En temps normal, Leïla Beaudoin se préparerait vraisemblablement à disputer le énième combat d’une année particulièrement chargée au Cabaret du Casino de Montréal ou dans l’un des amphithéâtres d’une des régions du Québec visitées par Eye of the Tiger Management (EOTTM).

L’athlète établie dans la Capitale-Nationale l’aurait sûrement fait la tête et l’esprit reposés, car elle aurait profité de l’été – alors que les terrasses de la Grande Allée où elle travaille s’animent – pour s’offrir un bon coussin financier qui lui permet de se consacrer entièrement à son sport.

Mais comme la vie n’a rien de normal depuis la mi-mars, Beaudoin a malheureusement vu son existence chamboulée en voyant sa carrière professionnelle lancée en octobre 2019 dérailler après deux duels seulement. Elle était d’ailleurs à quelques jours de livrer son troisième combat lorsque la Santé publique a annulé les deux galas d’EOTTM prévus les 12 et 14 mars derniers.

Comme bien des Québécois, l’ex-championne canadienne de boxe amateur a ensuite vécu des semaines, puis des mois d’incertitude en raison d’une situation financière précaire. Le sommeil devenait ainsi soudainement un peu moins léger et la dure réalité de plus en plus implacable.

« Je suis de nature calme, pas stressée du tout et l’argent n’avait jamais été un problème. Oui, j’avais un certain rythme de vie, mais je pouvais amplement me le permettre, a dit Beaudoin lors d’une entrevue téléphonique avec RDS.ca. Sauf qu’à un moment donné, les paiements d’auto et d’appartement se sont mis à s’accumuler et je me suis mise à faire de gros cauchemars la nuit.

« Pour me détendre, j’aime aller au spa, mais je n’avais pas d’argent et c’était fermé. J’essayais d’être positive pour retrouver le sourire, mais à un moment donné, je suis humaine. Au moins, les choses vont mieux maintenant. Je suis une personne fondamentalement positive et j’ai tenté de profiter de tout le temps que j’avais devant moi pour m’entraîner et guérir des blessures. »

La détermination de la jeune femme originaire du Témiscouata a finalement été récompensée, puisqu’elle aura la chance de retrouver le ring pour la première fois depuis le 21 février, alors qu’elle se battra le 7 novembre prochain à Cuernavaca au Mexique. Deux autres représentants d’EOTTM – Thomas Chabot et la recrue Luis Santana – seront également de la partie ce soir-là.

« Je me suis déjà battue en Pologne et Tunisie [dans les rangs amateurs], alors je n’entrevois pas du tout de problèmes, mentionne Beaudoin. J’aurais pu participer au dernier gala [présenté le 10 octobre à Shawinigan, NDLR], mais j’aurais dû me soumettre à une quarantaine qui m’aurait empêchée de travailler pendant 28 jours. Ça n’avait absolument aucun sens pour moi. Il faut dire que les restaurants [de la région de Québec] n’étaient pas encore fermés à ce moment-là. »

Il pourrait être facile de s’imaginer que l’absence de combats pourrait ralentir le développement de n’importe quel boxeur en début de carrière, mais la pause obligée a permis à nombre d’entre eux de travailler sur des aspects trop souvent négligés quand les duels s’enchaînent à un rythme effréné. Beaudoin prétend même qu’elle est bien meilleure qu’avant le début du confinement.

« C’est le travail du promoteur de nous faire gravir tous les échelons, mais avec des combats à un mois d’intervalle, nous travaillons sur le volume et l’endurance, et moins sur les détails plus techniques, précise-t-elle. Au cours des derniers mois, je n’ai pas eu à détruire le sac au gym! J’ai finalement eu la chance d’améliorer beaucoup de choses en faisant principalement des "pads". »

Un fidèle complice du voyage

La pandémie n’a pas bouleversé uniquement le quotidien des boxeurs, mais également celui des organisations. Un seul événement – de trois combats – a été organisé en sol québécois depuis la mi-mars, si bien que les promoteurs n’ont pas le choix de se tourner vers l’étranger pour donner la chance à leurs athlètes de boxer. Mais cette situation vient évidemment avec des contraintes.

Les moyens financiers n’étant pas illimités, Beaudoin a rapidement su qu’elle ne pourrait être accompagnée que d’un entraîneur au Mexique. Son premier réflexe a été de se tourner vers Carl Poirier, mais la présence du vétéran et réputé François Duguay était absolument nécessaire, puisqu’il est le seul membre de son équipe à maîtriser la délicate science du bandage des mains.

La boxeuse de Québec est donc partie à la recherche de commanditaires afin de s’assurer que son grand complice des dernières années soit du voyage au Mexique. Sa présence dans le coin le soir du combat était tout simplement trop importante pour imaginer un seul instant s’en priver.

« Lorsque j’ai rencontré Carl pour la première fois quand je suis arrivée de Rivière-du-Loup, ç’a immédiatement cliqué, raconte Beaudoin. C’est un ami sur lequel j’ai toujours pu compter – dans les bons comme dans les moins bons moments – et il n’a jamais rien demandé en retour.

« De plus, il m’a énormément aidé pendant ma préparation [en vue de mon combat contre Ilse Viridiana Rojas], parce que François a été en quarantaine en raison de la soirée à Shawinigan. »

Les temps étant tout sauf normaux, personne ne pourra reprocher à Beaudoin d’avoir fait des pieds et des mains afin d’avoir un fidèle complice à ses côtés. Dans l’adversité, ça n’a pas de prix.