À la boxe, comme en politique, six mois, c’est une éternité. Imaginez alors ce que sont deux ans.

En août 2018, Eleider Alvarez était au sommet de la planète boxe. Il venait en effet de passer un foudroyant knock-out à Sergey Kovalev et le Montréalais d’origine colombienne voyait ainsi des années de dur labeur être récompensées en devenant champion des poids mi-lourds de la WBO.

Mais les réjouissances ont été de très courte durée, puisque six mois plus tard, Alvarez (25-1, 13 K.-O.) était descendu de son piédestal après avoir été battu par Kovalev par décision unanime des juges au terme d’un combat pendant lequel il n’a jamais été capable de prendre son envol.

Revoici donc Alvarez en août 2020, alors qu’il s’apprête à disputer un combat éliminatoire des mi-lourds de la WBO samedi soir prochain contre Joe Smith fils dans la « bulle » de Las Vegas.

Inutile d’insister sur l’extrême importance du duel, parce que le gagnant affrontera ensuite le vainqueur d’un autre combat éliminatoire à venir entre Umar Salamov et Maxim Vlasov pour le titre laissé vacant par Saul « Canelo » Alvarez en avril. Une défaite l’éloignerait de son objectif.

« La défaite que j’ai subie contre Kovalev m’a permis d’apprendre beaucoup de choses, a avoué Alvarez pendant une visioconférence organisée par son promoteur Groupe Yvon Michel jeudi matin. Ça ne sera pas un combat facile, mais je suis motivé à redevenir champion du monde. »

À l’origine, le combat face à Smith – qu’il a obtenu après avoir knockouté Michael Seals – devait être présenté en juin à Montréal, mais la pandémie de COVID-19 a bouleversé les plans de tout le monde. Le duel avait ensuite été remis au 16 juillet à Las Vegas, mais une blessure à l’épaule droite subie à l’entraînement par celui qui désire devenir citoyen canadien l’a encore repoussé.

« Malgré toutes les embûches, Eleider a été en mesure de connaître un excellent camp, a juré son entraîneur Marc Ramsay. Le retour au gymnase s’était fait une semaine seulement après le début de la pandémie et cela fait très longtemps que nous savons que Smith sera l’adversaire.

« À vrai dire, la blessure nous a donné encore plus de temps pour le préparer et c’est pourquoi je m’attends à une grosse performance le 22 [août]. La blessure était vraiment légère, mais ce n’était pas possible de l’embarquer dans un combat de cette importance avec une blessure. »

Habituellement rodée au quart de tour, reste que la préparation élaborée par Ramsay a dû être repensée pour satisfaire aux exigences des autorités gouvernementales locales, étant donné que les séances de sparring ne sont toujours pas permises. L’entraîneur ne lésine généralement pas sur les moyens pour offrir des partenaires d’entraînement de grande qualité à ses athlètes.

« Oui, cela a demandé beaucoup d’imagination, mais d’un autre côté, Eleider est âgé de 36 ans et il ne préparait déjà plus comme un gars de 22 ans, a expliqué Ramsay. Le manque de sparring ne représente pas véritablement un problème, puisqu’il y a des exercices qui permettent de bien préparer tous les coups que nous voulons le voir exécuter pendant le combat contre Smith.

« Et Eleider demeure un professionnel. J’ai parlé à des connaissances associées à Top Rank (le promoteur qui organise le combat, NDLR) et nous savons à quoi nous attendre. Nous allons là pour faire notre métier et Eleider ne sera pas trop dépaysé, car les tournois qu’il a disputés chez les amateurs en Colombie étaient pratiquement toujours à huis clos. Ce n’est pas comme ici. »

Un adversaire tenace

En Smith (25-3, 20 K.-O.) retrouvera le col bleu par excellence du monde de la boxe. L’athlète de Long Island – qui possède sa propre compagnie d’émondage – est un « travaillant qui ne connaît pas de mauvaises soirées » en plus d’être « jeune, agressif, fort physiquement et très affamé ».

Malgré les défaites contre des boxeurs plus techniques tels Sullivan Barrera et Dmitry Bivol, il a eu la chance de démontrer toute l’étendue de sa puissance face à Andrzej Fonfara et Bernard Hopkins en leur passant le knock-out. C’est d’ailleurs lui qui a envoyé le légendaire Hopkins à la retraite en l’expédiant hors du ring à la suite d’une série des frappes particulièrement pesantes.

« Smith n’est pas le boxeur le plus habile, mais il n’y a jamais de demi-mesure avec lui, a analysé Ramsay. C’est un gars qui s’entraîne très fort et qui revient continuellement à la charge. De là l’importance de bien se préparer physiquement à recevoir une telle charge pendant le combat.

« Mais je demeure convaincu qu’Eleider est un boxeur beaucoup plus complet que Smith, car il possède beaucoup plus d’outils dans son coffre. L’important, c’est d’être capable de contrôler l’agressivité de Smith pendant le combat. Nous pensons avoir identifié qui il est réellement. »

Chose certaine, Alvarez a tout intérêt à remporter ce duel, d’autant plus que l’avenir se dessine et redessine presque quotidiennement. Une défaite l’obligerait à recommencer tout au bas de l’échelle, et dans le contexte actuel, il n’y aurait plus de vraies raisons de continuer à se sacrifier.