MONTRÉAL – L’industrie de la boxe professionnelle québécoise vit une profonde et grave crise existentielle depuis quelques années et tous se demandent ce qu’il faut faire pour l’en extirper.

Avant même que la pandémie de coronavirus chamboule leurs activités, les deux principaux promoteurs de la province peinaient à attirer les foules et hormis quelques événements ici et là, rares sont les duels qui ont suscité un réel engouement auprès des érudits et du grand public.

C’est avec l’objectif précis de séduire de nouveau ces amateurs désenchantés qu’Eye of the Tiger Management (EOTTM) présentera trois galas les 22 janvier, 19 février et 26 mars prochains au Cabaret du Casino de Montréal avec Arslanbek Makhmudov, Erik Bazinyan et Christian Mbilli en vedette.

Ces trois boxeurs sont d’une certaine manière à la croisée des chemins, en ce sens qu’ils doivent maintenant prouver ce qu’ils ont dans le ventre et qu’ils font réellement partie de l’élite mondiale de leur catégorie. Et aux yeux du directeur du développement et entraîneur principal d’EOTTM Marc Ramsay, il n’est plus possible de développer des athlètes avec pour seul critère l’objectif final. Il faut que le chemin pour s’y rendre soit absolument le plus palpitant possible.

« Nous nous sommes rendu compte que les amateurs ont délaissé la boxe québécoise parce que nous leur avions promis plein de bons combats et que nous n’avons pas rempli nos promesses, a reconnu Ramsay, mardi, en marge du dévoilement de la programmation début 2022 d’EOTTM.

« Le combat entre [Jean] Pascal et [Lucian] Bute a peut-être été le plus grand duel en grosseur de l’histoire de la boxe québécoise, mais les gens sont sortis de là déçus. Ce n’est pas ce genre de combat qui garantit une grande soirée. Ce que les amateurs veulent, ce sont des combats qui sont équilibrés avec des boxeurs agressifs. Il faut donner aux consommateurs ce qu’ils veulent.

« Il y aura toujours une volonté de faire évoluer nos gars, mais en même temps, il faut offrir un bon spectacle. Nous ne voulons pas amener un boxeur plate à moins de ne pas avoir le choix. »

Pour effectuer ce recentrage alors qu’EOTTM célèbre ses dix ans d’existence, un ménage au sein de l’effectif s’imposait et l’arrivée de Ramsay à un poste spécialement créé pour lui l’a permis.

Au cours des derniers mois, Batyr Jukembayev et Mathieu Germain ont officiellement vu leur association avec l’entreprise prendre fin. Les statuts de Jordan Balmir, Clovis Drolet, Andranik Grigorian, Bree Howling, Lexson Mathieu, Nurzat Sabirov, Vincent Thibault et Artur Ziiatdinov demeurent quant à eux nébuleux, étant donné qu’ils n’ont jamais été formellement publicisés.

« Tous les athlètes que nous avions étaient très talentueux, mais certains d’entre eux ne voulaient tout simplement pas payer le prix, avaient le mal du pays ou n’étaient pas là pour les bonnes raisons, a résumé le promoteur Camille Estephan. Il fallait alors couper dans le gras... »

« À vrai dire, il n’y a pas eu de coupures, a nuancé Ramsay. Mais s’il y a bien une chose que j’ai mise au clair avec nos boxeurs, c’est qu’il n’est pas question d’avoir des carrières Internet, c’est-à-dire de boxer pour les autres et pour les commanditaires. Cela ne nous intéresse pas du tout.

« Ce que nous croyons, c’est ce que notre philosophie va créer un effet boule de neige. Plus il y aura de gens dans les estrades, plus nous aurons de moyens pour monter des cartes de qualité.

« Et c’est ce que les athlètes qui sont toujours avec nous veulent. Je donne toujours Antonin Décarie en exemple. Je l’ai coaché pendant des années et il a manqué de très peu son objectif de devenir champion du monde, et pourtant, ce n’est pas quelqu’un de frustré aujourd’hui. Il y a plusieurs anciens boxeurs qui le sont et vous ne voulez pas être cette personne-là. Vous voulez savoir ce que vous valez et mettre tous les efforts possibles. Vous allez alors vivre sans regret. »

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Eye of the Tiger Management (EOTTM) a annoncé mardi avant-midi les grandes lignes de sa programmation début 2002 et voici ce qui attend les principales têtes d’affiche de l’organisation au cours des prochains mois :

Arslanbek Makhmudov : après avoir forcé Erkan Teper à l’abandon à la suite du premier round en septembre dernier à Québec, le géant russe affrontera le Polonais Mariusz Wach le 22 janvier. EOTTM a délié les cordons de la bourse pour attirer à Montréal celui qui a déjà affronté Wladimir Klitscko, Alexander Povetkin et Dillian Whyte pour ne nommer que ceux-là dans le passé.

« C’est l’adversaire qui aura coûté le plus cher dans l’histoire [de l’organisation], a lancé Estephan. Au-delà de la bourse, il y a évidemment un classement à gagner, parce qu’Arslanbek est maintenant 10e chez les poids lourds au WBC. Si les choses se passent bien, il boxera ensuite le 9 avril à Shawinigan dans un combat éliminatoire ou un duel qui le placerait dans le top-5. »

Yves Ulysse fils : Ulysse affichait comme à son habitude un large sourire dans l’une de ses rares apparitions publiques. S’étant accordé une longue pause après sa victoire contre David Théroux en juillet à Shawinigan, il se mesurera à Antonio Moran le 22 janvier. Le Mexicain s’est déjà fait passer le knock-out au septième round par l’actuel champion des poids légers du WBC Devin Haney.

« À partir de maintenant, je vais voir chaque combat comme si c’était mon dernier, a mentionné Ulysse. Je vais tout mettre en œuvre pour me retrouver un jour en championnat du monde. »

Simon Kean : Kean avait quelques messages à passer, lui qui ne s’est pas battu depuis sa victoire contre Don Haynesworth en juin au Mexique. Non, il n’a pas accroché ses gants et travaillerait même d’arrache-pied avec son entraîneur Vincent Auclair dans l’objectif de faire passer un très mauvais quart d’heure à Fabio Maldonado le 22 janvier. Mais Kean a peut-être parlé trop vite.

C’est qu’il y a fort à parier que c’est quelqu’un d’autre que Maldonado qui se retrouvera devant lui. C’est ce que le Brésilien s’est fait passer le knock-out à sa dernière sortie... d’arts martiaux mixtes en novembre, ce qui conviendrait aux règles établies par EOTTM dans la foulée du décès de Jeanette Zacarias Zapata en août dernier à la suite de son combat contre Marie-Pier Houle.

« Nous aurions pu le cacher, mais d’un point de vue médical, ça ne change strictement rien, a dit Ramsay. Il faut être très sérieux dans notre démarche et ne pas faire exactement le contraire. »

Tout comme Makhmudov, Kean sera vraisemblablement de la soirée du 9 avril à Shawinigan.

Erik Bazinyan : Bazinyan était censé croiser le fer avec l’Albertain Ryan Ford, qui a finalement changé d’avis, en finale du gala du 19 février, mais il retrouvera plutôt l’Américain DeAndre Ware, qui était quant à lui pressenti pour une confrontation avec David Lemieux. Son nom figurant dans le top-10 à la WBA et à la WBO, Bazinyan aura pour mission de battre un rival gaucher qui a déjà notamment vaincu Ronald Ellis par décision majoritaire des juges en 2019.

Steven Butler : le nom du prochain adversaire de Butler n’a pas encore été annoncé, mais il ne s’agira pas d’un faire-valoir lui permettant de renouer facilement avec la victoire à la suite de sa très dure défaite par arrêt de l’arbitre au cinquième round face à Jose de Jesus Macias en janvier dernier au Mexique. Le duel de Butler sera présenté dans le cadre de l’événement du 19 février.

« Steven a pu profiter d’une année complète d’inactivité. Ça lui a permis de guérir et d’enlever toute la pression qu’il pouvait avoir sur ses épaules, a expliqué Estephan. Ensuite, il devait absolument être motivé en vue de son retour dans le ring et ne pas avoir à repartir de zéro. »

Christian Mbilli : fort de sa victoire contre Ellis par décision unanime samedi soir à Harrisburg, en Pennsylvanie, Mbilli affrontera son compatriote et idole de jeunesse Nadjib Mohammedi le 26 mars. « C’est un gars offensif qui va donner un bon spectacle et qui va amener une certaine pression qui vient de la France, a expliqué Ramsay. Comme ce sont deux Français qui sont relativement connus dans leur pays, il y aura une pression médiatique qui va venir de là-bas. »

David Lemieux : un oubli? Pas précisément, étant donné que Lemieux ne sera pas des trois galas au Casino. Les pourparlers avec le clan de David Benavidez auraient énormément progressé depuis deux semaines et Estephan est extrêmement optimiste à l’idée de conclure une entente.

« Les deux boxeurs veulent s’affronter, alors ça aide évidemment, a précisé le promoteur. Le gagnant deviendrait alors un incontournable pour Saul "Canelo" Alvarez. La seule raison pour laquelle David boxe encore, c’est pour redevenir champion du monde. C’est son ultime chance. »