BROOKLYN, New York – Evan Dunham a 36 ans. Il est le père de deux jeunes filles, le propriétaire d’un gymnase à Las Vegas et un employé au nouvel Institut de performance de l’UFC. Flâner sur les médias sociaux vient très loin dans sa liste de priorités.

Mais le 9 mars, sa curiosité a pris le dessus.

Depuis le début du camp d’entraînement dans lequel il était investi en prévision de son prochain combat, Dunham avait été harcelé de tous les côtés par les partisans de Mairbek Taisumov, qu’il devait affronter à l’UFC 223. Quand il a appris que des problèmes de visa empêcheraient le Russe d’honorer sa partie du contrat, il a décidé, pour rigoler, d’aller voir ce que ses détracteurs trouveraient bien à lui dire.

Ce jour-là, sur Twitter, Dunham a obtenu une double satisfaction. En plus de jouir du silence soudain de ses critiques, il s’est trouvé un nouvel adversaire. Olivier Aubin-Mercier, qui venait lui aussi de se faire flouer par un rival négligeant, lui tendait une perche à laquelle il s’est empressé de s’accrocher.

« Son nom était l’un de ceux qui m’avaient déjà été présentés comme une possibilité, racontait mercredi le sympathique Américain en entrevue avec RDS. Dès que j’ai vu son tweet, je me suis dit ‘Let’s go! Pourquoi pas?’ J’étais prêt pour n’importe qui et je trouvais que c’était un affrontement intéressant. »

Dunham dit « n’importe qui » sans mesquinerie, sans aucune mauvaise intention. Mais on le sent aussi trop authentique pour faire semblant d’être réellement excité par les récents développements. En sortant de l’ascenseur de l’hôtel réservé aux combattants qui seront en action samedi au Barclays Center, mercredi, il est passé devant son rival sans même le reconnaître. Il n’a pas hésité une seconde à faire demi-tour pour aller initier des présentations cordiales dès qu’un observateur lui a fait réaliser son faux pas, mais la scène était quand même révélatrice. Un combattant qui possède près de dix ans d’expérience parmi l’élite de son sport et qui n’a pas subi la défaite à ses cinq dernières sorties préférerait probablement affronter un adversaire qu’il est capable d’identifier dans une foule.

« Je ne me souviens pas exactement de sa fiche, je sais qu’il a lui aussi quelques victoires d’affilée, admet-il candidement en poursuivant sa description du ‘Québec Kid’. C’était important pour moi, je ne voulais pas affronter quelqu’un qui se remettait d’une défaite. Mais au point où j’en étais rendu, je voulais surtout qu’on me trouve un autre combat. »

En l’espace de quelques heures, Dunham a dû opérer un virage à 360 degrés. Depuis son entrée à l’UFC, Taisumov a gagné six combats et n’en a perdu qu’un. Ses cinq dernières victoires ont été acquises par K.-O., chaque fois en moins de deux rounds. Un pitbull.

La feuille de route d’Aubin-Mercier est aussi impressionnante, mais pas pour les mêmes raisons. La spécialité du Québécois, c’est l’art de la soumission. Quatre de ses six victimes à l’UFC ont abdiqué sous l’emprise de ses avant-bras. Un boa constrictor.

« La transition inverse aurait été compliquée, mais passer d’un cogneur à un spécialiste du combat au sol est assez facile pour moi, explique Dunham, une ceinture noire en jiu-jitsu brésilien. J’ai combattu contre beaucoup de grapplers, surtout en début de carrière, et j’aime me mesurer à ce style de combattant. »

La fontaine de Jouvence

Il n’y a pas si longtemps, Dunham fréquentait la crème de la division des poids légers de l’UFC. En 2013, il a affronté coup sur coup Rafael Dos Anjos et Donald Cerrone. L’année suivante, il s’est frotté à Edson Barboza. Trois affrontements alléchants, autant de défaites consécutives qui l’avaient laissé dans le néant.

« C’était une période de questionnement et d’incertitude. J’ouvrais mon gym, je commençais à fonder une famille et donc je n’étais pas hyper-concentré sur une seule chose. J’étais le gars qui ne pensait qu’à l’UFC matin, midi et soir. Du jour au lendemain, je devais me lever tôt, aller porter mes filles à l’école, courir à gauche et à droite et trouver le temps pour m’entraîner à travers tout ça! »

Plutôt que d’abandonner ses nombreux projets, Dunham a appris à mieux distribuer son énergie. L’équilibre qu’il a trouvé au tournant de la trentaine a donné un nouveau souffle à sa carrière.

« Il fallait que je ralentisse à quelque part et j’ai découvert qu’en levant un peu le pied à l’entraînement, j’obtenais de meilleurs résultats. Par exemple, au lieu de m’entraîner deux fois par jour à 50% de mes capacités, j’ai commencé à m’entraîner une seule fois, mais plus intensément. Pour moi, c’est plus productif ainsi. Je ne sais pas si je suis dans la meilleure forme de ma vie, comme le veut le cliché, mais je sais que je suis en santé. Je me sens bien, je me sens fort et ça clique pour moi dans l’octogone. »

Après avoir retrouvé sa confiance contre des vétérans comme Rodrigo Damm, Ross Pearson et Joe Lauzon, Dunham a recommencé à se mesurer à des petits jeunes désireux de profiter de sa réputation pour lancer leur propre carrière. Il a barré le chemin à Rick Glenn il y a deux ans et a livré un courageux verdict nul à Beneil Dariush en octobre dernier.

C’est maintenant au tour d’Aubin-Mercier de voir le vétéran comme un tremplin vers le top-15 de la division.

« C’est exactement de cette façon qu’il devrait envisager le combat, je ne peux certainement pas le blâmer pour ça, réalise Dunham. De mon point de vue, je me motive en voyant un gars qui est sur une belle lancée, qui est affamé et qui cherche à faire passer sa carrière à l’étape supérieure. Malheureusement pour lui, je suis celui qui va le ramener sur terre. »