Ne manquez pas le gala mettant en vedette le champion des poids mi-lourds de la WBO Sergey Kovalev et Anthony Yarde samedi dès 12 h 30 sur les ondes de RDS2 et RDS Direct.

 

À l’origine, Sergey Kovalev devait effectuer la première défense de son titre des poids mi-lourds de la WBO au début de l’été. Si le choc contre son aspirant obligatoire Anthony Yarde avait été tenu le 29 juin comme initialement prévu, il n’aurait fort probablement pas soulevé les passions.

 

C’est que pendant que les promoteurs russes tentaient de réunir les fonds pour organiser le gala qui aura finalement lieu samedi à Tcheliabinsk, en Sibérie, l’entrée en scène – surprise – de Saul « Canelo » Alvarez est venue rehausser l’intérêt pour cette confrontation en apparence inégale.

 

Désespérément à la recherche d’un adversaire pour sa prochaine sortie, « Canelo » a allongé les billets verts pour convaincre Kovalev (33-3-1, 28 K.-O.) de l’affronter, mais Yarde (18-0, 17 K.-O.) a systématiquement refusé toutes les avances l’invitant à s’éclipser. Ainsi, « Canelo » et Kovalev en seraient venus à une entente, sauf que le champion devra écarter son aspirant au préalable.

 

Âgé de 28 ans, Yarde ne compte aucun nom digne d’intérêt à son tableau de chasse et a franchi le 4e round qu’à trois reprises depuis le début de sa carrière. À l’opposé, Kovalev en sera à un 16e combat de championnat consécutif depuis qu’il s’est emparé une première fois de la ceinture de la WBO à la suite de son gain sur Nathan Cleverly en août 2013 dans le fief de ce dernier à Cardiff.

 

Le Russe a certes démontré des signes de vulnérabilité au cours des deux dernières années et demie en s’inclinant deux fois contre Andre Ward et à une autre reprise face à Eleider Alvarez, mais flanqué de son nouvel entraîneur James « Buddy » McGirt, il a su rebondir brillamment en vengeant sa défaite subie contre le Montréal d’origine colombienne en février dernier au Texas.

 

Qu’à cela ne tienne, les preneurs aux livres offrent moins de trois fois la mise pour une victoire de Yarde, qui fera évidemment face à son plus important test en carrière. Depuis qu’il a enlevé un titre mineur de la WBO en battant Richard Baranyi en juillet 2017, il a gravi les échelons en s’offrant des victoires sur Norbert Nemesapati, Nikola Sjekloca, Tony Averlant, Dariusz Sek, Walter Gabriel Sequeira et Travis Reeves. Du lot, le Monténégrin Sjokloca est le seul qui jouit d’un semblant de réputation sur la scène internationale. Et cela est assurément discutable...

 

Sauf que Yarde n’est pas le premier – ni le dernier – aspirant à s’être frayé un chemin jusqu’au sommet après avoir été relativement protégé. Artur Beterbiev et Dmitry Bivol sont devenus champions relativement facilement dans les dernières années, mais ils étaient précédés d’une immense réputation à la suite de leurs succès dans les rangs amateurs. C’est loin d’être le cas de Yarde, qui est passé chez les professionnels après seulement 12 combats au printemps 2015.

 

Mais quelques questions demeurent : d’où provient l’intérêt envers Yarde et le duel de samedi au-delà de son côté « rockyesque »? Et pourquoi autant d’amateurs croient en ses chances?

 

Un entraîneur controversé

 

D’abord, les médias britanniques ont certainement contribué au phénomène, la boxe vivant un âge d’or sans précédent là-bas. Ensuite, ses 17 victoires avant la limite en 18 sorties y sont pour beaucoup, sauf que l’histoire de l’athlète qui a grandi dans l’East End est encore plus fascinante.

 

Le tabloïd The Sun s’y est intéressé de près en racontant que Yarde s’est mis au noble art tout juste après avoir atteint sa majorité parce qu’il n’en pouvait plus d’exercer le métier d’huissier. La détresse chez les gens à qui il devait saisir les biens le minait au plus haut point, et un jour, il a craqué. Le lendemain, il a démissionné en expliquant voulant notamment suivre les traces de Floyd Mayweather fils, Mike Tyson et Roy Jones fils. Sa patronne n’a pas pu s’empêcher de rire.

 

Élevé dans un des quartiers les plus pauvres de Grande-Bretagne, il a aussi mentionné qu’un revolver a été pointé dans sa direction deux fois plutôt qu’une dans sa jeunesse et que c’est pour cela qu’il n’aura aucune difficulté à s’adapter à l’hostilité qui règnera en Russie samedi.

 

L’émergence de Yarde dans l’univers pugilistique britannique ne suscite pas que l’admiration. Nombre de puristes prennent ainsi un malin plaisir à se moquer de son entraîneur Tunde Ajayi un ancien mi-moyen qui a livré 5 combats en 2001 et qui s’autoproclame « The Master Genius ».

 

Ajayi n’est résolument pas un adepte des anciennes méthodes d’entraînement. En préparation pour son duel, Yarde n’a livré aucune séance de sparring, mais des séances de mitaines de 20 à 40 minutes – au lieu des 3 minutes conventionnelles. Des acteurs influents du milieu ont pesté.

 

Parmi eux, l’ancien champion du monde Carl Frampton et l’ex-aspirant Matthew Macklin n’y sont pas allés de main morte. Le premier a demandé à Yarde de ne pas écouter ces conseils insensés, alors que le deuxième a dit qu’Ajayi n’était pas bien avant de le qualifier de « pauvre type ». Mais les critiques les plus acerbes viennent assurément d’un de ses anciens protégés.

 

Kevin Mitchell, qui a livré ses 16 premiers duels sous les ordres d’Ajayi, a suggéré que les enseignements reçus avaient été de la bouillie pour les chats. Qu’avec le recul et qu’après avoir côtoyé d’autres entraîneurs, le temps passé avec Ajayi avait été une très mauvaise expérience.

 

« Si mes méthodes d’entraînement ne fonctionnent pas, alors pourquoi Yarde s’est-il amélioré sans sparring significatif, a demandé Ajayi en entrevue à un quotidien anglais plus tôt cette semaine. Je vais vous dire pourquoi : c’est plus profond que cela, c’est un état d’esprit. »

 

Pour le promoteur Frank Warren, qui représentait Cleverly lorsque ce dernier s’est incliné face à Kovalev, il ne fait aucun doute que la plus grande force de Yarde est entre les deux oreilles. « Durant la semaine précédant le combat, je savais que Nathan n’allait pas l’emporter parce que son comportement avait changé et sa confiance s’était évaporée, a écrit Warren dans un article.

 

« Anthony ne manque pas de confiance parce qu’il est toujours positif. Il ne se laisse jamais distraire par ce qui se passe à l’extérieur et s’en tient toujours au plan de match établi par son équipe. Anthony a affronté des adversaires qui lui ont donné toute l’expérience qu’il avait besoin. Plusieurs d’entre eux n’avaient d’ailleurs jamais été arrêtés avant de croiser sa route. »

 

La confiance du clan Yarde a beau être inébranlable, il semble qu’il n’a aucune idée de ce qui l’attend en Russie. « Au plus haut niveau, peu importe comment vous vous débrouillez dans les séances de mitaines et peu importe comment sont vos muscles, vous devez prouver que vous savez vous battre et que vous savez prendre des coups, a analysé l’ancien champion unifié de la catégorie Andre Ward. C’est une question de forme physique et d’intelligence dans le ring.

 

« Il faut faire sa voie vers le sommet tranquillement et franchir les bonnes étapes. Je ne suis pas certain qu’il ait affronté les bons boxeurs pour se préparer. C’est pourquoi Kovalev va l’arrêter. »

 

Yarde a certainement un espoir sur lequel s’accrocher – Alvarez l’a prouvé l’an dernier –, mais il serait réducteur de penser qu’un seul coup bien placé peut venir à bout de Kovalev. L’entraîneur Marc Ramsay disait d’ailleurs que le Russe est un meilleur boxeur technique que ce que tout le monde peut penser. Qui plus est, l’expertise de son entraîneur « Buddy » McGirt fait l’unanimité.