La victoire éclatante d’Eleider Alvarez en août dernier sur le champion Sergey Kovalev a permis à bien des gens d’apprécier à sa juste valeur le talent de l’entraîneur Marc Ramsay. Celui qui est la tête d’une formidable écurie de boxeurs n’a pas été épargné par les critiques lors des dernières années, même s’il est parvenu à amener 5 boxeurs en championnat du monde et d’en couronner 4. Mais l’homme âgé de 46 ans ne s’est pas laissé distraire par les critiques et a préféré se concentrer sur les combats de ses nombreux boxeurs. Lui-même, des combats, il en a livré, et ses apprentissages de la vie lui ont appris à relativiser bien des choses. « Il ne faut pas juger les gens, parce qu'on ne connaît pas leur passé. On ne connaît pas les difficultés par où ils sont passés. »

Ce conseil qui est devenu l’une de ses règles d’or, Ramsay l’a appris du Père Emmett Johns, mieux connu sous le sobriquet de « Pops », le grand homme qui a aidé des centaines de jeunes sans-abris de Montréal avec son organisme « Dans La Rue ».

Avant de devenir l’entraîneur chevronné qu’il est maintenant, Ramsay a côtoyé Pops dans les années 1990 grâce à un emploi au centre de jour de l’organisme « Dans La Rue ». « J’ai perdu mes parents à un jeune âge. J’ai perdu mon père à 4 ans et ma mère à 16 ans. Je me suis mis à courir dans les rues de Montréal et à me chercher un petit peu. "Dans la Rue" a été la première bouée, la première place où je me suis réorganisé et où je me suis accroché. Ce travail à l’organisation m’a permis de finir mes études. Ç’a été la première étape pour me relancer. »

Boxe, drogue et rock ‘n roll

Mon travail de journaliste m’a appris à mieux connaître Marc Ramsay au cours des 10 dernières années. Une relation de respect et de confiance s’est installée entre nous, ce qui m’a permis de réaliser ce reportage où Marc raconte les grandes lignes de sa vie avant la boxe.

Après le décès de sa mère, le jeune homme de 16 ans s’est distancé de ses 4 sœurs aînées. Il a alors tissé des liens avec des membres d’un groupe de heavy metal de la région de Trois-Rivières, un groupe dont il est devenu le gérant. « Le fait que j'avais perdu mes parents, je commençais à délaisser l'école. Je couchais au local de musique, et là c'était les tournées et les partys et tout ce qu'un groupe de musique peut apporter. Quand j’ai commencé, j’étais comme le gérant du groupe. Je prenais part à un programme qui s’appelait "Jeunes volontaires", et qui permettait d’avoir des subventions pour enregistrer et acheter du matériel pour le groupe. Et, graduellement, je me suis mis à chanter quelques chansons. »  

Ce groupe est devenu en quelque sorte sa nouvelle famille. Par la suite, avec des amis, le jeune originaire de l’Abitibi s’est dirigé vers Vancouver pour une période de 2 ans et demi, un épisode sombre de sa vie, marqué par la délinquance et la consommation. Ramsay a survécu à cette période du mieux qu’il l’a pu avant de revenir au Québec.

Quant à la boxe, elle est apparue au hasard d’un entraînement alors que Ramsay pratiquait le hockey au niveau bantam et qu’il cherchait à diversifier sa préparation. « La boxe m'a accroché, c'était magique pour moi dès le 1er entraînement. » Comme boxeur amateur, Ramsay a disputé 15 combats. « J’ai eu une fiche de ,500. J’étais un boxeur un peu tough, mais au niveau des habiletés, c’était très moyen. Plus tard à Montréal, je me suis retrouvé à donner un coup de main à l’entraîneur Abe Pervin et j’ai commencé à délaisser le côté compétitif pour m’engager comme entraîneur à temps plein. Je me suis rendu compte que je n'avais pas les outils pour devenir boxeur professionnel et gagner ma vie avec la boxe. Mais ç’a été clair très rapidement dans ma vie que c'est ça que je voulais faire et que je voulais être dans ce milieu-là. Et j'ai trouvé que ma place de choix était celle d'entraîneur. »

Un homme de famille

Après le titre mondial d’Alvarez, Ramsay a célébré quelques minutes et lors de la conférence de presse d’après-combat, l’homme de défi avait retrouvé tout son sérieux pour aviser son champion que le vrai travail allait maintenant commencer. Ramsay n’a pas passé la nuit à célébrer, au contraire. Le lendemain matin, il quittait Atlantic City avec sa conjointe et sa petite fille pour aller passer la journée dans un parc d’attractions.

Ramsay est conscient du temps qu’il passe avec ses boxeurs et des conséquences sur sa petite famille, avec qui il tente de trouver un équilibre : pas facile pour le chef de ces deux clans, familiaux et pugilistiques! Et le scénario se répétera samedi après le combat de David Lemieux à Las Vegas, puis le mois prochain après la défense du titre d’Artur Beterbiev à Chicago.