MONTRÉAL – Francy Ntetu avait l’ascendant sur Erik Bazinyan jusqu’à ce qu’il connaisse son moment « Philippe Couillard » ou « Jean-François Lisée » au beau milieu de son allocution en évoquant le nom de Simon Kean pour expliquer qu’il est possible de se remettre d’une défaite.

Il n’en fallait évidemment pas plus pour soulever l’ire de Camille Estephan, promoteur du choc entre Bazinyan (20-0, 15 K.-O.) et Ntetu (17-2, 4 K.-O.) qui sera présenté en finale d’un gala d’Eye of the Tiger Management (EOTTM) tenu samedi soir au Cabaret du Casino de Montréal.

Il y a à peine cinq jours au Centre Vidéotron, Kean a subi la première défaite depuis le début de sa carrière en se faisant passer un violent knock-out par l’ex-champion canadien Dillon Carman.

« Ce n’est pas quelque chose qui se fait, cela n’avait pas sa place. C’était malhabile de sa part, a déploré Estephan. Nous n’avons pas parlé de [Francy] quand il est tombé. La différence entre lui et Simon, c’est que Simon va apprendre de cela. [Francy], sa carrière va être terminée samedi. »

« Mon but, ce n’était pas d’énerver personne, c’était de dire les vraies choses, s’est ensuite défendu Ntetu, qui se remet d’une défaite contre Marcus Browne au premier round en janvier dernier. Simon est tombé et il va se relever comme je suis tombé et me suis relevé. Camille l’a dit lui-même [dans une entrevue télévisée]. Alors pourquoi donc ne serais-je pas revenu?

« La route continue... on trébuche, on se relève et on va de l’avant. Simon a trébuché, il va se relever et aller de l’avant. J’ai trébuché et me suis relevé, il n’y a pas de manque de respect pour personne. Simon est tombé K.-O., c’est dommage, c’est triste. Mais je ne suis pas tombé comme ça [contre Browne]. Si [Simon] est tombé et qu’il peut se relever, moi aussi je peux le faire. »

Ce quiproquo a malheureusement porté ombrage au fait que le boxeur de Saguenay semblait dangereusement en forme, lui qui n’a pas eu à concilier son emploi dans un concessionnaire automobile et l’entraînement en gymnase pour la première fois depuis le début de sa carrière.

Il a ainsi pu mettre le cap sur Las Vegas pendant quelques semaines et mettre les gants avec plusieurs autres boxeurs de calibre international qui préparaient également des combats. Et précisément comme l’ont fait Brandon Cook – contre Steven Butler – et Steve Claggett – face à Yves Ulysse fils – avant lui, Ntetu entend infliger à un boxeur d’EOTTM une première défaite.

« Je ne veux manquer de respect à personne, mais j’ai vu beaucoup de choses en côtoyant des boxeurs comme [Chris] Eubank fils, Lionel Thompson et David Benavidez, a expliqué Ntetu. En voyant tout l’arsenal que David m’a présenté, je vais rester moins surpris sur le terrain contre un gars en pleine ascension (Bazinyan) que contre un autre qui s’est déjà mesuré à l’élite mondiale.

« Il faut profiter des opportunités qui se présentent... Mon employeur a été très conciliant, David se préparait pour un combat, son frère [Jose Benadivez fils] a un combat la même journée que moi. Comme il y a deux ceintures en jeu – NABO et NABA –, j’ai décidé de plonger. »

Le détenteur d’un baccalauréat en enseignement de l’éducation physique a aussi insisté sur l’expérience acquise en tant que partenaire de David Lemieux et Artur Beterbiev au fil des ans.

« Un coup de poing, c’est un coup de poing. Un coup de poing, ça n’a pas d’expérience. Erik est un très bon boxeur et est très technique, a d’abord dit Ntetu. Mais comme Floyd [Mayweather fils] le mentionne, quand tu affrontes un vrai boxeur, l’autre va couper les qualités qu’il possède.

« Erik a un bon jab, mais il s’est toujours battu contre des gars plus petits que lui, des gars qui ne sont pas habitués à la pression. Qu’il arrête d’affronter des jambons! Je serai son plus grand test en carrière. Moi, j’ai déjà eu mes vrais tests. Ce ne sera pas mon plus dur combat en carrière. »

« Ce n’est pas vraiment une situation idéale »

La colère d’Estephan avait également pour objectif d’enlever un peu de pression des épaules de Bazinyan, que Ntetu avait précédemment attaqué sur plusieurs fronts en soulignant le peu d’adversaires de renom qu’il avait battus ou encore de son récent changement d’entraîneur.

« Tu as dit que Stéphan Larouche était le meilleur entraîneur que tu n’avais jamais eu. Si c’est le meilleur, pourquoi l’as-tu quitté, a demandé Ntetu en connaissant déjà la réponse. Ce n’est pas ta décision? Tu dis être l’homme de la maison, mais tu n’es pas capable de prendre une décision. »

« Je me fous complètement de ce qu’il a dit. Je suis un athlète professionnel, je reste calme et ça ne me dérange pas, a ensuite répondu Bazinyan aux journalistes. J’ai vu beaucoup trop de gens qui ne faisaient que parler dans ma vie. Pour moi, ce sont les gestes qui comptent. Rien d’autre.

« Et pour ce qui est du changement d’entraînement, ça ne m’a pas du tout affecté. J’avais un combat important à préparer et je ne pouvais quand même pas rester à la maison en train de me morfondre. La seule chose que je peux dire, c’est que je suis prêt à 1000 pour cent... »

Rappelons que Bazinyan a quitté les frères Howard et Otis Grant pour rejoindre Larouche, mais l’association n’a duré que le temps de trois combats, puisque qu’un différend entre l’entraîneur et le président d’EOTTM Antonin Décarie l’a obligé à se tourner vers le prolifique Marc Ramsay.

« Je ne vais pas cacher la vérité : ce n’est pas vraiment une situation idéale pour un boxeur de changer d’entraîneur avant son plus grand combat en carrière, a reconnu Estephan. Ce n’est pas quelque chose que nous voulions faire, mais la décision s’est imposée d’elle-même. Nous avons fait de notre mieux pour l’encadrer et Marc a vite réalisé qu’il a un diamant entre les mains. »

Le promoteur ne nie pas que Bazinyan joue gros, très gros même contre Ntetu, étant donné qu’il est présentement classé cinquième aspirant à la ceinture des super-moyens de la WBO. Une victoire lui permettrait cependant de vraisemblablement percer le top-15 de la WBA.

« C’est certain que cela va être un combat difficile, a admis Estephan. Mais je pense qu’Erik a ce qu’il faut. Il a un dossier qui va lui permettre d’obtenir une reconnaissance à l’international. »

Neuf autres chocs seront à l’affiche samedi soir, dont la demi-finale qui opposera Mathieu Germain (15-0, 8 K.-O.) à Carlos Jimenez (14-8-1, 8 K.-O.) pour la première défense de son titre nord-américain des super-légers de l’IBF gagnée en juin dernier contre Christian Uruzquita.

Ghilain Maduma (19-3, 11 K.-O.), Artur Ziyatdinov (6-0, 5 K.-O.), Sadriddin Akhmedov (3-0, 3 K.-O.), François Pratte (7-0), Arslanbek Makhmudov (3-0, 3 K.-O.), Ablai Khussainov (8-0, 5 K.-O.), Kim Clavel (3-0, 1 K.-O.) et Aratyun Avetisyan (10-0, 6 K.-O.) seront également en action.