ATLANTIC CITY, N.J. – Au lendemain de la défaite par décision majoritaire des juges que Jean Pascal avait subie contre Eleider Alvarez, le constat de son entraîneur Stéphan Larouche avait été infiniment dur, mais réaliste : l’ex-champion n’appartenait malheureusement plus à l’élite.

Battu pour la troisième fois en cinq combats, il était alors devenu clair comme de l’eau de roche que l’ancien détenteur de la ceinture des poids mi-lourds du WBC n’avait plus du tout ce qu’il fallait pour espérer rivaliser avec les ténors du moment : Alvarez, Stevenson, Ward et Kovalev.

« Il ne faut pas oublier qu’Alvarez est l’un des meilleurs mi-lourds au monde, avait mentionné Larouche à RDS.ca. Ce n’était vraiment pas une question de volonté. Le corps ne suivait plus.

« Jean et moi savions qu’Alvarez utiliserait son jab à profusion et qu’il fallait le timer pour le contrer. Mais Jean n’avait plus ce quart de fraction de seconde qu’il a déjà possédé pour y parvenir. Son temps de réaction était beaucoup trop long pour contre-attaquer efficacement. »

C’était en juin 2017. Moins d’un an et demi plus tard, les mêmes conclusions reviennent pour tenter d’expliquer les raisons du revers par décision unanime (119-109, 119-109 et 117-111) devant le champion de la WBA Dmitry Bivol hier soir au Hard Rock Hotel & Casino d’Atlantic City.

Dmitry Bivol l'a emporté par décision unanime des juges

« Jean vient de se battre contre l’un des plus beaux espoirs à 175 livres. Nous allons prendre le temps d’analyser et de regarder tout cela, a dit Larouche immédiatement après le duel. Ce n’est pas parce que tu perds un combat contre l’un des meilleurs au monde que tu es nécessaire fini.

« Jean a démontré ce qui le caractérise : du courage, de la résilience et un menton d’acier. Évidemment, nous avons peut-être senti que l’âge commençait à faire son effet. Nous aurions voulu qu’il mette de la pression un peu plus longtemps, mais il n’a cependant pas été capable. »

Malgré la domination totale de Bivol : 678-357 pour les coups lancés et 217-60 pour les coups qui ont atteint la cible, l’idée que le moment est peut-être venu pour Pascal d’accrocher ses gants a été complètement rejetée du revers de la main par le boxeur et ensuite son entraîneur.

Même la promotrice Kathy Duva, qui était aux premières loges pour assister aux deux raclées que Kovalev a infligées à Pascal en mars 2015 et janvier 2016 à Montréal, incitait le Québécois à continuer. « Il a quand même vaincu un espoir invaincu (Ahmed Elbiali) qui présentait une belle fiche de 16-0 », a-t-elle déclaré à RDS.ca. Vous ne pouvez jamais savoir ce qui peut survenir. »

Il s’agit probablement là d’un des côtés les plus pathétiques de la boxe professionnelle. Même si la dernière victoire de Pascal en championnat du monde remonte à celle sur Chad Dawson en... août 2010, il y aura toujours quelqu’un, quelque part, désireux de lui offrir une dernière chance.

Parce que Pascal est un ex-champion du monde, parce qu’il offre toujours un excellent spectacle et parce qu’il est en mesure de faire croire qu’il a une chance légitime de l’emporter même si ce n’est pas le cas. L’argument de l’expérience avait été utilisé à outrance avant le premier combat contre Kovalev, avant celui contre Alvarez et a encore été martelé au cours des derniers jours.

Le Québécois possède effectivement beaucoup d’expérience – elle pourrait certainement servir à autre escient –, mais à un moment donné, si vous avez le choix entre Jesperi Kotkaniemi et Tomas Plekanec dans votre équipe, qui sélectionnez-vous? Poser la question, c’est y répondre...

Pascal pratique un sport individuel et ne peut pas accepter un rôle moins important dans un groupe pour aider les jeunes à progresser. Il ne peut pas particulièrement se spécialiser dans les missions défensives ou encore devenir le mentor d’un quart-arrière et le remplacer au besoin. Pascal est ultimement laissé à lui-même dans un sport brutal dans lequel il reçoit des coups.

Son parcours ressemble malheureusement de plus en plus à celui de son ancien très grand rival Lucian Bute, qui a inutilement étiré la sauce dans le but de redevenir champion du monde. Bute était tellement prêt à tout pour arriver à ses fins qu’il a terni sa réputation dans une histoire de dopage avant de se faire cruellement knockouter par Alvarez dans une certaine indifférence.

Le moment est assurément venu de tourner la page, mais peut-être de lui arracher le livre dans le but de préserver certains des plus beaux chapitres de la boxe québécoise. Grâce à son talent et son acharnement, une légende vivante (Bernard Hopkins) est venue se battre deux fois plutôt qu’une au Québec. Pascal en a assez fait, il peut se retirer dans ses quartiers la tête très haute.