Mes rencontres avec Francy N’Tetu sont malheureusement rares et courtes, mais toujours intéressantes.

C’est souvent le cas quand deux gars du Saguenay au sourire similaire se rencontrent. Arrivé en retard à son entraînement mardi en raison d’une contravention parce qu’il «voulait sauver 5 minutes», le boxeur de 35 ans n’a jamais montré sa frustration envers le policier, «un gentil monsieur très poli» pour reprendre ses termes. Ce que me disait l’entraîneur Sébastien Gauthier est donc vrai : à moins de deux semaines de son combat contre l’Américain Marcus Browne (20-0), Francy N’Tetu est dans un excellent état d’esprit.

Sébastien Gauthier se retrouvera dans le coin du boxeur québécois le 20 janvier à Brooklyn pour le duel contre Browne. Il secondera Pacome Tagbo, qui travaille depuis un peu plus de deux ans avec N’Tetu. Tagbo est débarqué au Québec il y a une dizaine d’années, après avoir appris la boxe aux côtés de John Dovi, qui a redynamisé la boxe chez nos cousins en France.

L’analyste et entraîneur Gauthier se trouvait donc au gymnase de Pacome à Montréal en compagnie de son boxeur Vincent Trépanier, qui a servi de partenaire pour les combats d’entraînement. Même si le boxeur de Lou DiBella obtiendra une bonne bourse (dans les cinq chiffres) pour se mesurer à Browne sur Showtime, il n’a pas été en mesure de trouver d’autres partenaires d’entraînement mi-lourd gaucher pour la période intense qui coïncidait avec le temps des Fêtes.

Quoi qu’il en soit, Trépanier a fait le travail comme j’ai pu le constater lors de leur premier round d’entraînement auquel j’ai pu assister. Trépanier a bousculé N’Tetu jusque dans les câbles lors de ces trois premières minutes. Au round suivant, N’Tetu a passé sa frustration de la contravention sur Trepanier, qui a terminé le deuxième round avec un oeil au beurre noir.

«Francy n’abordera pas ce combat comme s’il était le négligé», explique Sébastien Gauthier. «On va être sur Browne et on va lui montrer qu’on peut lui faire mal», ajoute l’entraîneur Tagbo.

«Il faut être prêt, de son côté surtout. Il faut être sur lui car on sait que Browne baisse d’intensité après le 3e, 4e ou 5e round.»

Pas de complexes

Les défis de Francy N’Tetu (17-1) seront nombreux. Il disputera un premier combat chez les mi-lourds, lui qui est un habitué de la division des super-moyens. Il avoue s’adapter difficilement à affronter un boxeur gaucher, un type de boxeur qu’il n’a rencontré qu’une seule fois en boxe professionnelle. Toutefois, le clan du négligé ne semble pas éprouver de complexes à l’approche du duel contre Marcus Browne, classé dans le top-10 des quatre grandes associations de boxe chez les mi-lourds, et 8e par The Ring.

«Oui sa fiche est impressionnante avec 15 K.-O. en 20 victoires. Mais je crois que c’est un des boxeurs les moins dangereux chez les mi-lourds», affirme N’Tetu qui a régulièrement servi de partenaire d’entraînement à Eleider Alvarez et Artur Beterbiev.

En boxe amateur, N’Tetu a aussi connu sa part de succès avec, notamment, une victoire contre Adonis Stevenson. Le boxeur de Chicoutimi, ancien élève de Michel Desgagné, n’est pas reconnu pour sa force de frappe comme en témoigne son ratio de K.-O. de 22%. Il a tout de même gagné son dernier combat avant la limite, en juin dernier, contre Brian Holstein (12-6-1). Quant à Marcus Browne, il a connu une très bonne année 2017 avec des victoires expéditives contre Thomas Williams et Sean Monaghan. Ces triomphes succédaient à une victoire difficile arrachée par décision partagée contre Radivoje Kalajdzic, en avril 2016. Gain où Browne s’est retrouvé au plancher au 6e round.

Pour le boxeur originaire du Congo, il s’agira de sa première visite au Barclays Center de Brooklyn, depuis qu’il y a subi une défaite controversée aux dépens de David Benavidez en juin 2016.  L’arbitre Shada Murdaugh a arrêté le combat au beau milieu de l’action au 7e round. Benavidez menait le combat aux points et N’Tetu, l’oeil droit endommagé, estime qu’il revenait de l’arrière et menaçait l’étoile montante. Plus que jamais, N’Tetu croit qu’il a été victime d’une fraude.

«Ça existe. L'argent mène le monde malheureusement et mène beaucoup le sport. J’ai vu que dans le monde de la boxe, il y a certaines choses qui peuvent se contrôler.»

La retraite  

À l’instar de Francy N’Tetu, Mick Gadbois est un autre type avec qui parler est un pur bonheur. Justement, la dernière fois que je l’avais rencontré, en octobre dernier, j’étais étourdi à l’entendre me raconter sa vie d’étudiant au baccalauréat en enseignement, au travers l’entrainement pour la boxe professionnelle, tout en tenant dans ses bras sa magnifique petite fille de trois mois. Épuisé par cet horaire surchargé, c’est la boxe qui a écopé. C’est ainsi que le brillant boxeur de 31 ans du Groupe Yvon Michel a pris la décision d’accrocher ses gants.

«Lors de mon dernier combat contre Abraham Gomez en octobre, je suis monté dans le ring à 70 pourcent de mes capacités et je ne veux pas revivre ça. Je m’entraînais le matin, j’allais à l’école le jour, et je m’entraînais de nouveau le soir. Entretemps, je m’occupais de ma fille. L’idée de la retraite est apparue avant le combat. Par la suite, j’ai pris le temps d’y réfléchir et j’ai avisé mon entraîneur de longue date Marc Seyer. Mais il n’était plus question que je remonte dans le ring sans être prêt à 100%. C’est tout ou rien! Pourquoi j’irais risquer ma santé pour quelques milliers de dollars?»

Bien que réfléchie, la décision n’est pas tout à fait acceptée par le principal intéressé, qui était encore au club de boxe de St-Hyacinthe lorsque j’ai joint celui qui a commencé la boxe sur le tard, à l’âge de 19 ans en 2005.

Reconnu pour sa rapidité, sa combativité et son sens du spectacle, l’athlétique poids léger gaucher a livré de belles batailles. Gadbois quitte avec une fiche de 16 victoires, 1 défaite et 3 combats nuls.

La victoire dont il est le plus fier est survenue au Centre Bell en 2013 : un combat contre Krzysztof Rogowski qu’il a accepté à deux semaines d’avis. Une courte période au cours de laquelle il a dû perdre 21 livres pour respecter la limite de poids.

«Je l’ai envoyé au tapis. Je saignais du visage en raison des coupures qu’il m’avait infligées à l’aide de deux coups de tête et d’un coup de coude. C’était tout un combat!»

Le Mascoutain se dit également très fier d’avoir pu obtenir un contrat avec Eye Of The Management de Camille Estephan. Par contre il garde un goût amer du seul combat qu’il aura livré à l’extérieur du Québec. Le 14 avril 2015, les juges ont décerné une nulle majoritaire.

«Je n’étais qu’à 10 rounds d’une ceinture WBC International d’argent et d’une place dans le top-10 des poids légers. Je suis dur avec moi-même et ce résultat me fait encore mal.»

Peu importe ces quelques regrets, Gadbois quitte en toute sérénité.

«Avec la naissance de ma fille, la boxe, c’est l’une des plus belles histoires de ma vie!»