Le 30 novembre 2013, dans les minutes qui ont suivi sa victoire éclatante contre Tony Bellew, Adonis Stevenson quittait le Colisée Pepsi de Québec d'une manière théâtrale après avoir indiqué aux journalistes lors d'un bref point de presse tendu qu'il ne voulait plus se battre au Québec.

Le champion WBC des mi-lourds aura finalement tenu parole, quatre ans et demi plus tard, à moins d'un mois de la 9e défense de son titre. Au cours de cette période où le Québec aurait pu profiter de la présence d'un champion du monde WBC, la boxe québécoise a plutôt vécu une période de déclin.

Aujourd'hui, son promoteur Yvon Michel est frappé par un coup en bas de la ceinture, un affront qui n'échappe à personne alors que Stevenson et son conseiller Al Haymon forcent GYM à organiser un combat dans le désert des sports de combat. Quelque soient les raisons de Stevenson, il est inconcevable que son premier bon affrontement depuis des lustres quitte la capitale de la boxe au Canada, pour une ville qui n'en a (et on ne peut pas les blâmer) que pour les Leafs, les Raptors, les Jays, le Toronto FC.

Stevenson ne veut pas se faire huer devant les amateurs de boxe du Québec? On peut le comprendre, et on peut facilement concevoir qu'il veuille se battre ailleurs qu'au Québec. Mais comment en est-on arrivé à cette situation avec un champion aussi spectaculaire? C'est que les amateurs de boxe du Québec ne sont pas dupes et connaissent la valeur des combats que Stevenson leur a offerts depuis les débuts fracassants de son règne en juin 2013. Mais à Toronto, on peut offrir aux amateurs des combats contre Tommy Karpency comme ce fut le cas en septembre 2015. À tort ou à raison, Stevenson est dorénavant perçu comme celui qui aura évité les grands rendez-vous avec Jean Pascal, Bernard Hopkins, Sergey Kovalev et Eleider Alvarez pour qui il n'a montré que du mépris.

Mais il y a plus que l'aspect « boxe » de la carrière de Stevenson qui a mené à la rupture. Il y a toute la gestion de l'image publique d'Adonis qui est un gâchis. Tout a commencé par la version édulcorée de son passé criminel qu'il a raconté à l'émission Tout le monde en parle lors de son ascension fulgurante vers le titre mondial en 2012. Les mensonges ou demi-vérités à propos de son implication de proxénète ont été exposés au grand jour par l'article de La Presse le 25 novembre 2013, quelques jours avant son combat contre Tony Bellew à Québec. Le boxeur ne s'est jamais excusé auprès du public ou de ses anciennes victimes.

Au lieu de cela, Stevenson s'est senti traqué. Nous l'avons senti plus méfiant, plus distant. Puis il y a eu l'association avec Al Haymon, le nouveau gourou qui est débarqué dans le milieu de la boxe avec ses millions, en remplissant les poches de quelques élus, dont Adonis Stevenson ; un pari dans lequel Yvon Michel a sauté à pieds joints.

Rupture avec Yvon Michel

Yvon Michel a souvent raconté qu'il a longuement hésité avant de redonner une chance à Stevenson après son revers contre Darnell Boone aux États-Unis en avril 2010. Le boxeur se présentait tôt le matin à l'extérieur des bureaux de GYM sur le boulevard St-Laurent et espérait une rencontre avec Yvon Michel. Un an plus tard, Stevenson se retrouvait sur une carte de GYM, en sous-carte du combat entre David Lemieux et Marco Antonio Rubio. En moins de 2 ans où le boxeur a disputé 7 combats, Yvon Michel a propulsé de Stevenson d'inconnu à champion de monde!

Le monde de la boxe est toutefois un milieu impitoyable où la gratitude a ses limites. Depuis qu'Al Haymon est apparu dans le portrait, Stevenson ne s'est presque plus adressé à Yvon Michel. Jamais, le champion ne s'est présenté aux activités caritatives et promotionnelles de GYM, mis à part les combats dans lesquels il était impliqué. Leur dernière conversation remonte à plusieurs mois.

Pourtant Yvon Michel, en bon politicien, continuait de bien représenter Stevenson, même la semaine dernière, lors de l'annonce du combat entre Sergey Kovalev et Eleider Alvarez.  

Difficile de l'extérieur de chiffrer les conséquences monétaires de l'annulation du gala du 19 mai au Centre Bell pour GYM, mais espérons que le groupe de promotion et ses co-propriétaires Yvon Michel, Bernard Barré et Alexandra Croft pourront traverser l'épreuve, financièrement et moralement.