut-être pas nécessairement capable de changer l’allure d’un combat avec un seul coup. Mais puisque ce combat devait représenter le chant du cygne du sympathique athlète de Coteau-du-Lac, il était absolument hors de question pour lui de le livrer à l’extérieur des frontières de la Belle Province.

 

Étant donné que les temps sont loin d’être normaux, Butler s’est donc retrouvé contre Macias, un pugiliste à la fiche pas nécessairement enviable, mais que les amateurs d’ici connaissent très bien pour avoir donné du fil à retorde à Mikael Zewski et pour avoir battu Lafrenière. Oui, le jeu des comparaisons est toujours plaisant à la boxe, sauf que tout le monde savait ce dont Macias était capable. Qui plus est, dans des conditions très, très loin d’être avantageuses pour Butler.

 

Après la victoire de Sadriddin Akhmedov en demi-finale, son entraîneur Samuel Décarie-Drolet avait en effet mentionné à quel point le combat contre Stephen Danyo avait été compliqué en raison de l’altitude, de la chaleur et de l’humidité. Malgré toutes les grandes qualités qui lui sont reconnues, Akhmedov avait résolument baissé de régime dans les derniers rounds de son duel.

 

Malgré tout, cela n’a pas empêché Butler de connaître un bon début de combat en travaillant derrière son jab et en gardant les mains hautes pour éviter les mauvaises surprises. Par contre, Macias lui a facilité la tâche en étant plus ou moins volontaire pendant les premiers assauts.

 

Sauf que le Mexicain âgé de 29 ans, qui ne s’était d’ailleurs jamais battu à un poids aussi élevé depuis le début de sa carrière, a montré qu’il était capable de faire jeu égal pendant la dernière minute du troisième round en atteignant d’abord Butler avec un crochet de gauche qui a été suivi par au moins deux autres coups en puissance. Un premier avertissement était ainsi lancé.

 

Dès lors, Butler est devenu hésitant, ce qui a permis à Macias de prendre le contrôle du centre du ring et d’appliquer une pression constante sur le Québécois. Hormis quelques flashs ici et là, il s’est retrouvé à boxer sur les talons et paraissait continuellement en réaction. Surtout, aucune des frappes qu’il a portées ne semblait le moindrement déranger ou faire réfléchir le Mexicain.

 

Et ce qui devait arriver arriva au début du cinquième round quand Macias a fait reculer Butler à l’aide d’une droite avant de l’envoyer au plancher avec une gauche qui a très aisément percé le semblant de défense de Butler. Un dénouement que son équipe n’avait jamais osé imaginer.

 

« Ça reste un coup que je n’ai jamais vu venir, a expliqué Butler. Un coup de puissance comme ça que tu ne vois pas venir, peu importe que ça soit qui, c’est rare que quelqu’un puisse fermer les yeux et recevoir un coup de toutes les forces de quelqu’un et [ensuite] rester debout. »

 

Il serait déraisonnable de prétendre que Butler « est fini » à la suite de cette deuxième défaite de suite et de cette troisième sortie difficile en quatre combats. Mais comme Moffa l’a reconnu, Macias est le genre de rival que son protégé devait battre. Nul doute que de tous les revers subis par Butler, ce dernier sera le plus difficile à surmonter. Il n’est pas possible d’excuser l’erreur de jeunesse (Brandon Cook) ou encore la primauté de l’adversaire (Murata). Cela dit, la route vers la rédemption sera assurément ardue, mais elle exigera surtout une importante dose d’humilité.