Après s’être hissée au sommet de son sport en devenant championne dans trois catégories de poids différentes plus rapidement que quiconque dans l’histoire, Classera Shields ambitionne plus que jamais de laisser une autre forme d’héritage dans le monde de la boxe professionnelle.

L’Américaine qui affrontera Marie-Ève Dicaire dans un mégacombat d’unification des poids super-mi-moyens le 5 mars prochain à Flint, au Michigan, souhaite qu’elle et ses semblables obtiennent plus de reconnaissance et que cela se traduise par les bourses qu’elles reçoivent.

Shields (10-0, 2 K.-O.) et Dicaire (17-0) seront ainsi les vedettes d’un événement présenté sur demande dans lequel il n’y aura que des combats de boxe féminine à l’affiche. En plus des deux finalistes, Danielle Perkins, Nadia Meknouzi et Raquel Miller devraient notamment se battre.

Même si l’Américaine concède qu’il s’agit d’un pari risqué, elle demeure convaincue que le gala du 5 mars permettra de prouver que la boxe féminine suscite l’intérêt d’une masse critique d’amateurs et qu’il est possible pour les différents intervenants impliqués d’en tirer un bénéfice.

« Mon équipe et moi avons décidé de franchir une nouvelle étape en vue de ce combat, a lancé Shields pendant une visioconférence organisée jeudi après-midi. Nous avons décidé de ne plus attendre après les réseaux de télévision et de créer notre propre événement sur demande. »

Depuis son premier combat de championnat du monde en août 2017, tous les duels de Shields ont été présentés en finale de galas télédiffusés sur Showtime aux États-Unis et cela devait être encore le cas lorsque la rencontre au sommet avec Dicaire a été annoncée une première fois en mars 2020. Mais la pandémie de coronavirus est venue changer complètement l’état des lieux.

Alors que le sport a repris tranquillement ses activités au début de l’été, l’affrontement Shields-Dicaire a été repoussé à une dizaine de reprises. En novembre, le Journal de Montréal rapportait que Shields s’était associée à Zuffa Boxing et que le combat serait présenté sur l’UFC Fight Pass. Au même moment, une source avait cependant indiqué à RDS.ca que les demandes financières de l’Américaine étaient tellement élevées qu’il doutait très fortement de la viabilité du projet.

Devant l’impasse, le promoteur de Shields – Salita Promotions – a décidé de prendre le taureau par les cornes en assumant une part importante du risque. Des 300 000 $ US que Shields aurait empochés à son dernier combat, elle toucherait une bourse avoisinant les 400 000 $ cette fois.

« Il faut savoir que selon le modèle actuellement en place, les filles ne sont pas assez payées, a martelé Shields. Je suis très excitée de connaître le nombre de personnes qui vont commander l’événement. Il s’agit d’une première, mais je suis d’avis qu’il y en aura un autre, puis un autre. »

« Yvon [Michel] a eu le courage de le faire depuis longtemps au Québec et ses partenaires ont rapidement adhéré à ça, mais il s’agit d’un premier pas fort intéressant aux États-Unis, a ajouté Dicaire. C’est une chance inouïe d’avoir l’occasion de participer à un événement comme celui-là.

« J’ai toujours eu comme objectif d’inspirer les gens et c’est une bonne opportunité de le faire. »

« Le monde de la boxe est tellement sexiste »

Ce n’est donc pas totalement un hasard si Shields a commencé à pratiquer les arts martiaux mixtes, puis signé un contrat avec la Professionnal Fighters League, une organisation qui compte en ses rangs de nombreux ex-combattants de l’UFC, dont le Québécois Olivier Aubin-Mercier.

Au-delà du défi sportif, il y a avant tout une volonté de se rapprocher là où se trouve l’argent.

« Kayla Harrison (la gagnante du tournoi des poids légers de la saison 2019 de la PFL, NDLR) a eu la chance de se battre pour un million de dollars avant que je n’aie pu le faire en boxe, alors que j’ai pratiquement tout accompli dans ce sport, déplorait Shields à TMZ Sports en décembre.

« Le monde de la boxe est tellement sexiste », continuait par la suite celle qui a toujours eu l’impression qu’on lui faisait la charité plutôt que lui donner ce qui lui revenait de plein droit.

Mais comme Shields l’a judicieusement rappelé jeudi : pour que les femmes aspirent un jour à être rémunérées équitablement, les amateurs devront inévitablement être au rendez-vous.