Plusieurs fois au cours de la dernière année, Éric a failli prendre sa retraite. C'est d'ailleurs parce qu'il savait que ses meilleures années étaient derrière lui, qu'il a accepté de monter sur le ring contre Mikkel Kessler, un boxeur plus jeune et très fort. Éric s'était promis d'essayer une dernière fois. Il devenait donc impératif d'avoir une nouvelle chance de se battre pour un titre mondial.

J'avais dit à l'équipe qui nous accompagnait au Danemark de vivre intensément le moment et d'en savourer toutes les secondes car dans l'éventualité d'un revers contre Kessler, Éric avait laissé planer des doutes sur la poursuite de sa carrière.

Éric Lucas est un individu rare, une personne unique. Il est caractérisé par des valeurs de persévérance, de discipline en tant qu'athlète et de respect. Il est plutôt rare de retrouver ces grandes qualités chez un athlète. Il n'y a pas beaucoup de personne comme lui sur la terre.

Cette belle relation avec un homme authentique va me manquer. Je vais assurément m'ennuyer de sa simplicité, son intégrité, sa loyauté et son authenticité. On est des bons amis et on peut compter l'un sur l'autre.

Sa détermination l'a menée loin et il laisse un héritage exceptionnel parce qu'il est certainement le gars qui aura fait la plus belle carrière avec aussi peu de talents. Dans le fond, il laisse un message aux Québécois: "Si tu ne triches pas dans la vie, que tu crois en tes rêves jusqu'au bout, tout peut arriver."

Se lancer en affaires a incité Éric à prolonger sa carrière car à un certain moment il ne voulait plus boxer. C'est Jean Bédard, le président de la Cage aux sports, qui lui a fait miroiter, avec raison, les possibilités de succès avec sa compagnie. L'achat d'Interbox a été l'élément déclencheur au printemps 2004.


Vs Kessler

Éric a choisi de tenter sa chance contre Mikkel Kessler. Je lui ai dit que ce serait difficile. Il m'a demandé de lui faire confiance en me précisant qu'il allait s'entraîner comme jamais. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait.

Il y avait un adversaire qui était prêt à lui offrir cette chance de redevenir champion du monde. Éric avait donc le choix de l'essayer ou de prendre sa retraite. Il a choisi de tenter sa chance.

Il aurait aimé affronter Markus Beyer une deuxième fois. Il l'aurait même affronté gratuitement tellement il souhaitait croiser le fer à nouveau contre lui.

Après sa défaite contre Kessler, Éric a donné le crédit à son adversaire car il savait qu'il s'était fait battre dans les règles de l'art. Ce qui fait qu'environ 30 minutes après le combat, il était bien sûr fâché de sa contre-performance, mais il savait qu'il avait été battu par une performance sportive.

C'était tout à fait le contraire toutefois après le combat contre Beyer. Vous savez, quand vous êtes une personne honnête et que vous perdez de façon malhonnête, vous devenez tout à l'envers. Pour lui et pour nous, c'était la fin du monde.


Une erreur

Il y a eu des événements importants dans la carrière de Lucas, dont les combats contre Green, contre Beyer en Allemagne et son dernier contre Kessler. À mon avis, Éric n'aurait jamais dû monter sur le ring contre Danny Green en décembre 2003 au Centre Bell parce qu'il était blessé aux cotes.

Dans le cas de Beyer, nous n'avions pas le choix d'aller nous battre en Allemagne parce que nous avions perdu l'enchère pour la présentation du combat.

Dans le cas de Kessler, c'était un combat ou la retraite comme je l'ai mentionné plus haut.


Éric Lucas et Stéphane Ouellet

Sans Stéphane Ouellet, on n'aurait probablement jamais connu Éric, le boxeur. À l'époque, Lucas s'était simplement greffé à l'univers de Ouellet comme partenaire d'entraînement. À ce moment là, tout tournait autour de la carrière de Stéphane. Il y a même eu la création de Boxart, fondée avec 43 actionnaires, pour encadrer Ouellet dans sa carrière et pour en faire un champion.

Les deux hommes sont devenus amis en 1987 à Ottawa alors qu'ils faisaient de la boxe amateur. Stéphane a joué un rôle important dans la carrière de son ami et avec le temps, c'est Éric qui a connu une glorieuse carrière.


L'avenir d'Interbox

Nouveau retraité, Éric sera assurément plus impliqué dans la promotion des activités d'Interbox et dans la gestion de ses restaurants. Il va devenir un rouage plus actif dans l'entreprise.

Je ne crois pas toutefois que ses aspirations l'amèneront à devenir entraîneur de boxe mais je suis convaincu que lorsqu'il donnera des conseils à un boxeur, il trouvera une oreille attentive.

Je ne sais pas encore qui va occuper une place de choix dans le coeur des amateurs de boxe de la province mais je pense qu'Éric passe le flambeau à Lucian Bute. Nous sommes d'ailleurs impressionnés de voir que Bute arrive déjà à remplir la moitié du Centre Bell.

Il y a plusieurs boxeurs qui ont un talent supérieur à Éric au Québec, l'avenir dira lequel parviendra à gagner le coeur des amateurs.


Ma fièrté

Je suis particulièrement fier de cette relation que nous avons développé. Je suis aussi très fier de cette journée où il est devenu champion du monde, lui qui ne devait pas gagner aux yeux de plusieurs observateurs. Il a démontré qu'avec force, travail et détermination, tout était possible. C'est ainsi qu'il a vaincu Glenn Catley pour enlever un premier titre mondial.

Éric met fin à sa carrière de boxeur avec classe. Il peut sortir la tête haute ayant été honnête envers tout le monde. Éric est un gars droit qui n'a rien à se reprocher

Merci Éric.

*propos recueillis par RDS.ca