La carte du gala du 19 décembre

MONTRÉAL – Un vieux dicton galvaudé dans le monde du pugilat dit qu’on est aussi bon que son dernier combat. Aiemann Zahabi, qui n’a pas gagné depuis bientôt quatre ans, ne veut pas en croire un mot.

À quelques jours de son retour dans l’octogone, le Montréalais de 33 ans carbure à l’énergie positive. Bien sûr qu’il aurait souhaité un résultat différent à sa dernière sortie. Évidemment qu’il aurait préféré qu’on ne le laisse pas ruminer la défaite si longtemps. Et non, les conditions dans lesquelles il prépare son retour ne sont pas idéales.  

Mais les longs mois d’inactivité semblent avoir affiné sa perspective. Jadis l’un des plus beaux espoirs des arts martiaux mixtes, Zahabi a appris à faire la paix avec ses échecs et est maintenant prêt à mettre en application les leçons apprises dans l’introspection.

 « Écoute, ça fait [longtemps] que j’ai pas gagné un combat, mais dans ma vie, je trouve que j’ai du succès, relativise-t-il dans un entretien avec RDS. J’ai une belle famille, une business qui me permet de ramener de l’argent, j’ai des amis, j’ai tout ce dont j’ai besoin pour avoir une belle vie. J’ai un peu honte de la façon dont j’ai perdu mon dernier combat, mais quand je vais gagner, on ne va plus me parler de ces combats que j’ai perdus. On va tourner la page, on va parler de mes victoires. »

« Je lis beaucoup de livres sur la psychologie. Je viens d’en finir un, ça s’appelle ‘The Tools’. Je le suggère vraiment. Une des premières choses dont parle l’auteur, c’est un principe qui s’appelle l’inversion du désir. Il y a des fois où tu veux faire quelque chose, mais le feeling que ça te donne va peut-être t’empêcher de le faire tout de suite. Si tu le fais, tu ne le regretteras jamais, mais peut-être que tu n’oseras jamais te lancer. Alors il nous donne un mantra : Bring it on. I love the pain. The pain will set you free. Et c’est la vérité, man. Il n’y a rien de plus vrai. »

« Bring it on. I love the pain. The pain will set you free »

Depuis deux ans, la douleur de Zahabi s’exprime sous la forme de regrets, ceux qui le rongent lorsqu’il repense à sa défaite contre Vince Morales. Pour ce que ça vaut, il reste convaincu qu’il aurait dû être déclaré vainqueur ce soir-là. Il est aussi assez honnête pour admettre qu’il a laissé trop de place à l’interprétation.

« Je suis en camp d’entraînement depuis [ce combat-là], illustre l’élève du Tristar Gym. Je n’ai pas arrêté. Je ne pouvais pas arrêter. C’était embarrassant, la façon dont j’ai perdu ce combat-là parce que c’était ma faute. Mon frère et moi, on pensait qu’on avait gagné les deux premiers rounds et au troisième j’ai dit ‘Ok, je vais prendre ça off’. Parce qu’à mon combat précédent, j’étais allé tellement fou dans le troisième round et je m’étais fait knocker. Là, je voulais juste avoir une victoire en me disant qu’à mon combat suivant, j’allais me donner comme normal, t’sais? Je voulais un safe win et ça n’a pas marché. Je ne le ferai plus jamais. Après le combat j’étais tellement frustré parce que je ne m’étais pas fait mal du tout. J’étais déçu parce que je m’étais donné à 60%. »

« C'est embarrassant, la façon dont j'ai perdu mon dernier combat »

Poser les questions

L’UFC est l’une des organisations ayant le moins souffert de la pandémie qui a paralysé le monde du sport l’hiver dernier. Seulement cinq de ses galas ont dû être annulés avant que son président, Dana White, n’accouche d’une solution lui permettant de reprendre ses activités régulières. Dans son gymnase privé de Las Vegas ou dans un environnement protégé qu’elle a érigé à Abou Dabi, la compagnie a pu livrer 31 événements au cours des sept derniers mois.

Trente-et-une occasions pour ses athlètes de se fixer un objectif et de retrouver un semblant de normalité. Trente-et-une affiche sans que le nom de Zahabi ne se retrouve au programme.

« J’ai dit oui à des combats, mais il y avait toujours quelque chose, des raisons pourquoi ça ne marchait pas, affirme le poids coq. Et parce que j’ai perdu deux combats de suite, je n’avais pas vraiment le choix. Quand tu gagnes, ils te donnent une liste de 3-4 noms et tu choisis. Mais parce que j’ai perdu, c’est moi qui suis sur la liste de 3-4 noms pour quelqu’un d’autre. J’ai toujours dit oui et je pense qu’ils ne m’ont pas choisi. »

Zahabi a finalement trouvé un match. Le 19 décembre, il affrontera Drako Rodriguez, un Américain de 25 ans qui a mérité un contrat avec l’UFC lors de son récent passage à l’émission Dana White’s Contender Series. Rodriguez s’est auparavant monté une fiche de 6-1 dans l’organisation King of the Cage après une brillante carrière au niveau amateur. Il a aussi disputé deux combats de boxe professionnelle, mais quatre de ses sept victoires en arts martiaux mixtes ont été acquises par soumission.   

Détenteur d’une ceinture noire en jiu-jitsu brésilien, Zahabi se croit bien équipé pour aller rivaliser au sol avec son prochain rival. Il a aussi bien étudié les tendances de ce dernier dans le combat debout et assure avoir toutes les réponses pour ce qui pourrait être lancé dans sa direction le soir de son retour à la compétition.

Mais tout ça n’a pas trop d’importance puisqu’il s’est fait une promesse. Devant Drako Rodriguez, c’est lui qui va poser les questions.

« J'ai toutes les réponses pour lui »