RDS.ca vous propose une série de rencontres avec des athlètes qui ont vu leur destin chamboulé après une victoire ou une prestation inoubliable. Aujourd’hui, le boxeur Mikaël Zewski revient sur son gain contre le Cubain Carlos Banteur aux Championnats du monde de boxe amateur en 2009 qui lui a ensuite permis de passer chez les professionnels avec un promoteur américain.

Quand Mikaël Zewski s’est envolé vers Milan, en Italie, pour prendre part aux Championnats du monde de boxe amateur en septembre 2009, il avait des attentes particulièrement élevées.

Même si l’année avait plutôt mal commencé avec une défaite controversée devant les siens à Trois-Rivières aux Championnats canadiens en janvier, il s’était rapidement ressaisi en gagnant les sélections nationales à Edmonton en février en malmenant tous ses rivaux sur son passage.

Il avait également bien fait à la Batalla de Carabobo présentée au Venezuela en juin, mordant la poussière en finale contre Carlos Banteur. Le Cubain avait enlevé la médaille d’argent aux Jeux olympiques de Beijing un an plus tôt après avoir notamment battu Billy Joe Saunders en huitième de finale. Précédemment, il avait également été champion du monde junior en 2004.

Ce revers avait laissé un goût plutôt amer dans la bouche de Zewski, car il était convaincu qu’il avait ce qu’il fallait pour vaincre Banteur. Après avoir dominé le premier round, le Québécois s’était stupidement lancé dans une guerre. La prochaine fois, il faudrait être plus stratégique.

Lorsque le tableau de la compétition chez les moins de 69 kilos a été dévoilé, Zewski n’a pas pu s’empêcher d’esquisser un large sourire. Il aurait en effet l’occasion de venger sa défaite assez tôt dans le tournoi. Si les astres s’alignaient, il se mesurerait au Cubain dès le troisième tour.

Qui plus est, Zewski n’aurait pas trop à se préoccuper des juges. Pour les Mondiaux de 2009, le système de pointage serait le même que celui utilisé lors des précédentes Olympiades. Si trois des cinq juges appuient sur le bouton dans la même seconde, le boxeur est ainsi récompensé.

Cela n’avait pas été le cas pendant la finale de la Batalla de Carabobo, mais qu’importe, Zewski doit remporter un combat avant d’affronter Banteur. Il bat aisément le Marocain Medhi Khalsi, alors que le Cubain en fait de même avec un Américain toujours inconnu : Errol Spence fils. La confrontation tant attendue peut enfin commencer et le Québécois boxe comme il le voulait.

« Chaque point a été âprement disputé, a rappelé Zewski en entrevue avec RDS.ca. Je pense que j’ai marqué mes cinq points avec mon crochet de gauche qui était extrêmement efficace. Mais je me souviens surtout que j’entendais ma blonde et ma mère crier parce que j’étais en avance!

« Elles voyaient le pointage en direct et avaient ainsi la chance de réagir, ce qui frustrait encore plus [Banteur]. Pendant ce temps-là, j’étais capable de pratiquement faire dévier tous ses coups. Ç’a été un gros avantage que le pointage ne soit pas secret, car qui sait ce qui aurait pu arriver. »

Zewski l’emporte finalement 5-2 et devient ainsi le premier Canadien depuis Benoît Gaudet en 10 ans à battre un Cubain. La voie s’ouvre, mais l’euphorie de la victoire lui joue des tours et il s’incline à son combat suivant contre l’Ouzbek Boturjon Mahmudov. Ce dernier sera ensuite éliminé par l’éventuel médaillé d’or Jack Culcay, un Allemand que Zewski avait pourtant vaincu deux mois auparavant au cours d’une rencontre Canada-Allemagne organisée en Saskatchewan.

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Zewski n’a cependant pas trop le temps de ruminer sa défaite puisqu’il se retrouve devant un dilemme qui aura forcément d’importantes conséquences sur la suite de carrière. Poursuit-il sa route jusqu’aux Jeux de Londres en 2012 ou passe-t-il immédiatement chez les professionnels?

Pour compliquer l’affaire, il reçoit une offre particulièrement intéressante d’une équipe de la World Series of Boxing (une créature de l’Association internationale de boxe amateur), mais le jeu en vaut-il réellement la chandelle? Vaut-il la peine de s’investir corps et âme dans l’aventure olympique, alors que les résultats semblent décidés d’avance? Mais là n’est pas la question...

« Si j’acceptais l’offre de la World Series of Boxing, ça m’aurait obligé à faire des changements dans mon entourage et ce n’est pas ce que je souhaitais, explique Zewski. Cela dit, il y avait – et il y a encore – énormément de politique en boxe amateur et je commençais à en avoir assez. »

Le Trifluvien décide donc de passer chez les professionnels, mais avec qui? Aussi étonnant que cela puisse paraître, aucun des promoteurs québécois de l’époque ne s’intéresse à ses services. Malgré tout son potentiel sportif et commercial, personne n’est prêt à lui proposer un contrat.

« Il faut savoir qu’InterBox et Groupe Yvon Michel avaient une sorte de pacte de non-agression avec Boxe Canada, précise Zewski. Il était hors de question pour les deux promoteurs québécois d’en venir à une entente avec un boxeur local au milieu d’un cycle olympique. C’est la raison. »

Heureusement, Zewski possède une solide carte dans sa manche en raison de sa victoire contre Banteur aux Mondiaux. Top Rank et Golden Boy Promotions le courtisent, sauf que son gérant Cameron Dunkin le convainc d’aller là où l’argent est : chez la nouvelle venue TKO Promotions.

Arrivé dans l’industrie en 2008, le promoteur Chet Koerner met en effet sous contrat plusieurs jeunes espoirs en distribuant de généreux bonis. Au moment d’apposer sa signature au bas de son pacte, Zewski joint une écurie qui compte notamment Terence Crawford et Leo Santa Cruz.

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En février 2010, Zewski entame ainsi sa carrière chez les professionnels et remporte ses quatre premiers combats en l’espace de trois mois. Mais après le dernier, disputé en sous-carte du duel Éric Lucas-Librado Andrade en mai à Québec, il est contraint au repos forcé pendant six mois.

Le permis de Koerner est en effet suspendu par la Commission athlétique de la Californie après que le promoteur eut fait des chèques sans provision à des boxeurs. Golden Boy Promotions en profite pour mettre la main sur Zewski, mais l’association ne dure qu’un an. Le Trifluvien se joint ensuite à Top Rank. Le jeune homme semble alors avoir le vent dans les voiles jusqu’à ce soir de mai 2015 alors qu’il s’incline contre Konstantin Ponomarev à la suite d’une contre-performance.

« Ç’a été une grosse gaffe... une mauvaise prestation à un mauvais moment, regrette Zewski. Top Rank avait une haute opinion de moi à ce moment-là. Les dirigeants étaient à la recherche d’un adversaire pour Manny Pacquiao et j’étais à deux ou trois victoires d’avoir ma chance...

« Il faut se rappeler que nous surfions encore sur les grandes années de Lucian Bute et Jean Pascal au Québec. Top Rank s’imaginait que je pouvais remplir le Centre Bell ou encore le Centre Vidéotron dans les bonnes conditions. Mais bon, les choses ne se sont pas déroulées ainsi... »

Quelques mois plus tard, Zewski et Top Rank mettaient fin à leur association et le jeune père de famille maintenant âgé de 31 ans se bat sous les couleurs de Groupe Yvon Michel depuis. Après 35 combats chez les professionnels, il occupe encore une place très enviable dans le paysage, étant donné qu’il est classé dans le top-15 dans trois des quatre organisations de boxe internationale.

« Aujourd’hui, je mène vraiment la carrière que je souhaite, conclut Zewski. Lorsque je rêvais à une carrière de boxeur professionnel, je ne pensais pas à l’argent ou à la gloire. C’était d’abord et avant tout pour me dépasser. Je suis particulièrement fier de ma longévité dans le sport. »

C’est possiblement pour cette raison qu’il entretient encore l’espoir d’obtenir le combat de championnat du monde qui lui est vraisemblablement passé sous le nez il y a quelques années. Comme c’était le cas lorsqu’il évoluait dans les amateurs, Zewski est convaincu qu’il a ce qu’il faut pour faire mieux la prochaine fois. Il ne demande qu’une autre chance pour le prouver.