MONTRÉAL - Un peu plus de dix mois après s’être incliné par arrêt de l’arbitre au huitième round devant Sergey Kovalev, Jean Pascal a néanmoins décidé d’en découdre une deuxième fois avec le champion unifié WBA, IBF et WBO des poids mi-lourds, samedi soir au Centre Bell.

Comme il l’avait fait à l’avant-veille du premier combat présenté en mars dernier, l’entraîneur Stéphan Larouche a accepté d’offrir son analyse de la situation aux lecteurs de RDS.ca. Sans grande surprise, il pense encore que la tâche s’annonce colossale pour le pugiliste québécois.

« Pascal n’aurait pas pu connaître un plus mauvais début de combat, a rappelé Larouche. L’endroit où il se tenait, la position de ses mains... Tout cela n’était pas adéquat contre un boxeur qui possède un jab comme Kovalev. Dès le premier round, il a pu l’utiliser à volonté.

« Il n’y a rien du côté de Pascal pour créer un doute dans la tête de Kovalev et l’empêcher d’utiliser son jab. Il aurait pu contre-attaquer ou se servir de ses jambes pour varier la distance. Cela a ensuite permis à Kovalev de placer sa droite et de commencer le combat en force.

« C’est certain que son nouvel entraîneur Freddie Roach a vu cela et qu’il a trouvé une manière extrêmement simple et efficace de neutraliser ou composer avec le jab de Kovalev. (Bernard) Hopkins avait effectué un ou deux ajustements et s’était quand même rendu jusqu’à la limite. »

Si Larouche concède qu’un camp d’entraînement de huit semaines est nettement trop court pour changer l’ADN d’un athlète, il ne désapprouve pas la décision de l’ancien champion des mi-lourds du WBC de se tourner vers celui qui entraîne Manny Pacquiao et Miguel Cotto.

« Quand tu es avec un boxeur depuis longtemps, tu le vois moins et tu as de plus en plus de difficulté à l’évaluer globalement, explique-t-il. Quand tu reçois un nouveau boxeur dans ton gymnase, tu es en mesure de faire une évaluation beaucoup plus rapidement et plus juste.

« Le fait de voir cela de façon externe permet d’apporter des correctifs rapidement, mais cela prend quand même un certain temps. C’est pourquoi je pense que Roach n’a pas eu assez de temps pour changer la technique de Pascal, mais ils ont eu le temps de penser à une stratégie.

« La stratégie de Cotto contre (Saul) Alvarez a été exceptionnelle. Cotto l’a respectée à merveille et a fait mal paraître Alvarez par moments. Il a mis un doute dans la tête d’Alvarez et a même gagné la bataille du jab. Cotto a surpris bien des gens en se rendant jusqu’à la limite. »

Le poing de vue de Russ Anber

Mais malgré toutes les bonnes intentions de Pascal et Roach, est-ce que ce sera suffisant?

« Quand tu as le talent et les habiletés d’un Floyd Mayweather fils, Gennady Golovkin, Roman Gonzalez, Muhammad Ali ou Sugar Ray Leonard, c’est toi qui possèdes les habiletés, a relevé Larouche. C’est aux autres de s’adapter et cela, c’est extrêmement difficile de lutter contre cela.

« Un boxeur comme Mayweather n’a jamais véritablement changé son style au fil des années. Ses adversaires ont essayé bon nombre de stratégies et de tactiques différentes pour lui infliger la défaite, mais personne n’est jamais arrivé. C’est encore un peu cela qui attend Pascal. »

L’entraîneur d’expérience n’est ultimement pas du tout convaincu du geste posé par Pascal en conférence de presse mercredi, alors que ce dernier a encore joué la carte du racisme contre Kovalev en brandissant un régime de bananes pour dénoncer des déclarations du passé.

« Je trouve que c’était une drôle d’approche, a commenté Larouche. J’aurais plutôt aimé voir un Pascal qui s’installe devant le visage de Kovalev et qui lui dit : "J’ai perdu le dernier combat après l’avoir mal commencé, mais je suis revenu, je t’ai fait mal et je t’ai même ébranlé, alors que je n’étais pas à mon meilleur. Aujourd’hui, j’ai changé d’équipe, j’ai une super stratégie, je ne manquerai pas mon coup et je vais te passer le knock-out!" Un doute se serait installé.

« Mais il n’y a pas eu un seul mot sur la boxe. J’aurais aimé que Pascal parle de boxe... »

Au final, Larouche concède que les boxeurs qui connaissent des difficultés pendant un combat se fient généralement à leurs instincts et que les instincts, ce sont les bonnes vieilles habitudes.