SHAWINIGAN, Qc – Dans les minutes qui ont suivi la victoire de Simon Kean sur Dillon Carman, le promoteur Camille Estephan a fièrement montré dans les coulisses du Centre Gervais Auto un rapport qui prédisait que le poids lourd vengerait sa défaite aux alentours du troisième round.

Regorgeant de statistiques de toutes sortes au fil de ses 29 pages, le document – le 3e du genre produit en amont du combat – analysait chacune des actions de Kean pendant sa préparation : séances de mitaines, de shadow boxing et de sparring. Absolument, mais absolument tout était scruté à la loupe : même chacune des secondes de son premier affrontement contre Carman.

« Ce sont des statistiques avancées qui nous permettent d’obtenir un regard différent, a d’abord expliqué Estephan après que Kean eut vaincu Carman par arrêt de l’arbitre à 2:56 du 3e round. Simon est un gars très intelligent qui a besoin d’être convaincu et cet outil est parvenu à le faire.

« Mais la boxe demeure un sport difficile où cela prend du caractère et du guts pour percer. La pression sur les épaules de Simon était énorme. Il devait remporter un combat revanche contre le gars qui l’avait battu et le faire en donnant un bon spectacle. Ce gars-là est un vrai de vrai... il n’a peur de rien et de personne. Il n’y a aucun doute qu’il souhaite se mesurer aux meilleurs. »

Estephan avait martelé sur toutes les tribunes dans les jours précédents la revanche que le duel de samedi représentait un moment charnière dans la carrière de son protégé, qui s’est indigné avec vigueur de la chose lorsque l’auteur de ces lignes a abordé de front cette question avec lui.

« Pourquoi [une défaite] aurait signifié la fin de ma carrière? Mais pourquoi?, a demandé Kean. Carman vient de subir une cinquième défaite, mais il boxe encore. Il veut même une revanche! Pourquoi m’a-t-on demandé si ce combat était do or die? Parce que je devrais arrêter de boxer après deux revers? Pourquoi tout le monde tenait à me mettre cette pression sur les épaules? »

Peu importe, personne ne pourra reprocher au boxeur et au promoteur leur enthousiasme à la suite de ce dénouement heureux, qui devrait permettre à Kean de surfer sur cette vague d’ici son retour dans l’arène. Estephan n’a d’ailleurs pas manqué de souligner avec plaisir que les dénigreurs du poids lourd seront désormais moins enclins à s’afficher au vu et au su de tous.

Sauf que les amateurs qui ont suivi le combat de la première à la dernière seconde pourront toujours rétorquer qu’au-delà des statistiques, Kean était loin d’être resplendissant après deux rounds et que le scénario du 6 octobre dernier était en tant de se reproduire sous leurs yeux.

D’ailleurs, Kean et son entraîneur Jimmy Boisvert ont reconnu que le boxeur s’est fait passer un savon après le deuxième assaut, car il ne respectait pas du tout le plan de match qui avait été concocté et qu’il laissait Carman prendre beaucoup trop ses aises alors qu’il fallait le bousculer.

« Il m’a botté le derrière, a avoué Kean. Il m’a dit que je ne faisais pas pentoute ce qu’il m’avait demandé : mettre de la pression. Il m’a également demandé d’arrêter de faire mon peureux!

« Il faut dire que j’étais un peu stiff pendant les deux premiers rounds. J’étais même plus fatigué dans les deux premiers rounds que dans le troisième. Ça m’a donc pris ce temps-là pour être dans mon élément. De toute façon, mes coachs me connaissent et savent que ça me prend ça. »

« Nous avons eu une bonne petite discussion, a ajouté Boisvert. Il avait oublié de suivre le plan de match qui était de mettre de la pression et d’obliger Carman à travailler le long des câbles. Je voulais que Simon soit vigilant parce qu’il se faisait souvent surprendre dans les corps-à-corps.

« Simon était tendu et avait les jambes raides et très larges. Je lui avais pourtant demandé de boxer les pieds en dessous des épaules, car c’est difficile d’avancer quand tu as les pieds super larges. Je le voulais plus relax. Au moins, il voulait se battre. Il voulait lui donner une volée! »

Boisvert a également confié qu’il avait dû avoir le même genre de discussion avec Kean au beau milieu du camp d’entraînement. Il le trouvait alors trop peu inspiré et malheureusement ancré dans ses vieilles habitudes qui l’avaient mené à se faire passer le knock-out au quatrième round.

« Nous nous sommes chicanés et nous avons ensuite remis les pendules à l’heure, a continué l’entraîneur. L’intensité n’était pas au rendez-vous et il s’assoyait – en quelque sorte – sur ses lauriers. Ç’a été l’élément déclencheur qui lui a finalement permis de connaître du succès. »

Blessé à un coude, Kean profitera de quelques jours de repos afin de se ressourcer et penser à planifier son retour dans le ring cet automne. Estephan a indiqué que la victoire contre Carman donnait accès à plein de possibilités, sauf qu’elle a surtout confirmé que la partie est loin d’être gagnée. Pour l’heure, il est important de rappeler qu’il y a des intangibles qui ne se mesurent pas et qu’il y aura fort à faire pour convaincre les gens qu’il peut réellement devenir champion.