MONTRÉAL – Depuis son apparition dans le paysage sportif québécois au commencement des années 2000, le nouveau champion « régulier » des poids mi-lourds de la WBA Jean Pascal a souvent parlé de l’importance de la préparation mentale en amont des combats qu’il disputait.

Malgré des qualités athlétiques évidentes qui lui auraient permis d’exceller dans n’importe quel sport, Pascal a déjà évalué à « 75 pour cent » la part de l’aspect psychologique en boxe. La foule et les cris de cette dernière peuvent être pesants, avouait-il avant un duel en septembre 2013.

Au fil du temps et des combats qui passent, les boxeurs apprennent à gérer les impondérables et c’est possiblement pour cette raison que l’expérience est une variable si hautement estimée lorsque vient le moment d’analyser un affrontement de tous les angles possibles et imaginables.

Certains jeunes athlètes peuvent se laisser enivrer par l’effervescence de la boxe professionnelle et perdre leurs repères, même s’ils possèdent plus de talent sur papier. Mais qu’arrive-t-il quand un boxeur au sommet de son art est préoccupé par des éléments extérieurs qui n’ont aucun lien avec son entraînement? Des éléments contre lesquels il n’existe aucune forme de préparation...

C’est la dynamique qui meuble le quotidien de Saul « Canelo » Alvarez depuis plusieurs mois, lui qui se mesurera au détenteur du titre des mi-lourds de la WBO Sergey Kovalev ce soir au MGM Grand de Las Vegas. Alors que tout semble favoriser le Mexicain à première vue : Las Vegas, les juges, la jeunesse et la vulnérabilité de son adversaire, « Canelo » reconnaît qu’il est en colère.

Saul « Canelo » Alvarez et Oscar De La HoyaCelui qui tentera de devenir champion dans une quatrième catégorie de poids après les super-mi-moyens, les moyens et les super-moyens cultive une énorme rancœur envers son promoteur Oscar De La Hoya. Les deux hommes ne s’adressent plus vraiment la parole et se regardent à peine lors des événements où ils se côtoient. Tandis qu’ils devraient être unis, ils sont déchirés.

Trois éléments ont contribué à creuser le fossé entre Alvarez et De La Hoya : l’incapacité de conclure une entente qui lui aurait permis de garder sa ceinture des moyens de l’IBF, une bourse de 50 000 $ à son protégé Ryan Garcia pour un gala qui aurait rapporté 1 million et des propos désobligeants envers l’homme qui lui a tout appris : son entraîneur de toujours Eddy Reynoso.

« La seule chose que j’ai à dire, c’est que c’est très ingrat, a déclaré Alvarez au journaliste Mike Coppinger dans un long article publié plus tôt cette semaine sur The Athletic. Il doit se rappeler que le premier champion du monde de son organisation était [un boxeur entraîné par Reynoso].

« Je suis une personne très loyale et nous formons une équipe très loyale. [Après toutes ces années], nous sommes toujours ensemble. Mais vous pouvez voir qu’Oscar n’a pas de loyauté.

« Il a changé d’entraîneur pendant sa carrière. Il a changé de gérant pendant sa carrière. Il n’a pas de loyauté. C’est le genre de personne qu’il est. Tout le monde peut le voir maintenant. »

Mais ce qui aurait le plus dérangé « Canelo », c’est de ne pas combattre la fin de semaine du Jour de l’Indépendance mexicaine à la mi-septembre, date réservée à la plus grande vedette du monde de la boxe. De La Hoya et Golden Boy Promotions avaient tout le temps au monde pour lui dénicher un rival de renom, mais ils ont lamentablement échoué. Délibérément ou pas?

Plusieurs sources au sein de l’industrie ont confié à The Athletic qu’elles se demandent encore comment tout ce dossier a été géré. Pourquoi les négociations avec son aspirant obligatoire à l’IBF Sergiy Derevyanchenko ont-elles traîné en longueur alors qu’Alvarez ne voulait pas l’affronter? Pourquoi avoir dépassé la date limite permise pour demander une unification avec le champion de la WBO Demetrius Andrade, ce qui aurait permis à « Canelo » de garder sa ceinture de l’IBF? Et par-dessus tout, pourquoi ne pas avoir tenu le principal intéressé des différents pourparlers?

Il est cependant important de rappeler que « Canelo » n’avait qu’un seul adversaire dans sa mire depuis le début : Kovalev. Les noms de Caleb Plant, Callum Smith, Billy Joe Saunders, Jermall Charlo et Andrade ont tous été évoqués lors d’une rencontre organisée le 5 août dernier en Californie, sauf que le Mexicain n’a rien voulu entendre, préférant connaître le résultat du duel opposant Kovalev à Anthony Yarde le 24 août avant de prendre une décision. Ce choix rendait impossible la tenue d’un affrontement le Jour de l’Indépendance mexicaine le 14 septembre.

Ultimement, « Canelo » aurait voulu un plus de reconnaissance après avoir signé un lucratif contrat de 10 combats d’une valeur de 350 millions $, étant donné que Golden Boy Promotions a également reçu environ 90 millions $ pour organiser 50 événements pour DAZN en l’espace de 5 ans. « J’espère que [Golden Boy Promotions] comprend que tous ces commanditaires, dont DAZN, sont là en raison de moi. J’espère qu’il apprécie ça », a mentionné Alvarez à The Athletic.

Ironiquement, « Canelo » pourrait suivre les traces de son patron en créant sa propre entreprise de promotion. De La Hoya avait en effet tourné le dos à Top Rank et Bob Arum en 2002 afin de fonder une organisation qui serait à l’écoute des boxeurs et qui ferait d’eux sa seule priorité. Il s’agit vraisemblablement pour « Canelo » de la seule façon de plus être un homme en colère.