Consultez notre dossier : le plus grand boxeur québécois depuis le début du XXIe siècle

Les études sont souvent perçues comme une excellente solution de rechange pour les athlètes qui ne parviendraient pas à atteindre les plus hauts sommets de la discipline qu’ils pratiquent.

Quantité de joueurs de hockey sont notamment revenus « à la vie normale » après avoir vivoté quelques années dans les dédales des circuits professionnels mineurs. Avec un diplôme en main, il n’est pas compliqué d’amorcer une nouvelle carrière qui sera souvent couronnée de succès.

Plusieurs se souviendront d’ailleurs que Jean Pascal étudiait en techniques policières alors qu’il s’entraînait en vue des Jeux olympiques d’Athènes et quand il a ensuite effectué ses premiers pas en boxe professionnelle. Plusieurs ignorent cependant que le Lavallois n’a jamais considéré son éventuelle carrière dans les forces de l’ordre comme étant un modeste prix de consolation.

« Je voulais être le premier Noir directeur du SPVM, a rappelé Pascal en entrevue téléphonique avec RDS.ca plus tôt cette semaine. La boxe, ç’a toujours été mon plan B. L’école, mon plan A. »

Pascal avait fait cette étonnante révélation environ un mois avant le début du tournoi de boxe des Jeux d’Athènes en 2004. Victime d’un tirage au sort plutôt défavorable, il avait toutefois été éliminé dès le premier tour après s’être incliné face au représentant cubain Yordanis Despaigne.

Le Québécois d’origine haïtienne a ensuite jonglé avec l’idée de se lancer dans l’athlétisme et de représenter le Canada aux Jeux de Beijing en 2008. Sauf que l’appel de la boxe était trop fort...

« Je m’étais entraîné avec l’ancien entraîneur de Bruny Surin, Daniel St-Hilaire, et j’étais plus vite que les autres dans les 30 premiers mètres, a raconté Pascal. Ma mauvaise technique finissait par me rattraper, mais je savais que parviendrais à m’améliorer significativement avec le temps.

« D’un autre côté, j’ai fini par me demander si j’avais vraiment envie de me rembarquer dans un autre cycle olympique de quatre ans. C’est pourquoi j’ai décidé de me tourner entièrement vers ce que je connaissais de mieux : la boxe. Et c’est pourquoi je suis passé chez les professionnels. »

Une occasion à saisir

Le plan B de Pascal a pris de plus en plus de place dans sa vie au fur et à mesure que les succès s’enchaînaient. Un tout petit peu moins de quatre ans après ses débuts au Club Soda, il disputait son premier combat de championnat du monde contre Carl Froch. Six mois plus tard, il devenait champion des poids mi-lourds du WBC après avoir vaincu Adrian Diaconu par décision unanime.

Les défis de sont ensuite succédé à un rythme effréné : Chad Dawson, Bernard Hopkins, Lucian Bute, Sergey Kovalev, Eleider Alvarez... Après cette dernière difficile défaite face au Montréalais d’origine colombienne, plusieurs ont cru que Pascal était fini, sauf qu’il a rebondi en arrêtant l’espoir invaincu Ahmed Elbiali. Idem après la correction qu’il a encaissée contre Dmitry Bivol...

Mais encore là, le boxeur maintenant âgé de 37 ans réussit à faire taire tous ses détracteurs en détrônant le champion « régulier » des mi-lourds de la WBA Marcus Browne grâce à une victoire obtenue par décision technique. Encore aujourd’hui, il évalue cet exploit comme son plus grand.

« J’ai écrit l’histoire en devenant le premier boxeur à remporter un deuxième titre chez les mi-lourds après un aussi long laps de temps, a expliqué Pascal. J’ai toujours agi en voulant inspirer les gens. Je voulais les convaincre de croire en leurs moyens et de ne pas écouter ceux qui disent que certaines choses sont impossibles. C’est d’ailleurs ce que je répète tous les jours à ma fille.

« Mais cela ne veut pas dire qu’il faut s’entêter. Mon entraîneur Stéphan Larouche a réussi à me faire comprendre que je n’avais plus 21 ans et que je ne pouvais plus m’entraîner comme avant. Stéphan me donnait souvent Hopkins en exemple et il savait que je n’aimais pas ça! Nous avons réussi à changer de très petites choses et c’est pourquoi je suis redevenu champion du monde. »

C’est ainsi qu’après des années à essayer de se tailler une place dans le cœur des Québécois, il semble maintenant reconnu à sa juste valeur, une situation qui le comble au plus haut point.

« Je sais que j’ai souvent été critiqué, mais avec le recul, je comprends la réticence de certains parce que j’ai été le premier athlète à agir de la sorte au Québec, a analysé Pascal. L’inconnu, ça peut en rebuter certains. Les gens ont fini par comprendre que je ne visais que l’excellence. Je visais la médaille d’or et non la médaille de bronze. J’ai toujours travaillé pour remporter l’or. »

Les inconditionnels de Pascal ne seront donc pas surpris d’apprendre que le champion voit la crise de coronavirus qui frappe présentement la province comme une grande occasion à saisir.

« Je pense que le confinement va me permettre d’étirer ma carrière, a conclu Pascal. Je profite de temps que je n’aurai plus jamais de mon vivant et j’ai la chance de travailler sur mes lacunes. Je pense d’ailleurs que tout le monde devrait profiter de tout ce temps pour se perfectionner. »

Pascal ne ménage pas les efforts, car il croit qu’il sera l’un des premiers boxeurs à être appelés lorsque la vie normale reprendra. Il n’y a encore rien évidemment d’officiel, mais tout indique qu’une revanche contre Badou Jack pourrait être vite télédiffusée sur les ondes de Showtime.