Pendant de nombreuses années, les amateurs de boxe américains ont désespérément attendu le poids lourd qui serait le visage du sport au XXIe siècle pour succéder à Muhammad Ali, Joe Louis, Rocky Marciano, Larry Holmes, Jack Dempsey et Mike Tyson pour ne nommer que ceux-là.

Hasim Rahman avait notamment marqué les esprits en surprenant Lennox Lewis en avril 2001, sauf que le champion unifié avait pris sa revanche sept mois plus tard pour remettre la main sur tous ses titres. Chris Byrd a quant à lui détenu la ceinture de l’IBF pendant un peu plus de trois ans après avoir battu Evander Holyfield en décembre 2002, mais n’est pas devenu une vedette.

À vrai dire, le début des années 2000 a principalement été l’affaire des frères Vitali et Wladimir Klitschko. Le premier a défendu le titre du WBC neuf fois d’octobre 2008 à décembre 2013, alors que le deuxième a possédé au moins l’une des trois autres ceintures d’avril 2006 à novembre... 2015. Bref, les frangins ukrainiens n’ont laissé que des miettes à leurs rivaux de cette époque.

C’est pourquoi la conquête de la couronne du WBC de Deontay Wilder le 17 janvier 2015 aurait normalement dû soulever les passions, d’autant plus que c’était la première fois depuis Shannon Briggs un peu moins de 10 ans plus tôt qu’un Américain régnait sur la catégorie reine de la boxe.

Mais pour toutes sortes de raisons difficiles à identifier, Wilder n’a jamais réussi à atteindre le niveau de popularité d’un Anthony Joshua, qui est devenu champion du monde pas longtemps après et qui a ensuite réussi à remplir le Wembley Stadium et le Principality Stadium de Cardiff.

Pourtant, le parcours et la vie de Wilder sont une vraie réussite à l’américaine. Ancien joueur de basketball, il a abandonné l’école à l’âge de 19 ans afin de travailler dans un restaurant dans le but de subvenir aux besoins médicaux de sa fille née avec une malformation du tube neural.

Les boulots se sont ensuite multipliés, mais ce n’était jamais assez. C’est ainsi que l’idée de devenir boxeur a germé. À titre d’adversaire, il pourrait alors encaisser quelques centaines de dollars qui feraient toute la différence. Devenir champion du monde n’était même pas un rêve.

Sauf que les choses ne sont pas simples pour Wilder à ce moment-là. Dans un portait que seul le journaliste Mark Kriegel semble avoir le secret aujourd’hui, il explique qu’il est venu à un cheveu de mettre fin à ses jours. Une balle dans la tête et tout sera OK. Il n’y aura plus de problèmes... Mais il pense à sa fille. Comment pourrait-il lui faire cela? Comment pourrait-il la laisser tomber?

Wilder reprend la route du gymnase pour parfaire sa technique. Son entraîneur et lui sillonnent les autoroutes pour effectuer des séances de sparring. Ils sont sans le sou et leurs repas ne sont pas particulièrement santés. Des jujubes et de la limonade après un dur entraînement à Atlanta.

Le travail rapporte et Wilder remportera la médaille de bronze aux Jeux olympiques de Beijing, en Chine, en 2008 à 22 ans, puis deviendra champion du monde à 29 ans. Malgré le fait qu’il terrasse ses adversaires les uns après les autres avec sa main droite, personne ne le remarque.

Ses exploits ne sont pas soulignés, ce sont plutôt ses failles qui sont mises au grand jour. Mais le combat contre Tyson Fury a tout changé. Et c’est pourquoi les deux hommes se retrouveront ce soir dans un événement présenté à la télévision à la carte. Avec une bourse minimum de 28 millions $ US... chacun. Pas si mal pour un boxeur dont tout le monde dit qu’il n’a qu’une droite.

« J’ai les meilleurs entraîneurs au monde, leur expertise ne sera jamais reconnue à sa juste valeur, a récemment déclaré Wilder lors d’une conférence téléphonique. Je suis le plus puissant cogneur de l’histoire de la boxe, sauf qu’aucun de mes entraîneurs ne sera jamais reconnu...

« Ils choisissent toujours les bons partenaires d’entraînement, alors je suis toujours bien préparé pour mes combats. Ils étudient minutieusement mes adversaires et décèlent leurs faiblesses. Je retiens tout ce qu’ils m’enseignent et lorsque j’arrive dans le ring, ma mémoire s’active. »

Mais reste que c’est cette fameuse droite qui revient toujours à l’avant-plan. À ce jour, plusieurs se demandent encore comment Fury a pu se relever après en avoir encaissé une au douzième et dernier round de leur premier duel tenu le 1er décembre 2018 au Staples Center de Los Angeles.

« Ce douzième round meuble mes pensées depuis le lendemain du combat, a ajouté Wilder. C’est la raison pour laquelle il a évité la revanche. À ce jour, Fury n’a toujours pas compris pourquoi il est allé au plancher. Je suis convaincu qu’il pense encore à cette chute. Sinon, c’est qu’il ment. »

« Il y a une chose à laquelle Wilder doit penser, a répondu Fury. S’il m’a frappé avec son meilleur coup au 12e round et que je me suis relevé, comment pourra-t-il vraiment m’arrêter? C’est l’un des meilleurs coups que j’ai vus d’un poids lourd au 12e round, mais j’ai réussi à me relever... »

Fury est effectivement parvenu à s’en remettre – à la manière de The Undertaker –, mais les derniers mois n’ont pas été de tout repos pour celui qui est considéré comme le champion linéaire de la catégorie. Il s’est d’abord séparé de son entraîneur Ben Davison pour se tourner vers SugarHill Steward, le neveu du regretté Emanuel Steward qu’il avait déjà côtoyé dans le passé.

« Avec Ben, c’était défense, défense et défense, a expliqué Fury en conférence téléphonique. J’avais besoin d’un entraîneur agressif. J’avais travaillé avec SugarHill, je savais que c’était un bon gars. Je savais que nous nous entendrions bien, ce qui était particulièrement important.

« Je n’aurais jamais pris cette décision si je n’avais pas connu SugarHill. Nous n’avions que huit semaines de camp d’entraînement, alors nous n’avions pas de temps à perdre à apprendre à nous connaître. Nous nous n’étions jamais perdus de vue. Nous avons rapidement enchaîné. »

Sauf que ces changements porteront-ils leurs fruits? Plusieurs en doutent, d’autant plus que Fury s’est présenté sur le pèse-personne à 273 livres, un sommet depuis ses 276 livres avant son combat contre Sefer Seferi en juin 2018. Le Britannique effectuait alors son retour après deux ans et demi d’absence. Wilder sera aussi plus lourd que jamais à 231 livres, mais qui s’en soucie?