TORONTO - Valérie Létourneau ne comprend toujours pas ce qui s’est passé lors de sa dernière présence dans l’octogone. Ce qu’elle sait, par contre, c’est qu’elle ne peut se permettre de répéter pareille contre-performance.

La Québécoise exilée en Floride croit qu’elle a livré la pire performance de sa carrière dans l’UFC en juin dernier lorsqu’elle a été mise K.-O. par Joanne Calderwood. Fraîchement revenue d’un combat de championnat et confrontée à une adversaire taillée sur mesure pour elle, Létourneau est inexplicablement partie du mauvais pied et s’est fait éliminer avant la fin du troisième round.

« Je n’ai jamais été dans le combat, je ne me reconnais même pas quand je le regarde. C’est ce que je trouve difficile », récapitulait-elle jeudi devant les deux journalistes francophones venus à sa rencontre dans l’hôtel de Toronto où elle se préparait pour son retour à la compétition.

« Je me suis fait knockouter au premier round, a-t-elle réalisé en visionnant la reprise. Dans ma tête, j’étais restée au sol pendant une seconde, mais en réécoutant, j’ai vu qu’il y avait dix secondes où je n’étais absolument plus là. Mon corps continuait à répéter ce que je pratique depuis des années, mais je n’étais pas là. J’ai reçu plein de coups de poing. C’est peut-être parce que c’était la première fois que ça m’arrivait, mais j’ai l’impression que je ne suis jamais revenue dans le combat à 100 % et ce n’est pas un bon feeling! »

Un autre type de mauvais feeling, pire encore celui-là, guette cette fois Létourneau. Avec deux défaites consécutives à sa fiche, la représentante d’American Top Team se trouve en terrain glissant. Un faux pas et elle pourrait être victime de sa dernière chute.

« Pour moi, ça passe ou ça casse, reconnaît-elle franchement. Si je perds mon prochain combat, je recule tellement loin. J’ai 33 ans, j’ai toujours dit que je n’avais pas beaucoup de temps devant moi et mon but, c’est d’être dans le top-5 et de me battre pour la ceinture. Je ne m’en vais pas là juste pour me battre, il y a tellement de choses que je veux faire après ma carrière. Je suis consciente que si je perds, je vais probablement devoir passer à autre chose.

(Vendredi matin, Létourneau a été incapable de respecter la limite de poids en vue du combat. Elle a fait osciller la balance à 117,5 livres, une livre et demie au-dessus de la limite permise. Elle devra remettre 20% de sa bourse à son adversaire.)

Sous le radar

Il y a un an, le visage de Létourneau était imprimé sur toutes les affiches pour promouvoir le plus grand moment de sa carrière : un combat pour le titre de championne de l’UFC. L’été dernier, elle était l’une des attractions principales du premier événement organisé dans la capitale de son pays natal. Mais cette semaine, dans la Ville Reine, l’ancienne aspirante passe complètement sous le radar.

Jeudi, 10 des 24 athlètes qui seront en action lors de l’UFC 206 se sont vu offrir une tribune de choix pour promouvoir leur combat. Létourneau n’était pas du nombre. Son nom ne figurait d’ailleurs nulle part au calendrier des activités organisées pour mousser la tenue de l’événement.

Et le département sportif de la compagnie ne lui a pas nécessairement montré plus de reconnaissance en lui offrant la Brésilienne Viviane Pereira, une verte recrue, pour son combat qui sera présenté sur les ondes de RDS2. Létourneau n’en fera pas tout un plat, mais elle ne cache pas qu’elle n’a pas sauté de joie quand elle a appris l’identité de son adversaire.

« Je ne suis pas contente, mais en même temps, c’est là que je suis rendue, constate-t-elle humblement. Je ne peux absolument rien dire avec la performance que j’ai donnée à mon dernier combat. Alors ZIP! Je vais faire mon travail et donner un show! »

Pereira, 23 ans, n’a quand même pas accédé au sommet de la pyramide par hasard. Elle est invaincue en onze combats et Létourneau compare son style à celui de sa compatriote Jessica Andrade, l’une des athlètes féminines les plus aguerries et craintes de l’UFC.

« Elle s’en vient comme un pitbull. Elle doit être la plus petite de la division et comme je suis parmi les plus grandes, j’aurai un grand avantage au niveau de la portée, mais je ne la sous-estime pas du tout. Je m’en vais là comme si je m’en allais me battre contre Joanna Jedrzejczyk. C’est comme ça que je me suis préparée. »

Une rivale devenue alliée

Létourneau ne s’est pas seulement entraînée comme si elle allait affronter Jedrzejczyk; elle s’est entraînée avec elle.

En septembre, Létourneau a reçu presque simultanément un message texte de trois entraîneurs d’American Top Team. Ils voulaient tous éviter qu’elle fasse le saut lorsqu’elle apprendrait que la championne polonaise, celle qui venait de la battre dans le combat le plus important de sa carrière, se joignait à l’équipe en prévision de la prochaine défense de son titre.

« Moi, je veux simplement m’entraîner avec les meilleurs au monde, philosophait la Montréalaise, qui a bien reçu l’arrivée inattendue d’une nouvelle coéquipière. J’ai vu Georges St-Pierre amener au Tristar presque tous les gars contre qui il s’est battu au cours de sa carrière. Si je peux m’entraîner avec elle le plus souvent possible, je pense que ça va juste augmenter mon niveau. »

Sur les tapis de Coconut Creek, les anciennes rivales ont surtout lutté ensemble et pratiqué leur jiu-jitsu. Si la présence des deux compétitrices dans la même pièce a déjà provoqué des courts-circuits, les nouvelles partenaires ont vite développé une belle relation d’entraide.

« On est pareilles, on se fout un peu de tout ce qui s’est passé avant. C’était comme ça avant, dit Létourneau en cognant ses deux poings ensemble, mais le stress est passé et on n’a plus rien à se prouver. Il y a un beau respect entre nous deux. »

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