Confortablement appuyé contre le câble supérieur du troisième ring de son gymnase situé au sous-sol du Complexe sportif Claude-Robillard, Stéphan Larouche contemplait Jean Pascal avec admiration et fierté. Son large sourire ne laissait absolument aucun doute sur son état d’esprit.

Pascal rencontrait alors la presse locale pour la première fois depuis sa victoire par décision partagée des juges contre Badou Jack enregistrée un tout petit peu plus de deux semaines plus tôt à Atlanta. Encore une fois, le boxeur lavallois avait gagné un combat où il était le négligé.

Cinq mois auparavant, il était venu jouer les trouble-fêtes en infligeant une première défaite à l’espoir invaincu Marcus Browne à Brooklyn. Pascal l’avait emporté par décision technique à la suite d’un duel de fou pendant lequel il avait envoyé son adversaire à trois reprises au plancher.

Devant Pascal, Larouche et son fidèle complice Pierre Bouchard, une table avait été dépliée à la hâte afin d’exhiber les ceintures « régulière » de la WBA et d’argent du WBC qui témoignaient à elles seules de l’improbable retour réussi par le plus grand pugiliste québécois de sa génération.

Ces ceintures insufflaient assurément une touche de fraîcheur à l’endroit dont les nombreuses affiches sur les murs rappellent une époque pas si lointaine où la bière se buvait blonde et non rousse au sapin baumier. Mais il y a fort à parier que ces deux titres n’auraient pas été acquis si Pascal n’avait pas eu l’humilité de faire ce retour aux sources en compagnie de son entraîneur.

Dans son coin depuis le choc que Pascal a disputé face à Ricardo Marcelo Ramallo en décembre 2016 à Trois-Rivières – il s’agissait alors de sa première sortie depuis sa deuxième défaite contre Sergey Kovalev –, Larouche a finalement mis deux ans et demi pour permettre à celui qu’il avait déjà côtoyé sur l’équipe olympique canadienne en 2004 à Athènes de connaître la consécration.

Son secret? Que Pascal cesse simplement de s’entêter à être une pâle copie de toutes ses idoles.

« Jean a tellement boxé pour être comme Roy Jones fils et Floyd Mayweather fils, a mentionné Larouche à RDS.ca il y a quelques semaines. Jean avait complètement oublié ses forces et n’avait pas beaucoup travaillé sur les bases fondamentales de la boxe. Il fallait juste revenir à la base...

« Parce que dans la base, il est bon, il est fiable et il est surtout très fort physiquement. Quand il est impliqué et agressif, il peut devenir extrêmement intimidant. Quand il se fait toucher et qu’il revient, le gars devant lui se dit qu’il doit faire attention. C’est ce que Jean a réussi face à Jack. »

Cette version du Pascal intimidateur avait déjà été vue dans le passé pendant ses deux combats contre Adrian Diaconu, mais c’est lors du duel face à Ahmed Elbiali en décembre 2017 qu’elle a véritablement refait surface. Ce triomphe a permis d’établir des assises très solides pour la suite.

« Je savais que si Jean jouait à Floyd devant Elbiali, il n’aurait pas un bon combat, s’est rappelé Larouche. Je me suis dit que Jean était rough, qu’il était tough, alors il allait le déranger. Je ne voulais pas que Jean soit beau dans le ring. Non, je voulais qu’il soit rough et c’est ce qu’il a été.

« Je ne dis pas qu’il ne peut pas copier Roy ou Floyd, mais il pourra le faire pendant les moments où il domine tellement. Jean avait un urgent besoin de trouver sa marque de commerce et sa marque de commerce, c’est celle d’un mixeur, d’un gars qui est capable d’échanger des coups...

« Jean peut knockouter un gars avec son poignet, son avant-bras, son pouce et ses jointures. Peu importe comment il frappe, il peut faire mal à son adversaire. Je pense que c’est ce qu’il a enfin compris. Mais tout le crédit lui revient, car il n’a pas peur d’essayer de nouvelles choses. »

Pascal n’avait jamais été reconnu comme un cogneur depuis le début de sa carrière et même s’il a remporté ses deux derniers combats aux points, il a néanmoins enregistré trois chutes au tapis contre Browne et une autre face à Jack. Une corde plutôt précieuse s’est ainsi ajoutée à son arc.

« Le coup de poing qui a fait tomber Jack, je l’ai reçu sur un œil pendant la dernière séance de shadow avant la pesée en vue du combat contre Browne, a expliqué Larouche. Je ne veux pas trop entrer dans les détails techniques puisque Jean risque de retrouver ces deux boxeurs pour des revanches dans le futur, mais il m’a surpris alors que j’avais les spaghettis dans les mains.

« Ce qu’il faut comprendre, c’est que Jean, c’est un gars qui n’a pas peur d’essayer de nouvelles choses. Il pourrait tellement facilement dire qu’il n’est pas confortable et que ce n’est pas le bon moment, mais non, il ne fait jamais, jamais ça. C’est quelqu’un de très ouvert à la nouveauté. Il est intelligent : il sait que si ça fonctionne à l’entraînement, ça fonctionne pendant le combat! »

Personne ne sait évidemment jusqu’où Pascal repoussera ses limites, mais force est d’admettre que ses succès de la dernière année lui ont permis de regagner ses lettres de noblesse. Ses exploits seront-ils suffisants pour lui ouvrir les portes du Temple de la renommée? Qu’importe, son visage se retrouvera sûrement bientôt sur l’une des affiches qui ornent les murs du gymnase.