MONTRÉAL – Plus qu’une première défense de titre, le prochain combat de Marie-Ève Dicaire peut être considéré comme un choc entre l’ancienne et la nouvelle garde de la boxe féminine.

Son affrontement contre l’ex-championne Mikaela Lauren qui sera tenu samedi soir au Cabaret du Casino de Montréal opposera deux athlètes préconisant des styles complètement différents. D’un côté, la Québécoise résolument technique, et de l’autre, la Suédoise surtout bagarreuse.

C’est du moins ce que suggère le clan de la championne des poids super-mi-moyens de l’IBF qui aura enfin la chance de défendre sa ceinture après que son duel prévu le 23 mars dernier contre Lina Tejada eut été annulé après que le médecin de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) eut réalisé que la Dominicaine ne voyait pas de l’œil gauche la veille de l’affrontement.

« Des filles comme Lauren ou [Chris] Namus, ce sont des filles qui cognent très dur, mais qui ne peuvent pas cogner si elles n’ont pas les pieds ancrés dans le ring, a expliqué Dicaire (14-0) en marge de la dernière conférence de presse faisant la promotion de son combat de samedi soir.

« On le voit avec [Vasiliy] Lomachenko et la filière ukrainienne, ce sont des gars capables d’être dans n’importe quelle direction et de frapper dans n’importe quelle direction. Ce sont des gars qui touchent sans se faire toucher. Lauren ne fait certainement pas partie de cette catégorie-là.

« Elle est plus grande que moi [5 pieds 7 pouces contre 5 pieds 10 pouces, NDLR], mais je ne suis pas certaine qu’elle possède une plus grande portée que la mienne. J’ai regardé plusieurs vidéos d’elle et elle ne semble pas capable de bien utiliser sa portée. Ça va être la clé pour la victoire. »

La boxeuse de Saint-Eustache est également convaincue que l’expérience acquise pendant son combat face à Namus lui permettra de mieux contenir le style axé sur l’attaque de sa rivale. Le 1er décembre dernier à Québec, Dicaire avait connu un début d’affrontement un peu hésitant avant d’ouvrir la machine et de gagner par décision unanime des juges (97-93, 97-93 et 96-94).

« J’ai appris à me faire confiance, a précisé Dicaire. Pendant le premier round, je n’osais pas utiliser mes déplacements et le combat est devenu beaucoup plus facile à partie du moment où je l’ai fait. Je devais faire confiance à mon entraînement et je veux reprendre là où j’ai laissé! »

« C’est une fille qui va tout donner dans le ring, comme l’a fait Namus, a ajouté son entraîneur Stéphane Harnois. C’est une fille qui va permettre à Marie-Ève de garder son top niveau, mais je suis convaincu qu’elle ne sera pas en mesure de rivaliser avec la grande vitesse de Marie-Ève. »

« De la pure merde »

Après avoir vanté les qualités athlétiques de Dicaire, Lauren (31-5, 13 K.-O.) a attaqué le bilan de la championne en soulignant qu’elle ne compte aucune victoire avant la limite et plus important encore, qu’elle a exagérément été protégée par son promoteur depuis le début de sa carrière.

« Elle n’a affronté qu’une championne du monde et c’était à son dernier combat quand elle s’est battue pour le titre, a rappelé Lauren. Mais sinon, toutes ses adversaires, c’est de la pure merde. Elle n’a jamais été mise en danger comme elle le sera samedi. Je serai un vrai test pour elle. »

« La dernière personne qui a parlé de ça – Lisa Garland – s’est retrouvée au plancher, a répliqué Dicaire. Honnêtement, je pense vraiment que ça ne veut rien dire. Hier, elle est restée pour voir mon entraînement et elle est très vite partie dès que j’ai commencé à frapper dans les pads! »

« Je n’ai pas peur de personne et de toute façon, j’en affronte des beaucoup plus forts qu’elle en sparring. J’ai mis les gants avec des gars de 180 et 185 livres et le truc, c’est de ne pas se faire toucher. Alors peu importe sa force et son gabarit, mon but c’est de ne pas me faire toucher. »

Au-delà du choc entre les styles, la Suédoise âgée de 43 ans est-elle dans les meilleures dispositions pour relever le défi que représente la Québécoise de près de 11 ans sa cadette?

Il faut savoir que Lauren avait annoncé sa retraite à la suite de sa dernière sortie en juin dernier dans le but de fonder une famille avec son conjoint. Le projet n’a cependant pas fonctionné et dans une entrevue accordée à un média suédois le 29 mars, elle a dit qu’elle n’avait eu que deux semaines pour se préparer et que sa bourse allait lui permettre de payer une importante partie des traitements en fécondation in vitro auxquels elle devra se soumettre pour réaliser son rêve.

« Je n’avais tout simplement pas de raison de ne pas accepter ce défi, a répondu Lauren. J’aimerais également remporter cette ceinture pour devenir championne du monde pour la septième fois. Les défis comme celui-là me font grandir et me rendent surtout heureuse.

« Et ce n’est pas comme si j’étais demeurée inactive tout ce temps. J’adore l’entraînement et j’ai mis les gants avec plusieurs boxeuses qui souhaitaient préparer des combats très importants. »

Finalement, Lauren n’a pas fait de coup d’éclat pendant le face-à-face qui s’est éternisé, mais rien ne dit qu’elle n’en fera pas un à la pesée. Elle a déjà notamment embrassé Cecilia Braekhus sur la bouche après une pesée et versé une bouteille d’eau sur la tête d’une autre adversaire.

« Les gens détestent les choses ennuyeuses, alors j’essaie de mettre un peu de piquant à ma façon, s’est défendue Lauren. Chose certaine, ça permet à la boxe féminine de faire parler d’elle et c’est pourquoi je suis populaire. Le sport est en progression et ça me rend très heureuse. »