NEW YORK – Quelques mois après avoir annoncé son retrait de la compétition, à l’hiver 2014, un Georges St-Pierre serein et soulagé avait convoqué les médias dans un club de lutte de Montréal. Les contrecoups de la bombe qu’il allait lâcher ce jour-là sont encore ressentis dans chaque ville où l’UFC débarque pour y présenter un gala.

Pleinement conscient du poids et de la portée de ses paroles, St-Pierre avait pour la première fois identifié la principale raison qui l’avait incité à accrocher ses gants : son sport était sali par une épidémie de dopage et il n’était plus intéressé à y être associé tant que des moyens pour l’enrayer ne seraient pas envisagés.

« Je trouve que c’est un gros problème dans le sport, avait-il dénoncé. N’oubliez pas : parce que je suis un athlète, j’ai des informations à l’interne et je sais ce qui se passe. Si tu commences à tester tout le monde, combien vont se faire prendre? Je ne veux pas en parler en public et je n’accuse personne, mais l’image du sport pourrait être touchée. »

Les propos incendiaires de St-Pierre s’étaient rapidement rendus aux oreilles des propriétaires de l’UFC et de son président Dana White, qui avait, à la surprise d’absolument personne, répliqué en traînant son ancien champion dans la boue. « Si Georges St-Pierre veut parler comme un homme, il peut prendre le téléphone et nous appeler ou encore venir nous voir face à face. Mais tout ce qu’il dit est ridicule », avait dit White.

Les développements qui ont marqué les quatre années qui ont suivi prouvent que St-Pierre, loin d’être ridicule, a porté lors de cette cinglante sortie publique le coup le plus précis et le plus efficace de sa carrière.

Au printemps 2015, l’UFC a annoncé l’embauche de Jeff Novitzky*, qui avait notamment été au cœur des enquêtes menant à l’incrimination de Barry Bonds et de Lance Armstrong, au poste de vice-président de la santé et sécurité des athlètes de l’UFC. Quelques mois plus tard, l’organisation a conclu un partenariat avec l’Agence antidopage américaine (USADA), une entité indépendante qui allait être en charge de gérer une audacieuse opération de nettoyage.

Selon les données disponibles sur le site de l’USADA, 35 athlètes – un en 2015, 18 en 2016 et 16 en 2017 – ont échoué à un test antidopage depuis l’instauration du programme. Au-delà de ce nombre, le nom de certains coupables ainsi que les circonstances dans lesquelles ils ont été dénoncés rassurent quant à l’intégrité de la démarche. Si l’UFC avait le pouvoir de s’ingérer dans le travail de l’USADA, Jon Jones n’aurait probablement pas été pris la main dans le sac quelques jours avant son grand retour en combat de championnat face à Daniel Cormier. Les sentences servies à Brock Lesnar, Chad Mendes, Kelvin Gastelum et Lyoto Machida prouvent aussi, dans une certaine mesure, que les tricheurs sont épinglés sans égard à leur cote de popularité.

« Un jour, si ça change, peut-être que je vais revenir », avait conclu St-Pierre après s’être vidé le cœur il y a quatre ans. Les avancées réalisées depuis lui ont donc plu puisque samedi soir, le Québécois remontera dans l’octogone pour y défier le Britannique Michael Bisping, champion de la division des poids moyens.

« Ça fait longtemps que j’en parle et je n’aime pas trop revenir là-dessus parce que je sais que ça fâche les dirigeants de l’organisation, mais je suis content de la décision de l’organisation, reconnaît aujourd’hui St-Pierre, qui ne cache pas que son intervention a probablement joué pour beaucoup dans le changement de mentalité de ses patrons. Beaucoup de choses ont changé et je suis vraiment content du travail qu’ils ont fait. C’est remarquable et je suis vraiment heureux. Ce n’est pas parfait, mais c’est beaucoup mieux que c’était, surtout quand on compare à d’autres sports comme le baseball et le football. Et c’est comme ça que ça doit être. »

La guerre n’est pas gagnée

Avant l’arrivée de l’USADA dans le portrait, l’application des règles relatives à la consommation de produits dopants était l’affaire des commissions athlétiques. Les tests étaient non seulement moins fréquents, mais les athlètes qui y étaient soumis étaient souvent avertis à l’avance du moment de la visite des inspecteurs, ce qui facilitait grandement le contournement des lois.

L’USADA effectue des contrôles réguliers à longueur d’année, qu’un athlète ait un combat à son agenda ou non, et peut cogner à la porte à tout moment. St-Pierre, par exemple, a été testé douze fois, quatre en 2016 et huit en 2017, depuis l’annonce de son retour.        

« J’adore me faire réveiller pour cette raison à 6 h du matin parce que ça m’assure qu’ils font bien leur travail. Ça rend le sport propre et équitable », apprécie le mi-moyen Stephen Thompson, qui affrontera Jorge Masvidal samedi au Madison Square Garden.  

« Ça fait suer parfois, mais si ça fait en sorte que je suis en compétition contre un gars qui est propre, ils peuvent venir chez moi à 3 h du matin s’ils veulent, approuve le poids léger Joe Duffy, qui a identifié le travail de l’USADA comme l’une des principales raisons pour justifier sa décision de signer un nouveau contrat avec l’UFC. Si je perds un combat, je veux que mes habiletés soient en cause, pas la consommation de stéroïdes de mon adversaire. »

Compte à rebours vers l'UFC 217

De l’aveu même de Jeff Novitzky, le système actuel n’est pas parfait et ne le sera peut-être jamais. Mais des ajustements ont été apportés en cours de route et continueront de l’être. En février dernier, les paramètres à suivre pour un athlète qui réintègre les rangs de l’UFC, que ce soit après un départ volontaire ou un congédiement, ont été modifiés.

Duffy déplore avoir été soumis à seulement deux tests sanguins, plus précis mais plus coûteux, depuis son arrivée à l’UFC. Thompson, pour sa part, aimerait que des sentences plus sévères soient imposées aux tricheurs. Depuis qu’on lui en a donné l’autorité, l’USADA a imposé des suspensions de six mois à quatre ans.

« Je crois qu’ils sont encore un peu trop tolérants, estime "Wonderboy". Les athlètes n’ont pas encore assez peur de se faire prendre. Si on voyait davantage de suspensions de deux, trois ou quatre ans, le message serait compris beaucoup plus vite. Présentement, on voit des gars se faire prendre et s’en tirer avec six mois ou un petit avertissement. Ils n’ont qu’à dire qu’ils ont consommé des suppléments compromis et ils s’en sortent sans conséquence. C’est un peu louche. »

Les efforts de l’UFC ont porté fruits, ça ne fait aucun doute. « C’était surtout flagrant dans la première année, remarque Duffy. Dans chaque division, des gars du top-15 ont commencé à tomber. Soudainement, ils étaient méconnaissables. Les gens peuvent regarder et juger par eux-mêmes. »

Mais la guerre n’a pas été gagnée et ne le sera probablement jamais. « Personnellement, je crois que le sport est beaucoup plus propre qu’il l’a déjà été, affirme Firas Zahabi, l’entraîneur de St-Pierre. Ce n’est que mon opinion. Je ne me base sur aucun fait, sur aucune donnée. Il est plus propre, mais je soupçonne qu’il y a encore plusieurs gars qui trouvent une façon de tromper le système. Plusieurs... »

*RDS a tenté d’obtenir les commentaires de Jeff Novitzky, mais au moment de publier, l’UFC n’avait pas donné suite à nos demandes d’entrevue.​

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