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C’est comme si rien n’avait changé. La même démarche. La même vitesse saisissante des mains. Le même sourire ravageur qui illumine une pièce éclairée par des néons au grésillement irritant.

 

Même l’écrasante humidité ambiante qui règne par ce mardi après-midi d’été dans le sous-sol de l’Underdog Boxing Gym coin St-Laurent et Ste-Catherine à Montréal ne saurait le déranger.

 

Exactement comme à l’époque où il était un aspirant de calibre mondial, Dierry Jean rayonne au milieu des boxeurs qui pratiquent leur shadow boxing devant les miroirs. Le bruit sec des gants qui frappent le sac de sable ou les mitaines de son entraîneur sonnent comme un doux refrain.

 

Après tout, c’est en compagnie de Mike Moffa que « Douggy » a vécu ses moments les plus grisants, mais aussi les plus cruels de sa carrière professionnelle. C’est à ses côtés qu’il a disputé – et perdu – ses deux combats de championnats contre Lamont Peterson et Terence Crawford.

 

Mais la réalité, c’est que tout a changé. Absolument rien n’est comme avant, car aujourd’hui, Jean est un homme marqué. Un homme marqué à tout jamais par un crime qu’il qualifie lui-même d’« impardonnable » qu’il a commis alors qu’il avait atteint le fond du baril en 2014.

 

Miné par ses problèmes d’alcool, de drogue et de jeu, Jean a menacé de poignarder une femme qui marchait innocemment sur la rue et lui a asséné un coup de poing au visage dans le but de la voler afin de s’acheter de la drogue. Ses dépendances l’ont mené à la déchéance la plus totale.

 

Survenue le 3 novembre 2014, l’affaire n’est pas restée impunie, puisque Jean a été condamné à 15 mois de prison et à 3 ans de probation assortis de 240 heures de travaux communautaires en avril 2017. Au bout de 5 mois, il a recouvré la liberté et n’a pas été tenté par ses démons depuis.

 

« Ç’a été dur pour le moral d’avoir descendu aussi bas que ça, a reconnu Jean en marge d’un entraînement public fort peu couru. Je ne veux pas dire que c’est à cause de la drogue, mais il y a les circonstances de la vie... je suis tombé très bas en raison de mes dépendances à la drogue.

 

« J’ai fait un acte impardonnable, je tiens à le dire et à m’excuser énormément envers la victime. Mais c’est [certain] qu’avec des erreurs comme ça, on grandit. Je suis abstinent depuis 20 mois et je continue mes meetings [d’Alcooliques et de Narcotiques anonymes] deux fois par semaine.

 

« Je suis une personne différente. Je me tiens à l’écart de toutes drogues et connaissances qui en consomment. Aujourd’hui, je peux dire que je suis bien dans ma tête et bien dans ma peau. »

 

À sa sortie de prison, Jean a passé deux mois en maison de transition et s’est ensuite naturellement tourné vers le seul endroit où il savait qu’il se donnerait toutes les chances de reprendre sa vie en main. Un endroit où il serait accueilli à bras ouverts et où personne n’essaierait de l’écraser.

 

« Ça me manquait, a avoué Jean avant de prendre une petite pause. Après deux ans, j’avais hâte de revivre ces moments-là avec mon coach, l’entourage, mon environnement, mon équipe... »

 

« Dierry Jean, c’est comme un fils pour moi, a ensuite confié Moffa à RDS.ca. Un père ne peut pas se débarrasser de son fils, mais tout le monde peut changer... il fallait lui donner une chance. Ce qu’il a fait, c’est impardonnable ou plutôt, c’est pardonnable, mais ça ne s’oublie pas.

 

« C’est vraiment une bonne personne, mais à jeun. Toutes les mauvaises choses qu’il a faites dans sa vie, c’est à cause de la boisson et de la drogue. La femme qui a été victime... si un jour on pouvait faire quelque chose de bien pour elle... ça permettrait à Dierry d’être en paix... »

 

Si Jean rêvait à une époque des plus grandes scènes, les objectifs sont aujourd’hui beaucoup plus modestes comme en témoigne le combat qu’il disputera contre Abraham Gomez samedi à Toronto (NDLR : le gala a finalement été annulé). Maintenant âgé de 36 ans, il reconnaît qu’il n’y a pas le choix d’y aller un combat à la fois. Précisément comme il l’a appris chez les Alcooliques anonymes : une journée à la fois.