La situation tragique d’Adonis Stevenson a contribué à faire ressortir toute la méchanceté dont certaines personnes sont capables quand elles prennent en grippe des personnalités en vue, qu’elles soient sportives, artistiques, politiques ou autres. On savait quelques-unes d’entre elles capables des pires bassesses, mais le fond du baril a été atteint dans le cas de ce boxeur s’accrochant désespérément à la vie.

Il n’y a rien qu’on n’a pas dit sur lui depuis qu’il est entré aux soins intensifs. On est allé jusqu’à souhaiter qu’il meure ou qu’il reste dans un état végétatif, évidemment tout cela bien retranché dans l’anonymat. Sans doute les mêmes braves qui, en croisant Stevenson dans un endroit public, lui donnaient des tapes amicales sur l’épaule en l’appelant champion.

L’ex-détenteur du titre mondial du WBC chez les mi-lourds ne mérite pas un traitement aussi monstrueusement haineux. Pas un seul être humain frappant à la porte de la mort ne devrait avoir à encaisser toute cette merde. Son passé ponctué d’actes immoraux et criminels, commis il y a 20 ans, et pour lequel il a purgé 18 mois sur une sentence de quatre ans, ne devrait pas continuer de le suivre d’une façon aussi outrageuse. Tout le monde a droit à une seconde chance après avoir payé sa dette à la société. Adonis a le mérite d’avoir saisi la sienne.

Ce n’est pas tout le monde qui arrive à se refaire un nom et une réputation à sa sortie de prison. Stevenson l’a fait d’une façon honorable en oeuvrant notamment auprès des jeunes dans le but de leur éviter de vivre le genre d’enfer qu’a été le sien. Il est parti de la rue pour atteindre un statut mondial qui l’a rendu riche et célèbre. Il y a investi l’effort nécessaire pour l’atteindre.

Après avoir atteint la gloire, il n’est pas devenu une bête de party. Il n’a pas dilapidé sa fortune. On dit de lui qu’il était plutôt terre-à-terre pour un homme qui n’avait rien et qui a soudainement tout gagné.

C’est la boxe qui l’a sauvé dans le temps. C’est la boxe qui risque maintenant de saper sa vie et de perturber à jamais l’existence des siens.

Ses détracteurs ne se soucient pas qu’il ait expié ses fautes. Peu importe le chemin qu’il a parcouru pour se bâtir une crédibilité sportive, on réalise durant la période inquiétante qu’il traverse que son passé l’empêchera toujours d’enjoliver totalement son avenir. Bref, s’il a fait des efforts louables pour devenir un citoyen et un père respectable, on constate que cela ne sera jamais suffisant.

Stevenson n’était pas un saint. Il n’en est pas devenu un dans sa nouvelle vie. Il est juste un athlète qui a travaillé extrêmement fort, comme le font tous ceux qui pratiquent ce sport extrêmement dangereux, pour représenter dignement le Québec à l’échelle mondiale.

On peut lui reprocher d’avoir prolongé son règne de champion en choisissant soigneusement ses adversaires. C’était son choix. Peut-être que les recettes qu’il a engrangées pendant qu’il affichait cette prudence parfois exagérée lui permettront, quoi qu’il advienne, d’assurer le confort financier d’une femme et de cinq enfants, dont un nouveau-né âgé d’un mois. On ne va pas lui lancer la première pierre pour ça, lui qui en reçoit déjà suffisamment pendant son inquiétant coma.

Il ne sera plus jamais champion du monde. Peut-être ne pourra-t-il jamais retourner dans un gymnase pour saluer les boys. Il faut juste souhaiter qu’il puisse retourner auprès de sa famille sans avoir à supporter plus longtemps le poids des insultes qui lui pleuvent dessus en ce moment.

Frapper avec autant d’acharnement sur quelqu’un livrant un combat ultime, franchement.